Une grande muraille divise le pays en deux. Pour traverser le mur, il faut passer par les douanes. Pour atteindre les douanes, il faut avoir son passeport. Et pour avoir son passeport... Il faut passer le test.

Plusieurs tests d'aptitudes et d'intelligences. Il faut avoir la réponse parfaite. Des réponses qui satisfont le haut ministre des Valeurs et du Jugement. Il faut être assez fort pour plaire au haut ministre de la Santé publique. Ce sont eux qui tranchent. Avant, c'était dès l'âge de 4 ans qu'ils pouvaient passer une série de tests qui déterminait leur passage de l'autre côté du mur. Mais l'apparition des murs date de 40 ans environ. Donc, depuis plusieurs années, les examens se font rares. Les autorités disent qu'il manque de la place. C'est comme ça dans les autres pays également. Alors, quelques chanceux peuvent passer des tests à partir de 16 ans. Mais depuis 20 ans déjà, pratiquement tout le monde est refusé.

De l'autre côté du mur, ce sont les humains dits supérieurs qui peuvent y vivre. Derrière ce mur, il n'y a pas de couleur, pas de religion et pas d'orientations sexuelles, pas de jugement. Tout le monde y vit, parfaitement heureux. Ils ne payent presque pas d'impôt et ils ont de bons salaires, de belles maisons. Pas de maladie et peu de pollution. C'est comme le paradis sur terre. Mais...

Leurs faits et gestes sont surveillés, traqués et analysés par des agents. Jamais, ils ne doivent parler en mal du gouvernement. Ils n'ont pas le droit de critiquer quoique ce soit. Avoir son propre opinion est très mal vu.

C'est peut-être le prix à payer pour avoir une belle vie.

Le peuple s'est battu pour être séparé de ceux qui ont l'esprit fermé. Des racistes, des sexistes, des homophobes, des croyants... Ces gens n'ont jamais mérité d'être du bon côté du mur. Malgré qu'il y eût toujours l'armée pour protéger la race supérieure à la race inférieure, il y avait toujours un risque. Combien ont trouvé cela injuste ? Maintenant, avec la muraille, tout va bien.

Mais ceux de l'autre côté vont mal... Le taux de criminalité est élevé. De ce côté du mur, le trafic sexuel est coutume. Il y a de la drogue à profusion. Les gangs de rues font leurs lois. Pas de justice, pas d'égalité. Ici, les autorités ne font rien pour les aider. Cependant, personne n'est puni s'il s'exprime haut et fort. Les manifestations ne sont pas interdites. Personne ici n'a de puce ou n'est obligée de prendre un vaccin aux six mois. Pas besoin de demander la permission pour être en vacances ou passer du temps avec sa famille. Et il est possible d'écouter n'importe quoi à la télévision, ce n'est pas le haut ministre du Divertissement qui contrôle les ondes.

Lady s'exprime avec son pinceau et les couleurs de l'arc-en-ciel. Elle n'écrit pas très bien, l'éducation n'est plus obligatoire. Par exemple, ses peintures sont magnifiques et ceux de l'autre côté les adorent. La jeune fille ne peut pas aller les joindre, elle n'a pas son passeport. Elle ne peut pas passer les examens... Néanmoins, elle y rêve jour et nuit. Elle sait qu'elle sera riche et célèbre si elle traverse le mur. Aujourd'hui, les humains aspirent à la richesse.

Une autre de ses oeuvre vient d'être achetée et comme toujours, elle ne perçoit presque rien. Quelqu'un a payé des millions pour son tableau, mais elle n'a reçu qu'assez d'argent pour payer son loyer. Le temps passe et Lady désespère. Elle est encore jeune, mais elle sait que le temps est compté. De ce côté du mur, l'espérance de vie est de 33 ans.

Un beau jour, après avoir pensé à mille et une façon de traverser le mur, la gamine reçoit un étrange appel. Un homme, un être humain parfait, lui demande en mariage. C'est sa chance ! Comme elle sera mariée, elle n'a qu'à passer un petit test d'aptitude. Puis, pour 90 jours, elle sera surveillée. Les autorités doivent s'assurer qu'elle n'amène pas de maladie et que ses mauvaises valeurs sont laissés de l'autre côté. À l'approche de sa nouvelle vie, Lady voit le mur brillant et majestueux.

Son fiancé l'accueil et lui montre sa magnifique demeure. Il explique à Lady qu'une fois mariée, elle pourra y vivre. Elle imagine déjà ses nombreux bébés vivre ici... Malheureusement, avec la nouvelle loi, ils n'ont droit qu'à un enfant. Même si la nouvelle attriste la jeune fille de 19 ans, Lady rêve de vivre ici. Dans ce monde parfait.

Peu de temps après son mariage, elle apprend qu'elle ne pourra plus peindre. Ses œuvres vont à l'encontre des valeurs du gouvernement. Lady se demande pourquoi Marcus l'a donc épousé... Il était tombé amoureux d'elle à cause de ses œuvres. Mais comme elle n'a plus le droit de peinturer, il commence à douter de son amour pour elle.

La jeune femme est encore en approbation. S'il divorce avant ses 90 jours, elle retournera de l'autre côté. Elle supplie de l'aimer et de lui laisser une chance. Lady veut lui montrer que les inférieurs sont parfaits à leur façon. Elle essaie de lui expliquer comment la vie est horrible d'où elle vient...

Malheureusement, seulement après 30 jours, Lady traverse à nouveau les douanes. Rendue à son appartement en ruine, elle découvre qu'il a été complètement saccagé. Partout sur les murs, il est écrit en rouge '' Sale pute de traître.'' Ses tableaux ont été détruits. Le sol est couvert de peinture... Lady s'effondre au sol et éclate en sanglots.

Les anciennes peintures de Lady ont tous été détruit de l'autre côté de la muraille. Une nouvelle loi est passée: il est interdit de soutenir un artiste qui vient du mauvais bord. Même si Marcus ne l'aimait plus vraiment, il a quand même gardé un tableau. Il le cache précieusement. C'est un soleil éclatant qui brille sur des centaines de personnes souriantes. Ils sont heureux, pas comme ici. Il regrette d'avoir divorcé si vite.

Malheureusement, en essayant de la contacter, il n'a pas de réponse. Il apprend par la suite que le cadavre de la jeune fille a été retrouvé par un groupe de jeunes enfants. En sa mémoire, il décide d'accrocher le cadre en haut de la cheminée. Au loin, Marcus entend déjà les sirènes des voitures de polices. Il sourit à son tour et attend patiemment son triste sort. Il rejoindra bien vite Lady...