Chapitre 42

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Le Neptune fut dépouillé de ses réserves de vivres et de munitions, les homes restants n’avaient pas le choix, ils devaient survivre sur ce rafiot. Alors que le Kingstone et ses acolytes s’éloignaient du cimetière d’Utlos, Arawn rejoignit la poulaine. D’un pas lent, il observa son protégé, assis les pieds dans le vide, les bras croisés sur le bastingage et le regard dans le vide. Le petit rapace se tenait à côté de lui, les trois chats d’Opal lui tenaient compagnie : Arlau le tigré coucher sur ses jambes, le sombre Oris assis à côté de lui et le siamois Kao étendu de tous son long le long de sa cuisse.

Le capitaine descendit le rejoindre d’un pas de loup, et se plaça dans son dos. Le contact entre ses jambes et le corps du garçon interpela ce dernier. Il se redressa pour s’appuyer contre les tibias du pirate et bascula sa tête en arrière. La main du plus vieux effleura sa joue, soucieuse de ne pas l’entendre prononcer un mot depuis la mise à mort de Mannles.

— Tu vas bien ?

Earl détourna le regard et préféra fermer les yeux en s’appuyant contre cette grande paume rugueuse. Il ne se sentait pas fier de ce qu’il avait fait, mais toute la rage qui avait pris possession de son corps avait disparu. Il était simplement vide. De toute énergie comme de tout sentiment.

— Je suis fatigué…

— Tu devrais aller te reposer dans ma cabine.

La main du garçon caressait le pelage d’Arlau avec calme, la douceur du félin rassurait le garçon.

— Ou allons-nous ? ne pouvait-il s’empêcher de demander.

— Nous nous dirigeons vers Hiling.

— Où est-ce ?

— À l’est de Basal. Il s’agit de la base des cardinaux et de l’ordre des pirates.

— Pourquoi y allons-nous ?

— Pour annoncer la mort de Mannles. Et nous devons discuter d’autres sujets importants, comme l’ampleur que prend la couronne sur les mers, la disparition de certains d’entre nous et les bouleversements qui sévissent au nord.

— Être cardinal semble soudain plus compliqué…

Arawn ricana dans son dos, le faisait faiblement sourire.

— Va te reposer. J’aimerais que tu m’accompagnes à Hiling.

— Pour quoi faire ?

— Te présenter à l’assemblée, et obtenir de l’aide de Seriea.

— De—

— Va te reposer.

Earl abandonna et se leva, le chat dans ses bras. Il se retourna vers son supérieur et le contourna dans ajouter un mot. L’oiseau prit son envol pour se poser sur l’épaule de son fauconnier, les deux chats restants le suivirent également. Rackham resta bouche bée face à la façon dont les animaux le suivaient, sans doute une habilité de ses origines.




Il n’avait pas besoin de demander son chemin, il suivit simplement le couloir jusqu’à la poupe du navire. En ouvrant la dernière porte, il tomba sur une grande cabine remplie d’affaire en bordel, un véritable capharnaüm. Des vêtements éparpillés un peu partout, des cartes, des lettres, des documents, des livres, des morceaux de papier roulés en boule et lancés aléatoirement dans la pièce, des caisses en bois et des paniers de pêches dans un coin, du mobilier recouvert de tissu dans un autre.

Même en faisant attention à ou il mettait les pieds, il ne pouvait s’empêcher de se prendre dans des tissus ou de marcher sur des morceaux de papier. Il trouva refuge sur un fauteuil proche d’un hublot et s’y installa. Cette pièce était un véritable débarras, mais Meribi lui avait affirmé qu’ici, il serait en paix. Personne ne venait jamais, ou presque. Seul Opal y entrait de temps à autre pour récupérer une bricole et remonter sur le pont.

Assis en tailleur, le chat sur les cuisses, il médita. Son voyage touchait à sa fin. Après leurs débarquements à Hiling et la réunion entre tous ces marins, il sera déposé à Basal.

Basal ou le Phoenix. J’ai encore le choix.

Il aurait pu changer d’avis après les nombreux évènements passés, mais son choix restait le même. Il souhaitait toujours rester en compagnie de l’équipage du Phoenix. Après tout, il avait affirmé à Mannles qu’il aiderait Arawn à trouver la perle noire. Même s’il ignorait encore ce qu’elle était, il avait fait une proposition — indirecte, soit — au capitaine, et semblait en attendre la réponse.

Après tout, il n’avait rien à faire nulle part. Et beaucoup continuerait à le chercher à travers les continents. Au moins, en compagnie du phénix de Manhal, il pouvait espérer avoir une vie normale. Il pouvait aussi retourner à Anouk et continuer à s’entrainer, et ensuite ? Il avait conscience que ses pouvoirs pouvaient être d’une très grande aide, mais il n’en avait pour l’instant aucun contrôle — très peu en tous cas.

S’entrainer, c’est ce qu’il devait faire. Mais où ? Le navire était grand, mais il ne pouvait pas risquer de provoquer une réaction indésirable et d’endommager le galion. Excepter s’il faisait attention. Après tout, San y arrivait bien, pourquoi pas lui.

Il se leva avec détermination, abandonnant les animaux dans la pièce pour revenir quelques minutes plus tard, accompagné de deux seaux d’eau. Il se permit de pousser les affaires sur les contours de la pièce pour lui permettre d’avoir de la place au centre. Les chats avaient trouvé refuge sur le fauteuil, le faucon était posé sur le haut du dossier, et tous observèrent ce gamin essayer de contrôler ses facultés.

Il parvint comme dans la prison à créer une bulle d’eau limpide. Une, deux, trois en même temps. Ça ne lui prenait que peu d’énergie, alors il essaya plus gros. Il multiplia les essais et s’aventura à faire des formes plus variées. Les bulles se transformèrent en tubes qui finirent par onduler autour de lui.

Il continua inlassablement. Il eut des échecs et se retrouva souvent trempé de la tête au pied, mais n’abandonna pas. Après une journée entière passée dans la cabine, il parvint à contrôler de petite quantité d’eau, en différente forme. Puis, il laissa son imagination prendre le dessus. Il modela un bouclier, d’abord ressemblant à un simple cercle plat, puis s’étendit en un mur et enfin une demi-cloche.

La construction de ces édifices pompa plus d’énergie et le força à prendre une pause. Il se changea et rejoignit la salle commune pour le repas du soir. La compagnie de l’équipage réchauffa son cœur et le repas remplissait son estomac vide. Il discuta longuement avec les canonniers et les gabiers, mais son regard dévia sur les couverts installer à table.

Pourquoi ne pas essayer des armes…

À l’heure de coucher, il disparut dans la cabine du fond sans un bruit. Et s’entraina toute la nuit. À l’aube, il réussissait à matérialiser des lames d’eau assez aiguisée pour se couper. La taille de ses créations était passée de petite à taille moyenne. Il ne se sentait pas capable de faire plus grand, mais il pouvait se protéger et se battre dans armes réelles. Il se doutait que ses pouvoirs pouvaient soigner des blessures ou créer de plus grandes choses, mais il avait besoin de l’aide de Wig.

Alors il se contenta de ce qu’il pouvait faire ici. Il se reposa la journée suivante, recroqueviller sur le fauteuil, les félins blottis contre lui. Sa cachette fut trouvée par Opal, peu étonné de le voir ici. Elle déposa une couverture sur son corps, prit quelques affaires et repartit. Elle se doutait de ses efforts fournis en voyant le sol détrempé de sa salle de stockage, mais ne le lui reprocha pas.

Après une dizaine de jours de navigation, l’île de Hiling fut en vue. Earl remonta sur le pont, reposé et habillé de nouveau vêtement. Le faucon sur une épaule, les chats regagnèrent la compagnie de leur maîtresse. Il s’appuya sur le bastingage bâbord pour observer les flancs rocheux qui se présentaient à eux. L’atmosphère de l’archipel semblait étonnement sombre, des fumées s’échappaient de son centre, camouflé par les montagnes.

— Je ne suis pas très serein…

San s’était approché de lui, le regard figé sur l’horizon, la mâchoire serrée et les mains crispées. C’était une réaction normale, ils ne savaient rien de cet endroit, malgré l’assurance qu’avaient les cardinaux. Ils n’avaient aucune idée de ce qui les attendait.

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