Ton cœur dans le mien
J’attends que l’air s’engouffre à l’intérieur de mon manteau pour quitter le banc sur lequel je suis assise. J’attends ce souffle, comme s’il s’agissait des mots de la nature où quelque chose de toi existe encore. J’espère que la vie, là-haut, te semble meilleure. J’espère avoir encore une place dans ton cœur immortel.
Tu en as une dans le mien, en tout cas. Je n’aurai pas l’occasion de te voir grandir. Je me rappelle encore quand tu me narguais face au miroir du salon. Tu disais qu’un jour tu serais plus grand que moi. J’aurais tellement aimé voir ce jour arriver. J’aurais voulu continuer à me perdre dans le sourire d’un petit frère aimé par ses parents, protégé par sa grande sœur.
J’ai manqué de temps pour te prendre dans mes bras, te glisser des je t’aime comme s’il en pleuvait et, si c’était possible, j’aimerais t’offrir quelques-uns de mes précieux battements de cœur pour te voir revivre une dernière fois.
Maman lit son livre le soir, mais ses larmes coulent sur les pages blanches gondolées par la souffrance des jours passés. Par le souvenir d’un accident qu’elle aurait aimé subir à ta place.
Papa se noie dans l’alcool et ranime ses démons chaque soir, une grimace peinte sur le visage, en caressant les contours de tes cheveux bruns figés sur la photo qu’il garde dans son portefeuille.
Quant à moi, j’essaie d’avancer, d’oublier le titre que j’ai perdu, remplacé par celui qui m’a été assigné sans concertation. Quand tu étais encore là, j’étais sœur. Maintenant, je suis fille unique. Rien n’est capable de soulager la douleur de cette phrase, la vérité que je dois affronter.
Parfois, je cligne plusieurs fois des paupières, je me pince, je hurle, mais le mauvais rêve ne s’en va pas. Car le cauchemar est devenu ma réalité, et ta présence ne revit qu’à travers mes songes et mes souvenirs.
Les photos sont là, dans ma tête. Ta place est dans mon cœur, désormais. J’aurais tant voulu te voir grandir, mais le destin en a décidé autrement. Des dizaines d’années ont été arrachées à cette vie.
Des larmes coulent le long de mes joues lorsque je plonge mon regard dans les yeux du nuage imprimé sur le ciel bleu.
Mon cœur hurle son chagrin. Un nœud se coince dans ma gorge au moment d’avaler ma salive. Une image de toi s’impose dans mon esprit abîmé par ta perte, envahi d’amères pensées.
Une en particulier résonne avec un passé qui ne pourra de toute façon pas être réécrit : je te fais la promesse de vivre pour nous deux.
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