40. Surprise
Une semaine plus tard, je reçois sa réponse, il me dit :
Mon Cher Michael, je suis content d’avoir de tes nouvelles, c’est avec grand plaisir que je vais t’attendre, car il me faut quinze jours de délais pour te faire moi aussi une surprise.
Ma santé est bonne, je m’efforce à une activité régulière, mais le cœur n’y est pas.
Je te dis donc à dans quinze jours.
Bien amicalement Roy.
Dans la semaine, je me décide à écrire une réponse à la proposition de M. Jennings.
John et Papi sont très heureux de savoir que je vais accepter la proposition de Jennings.
Il me donne quelques conseils.
Je relis la lettre de M. Jennings une dernière fois, mon regard s’attardant sur les mots "accessibilité" et "opportunité unique".
Tout cela est bien réel.
Mais… est-ce que je suis prêt ?
Je me tourne vers Papi et John, qui me regardent avec une expression à la fois bienveillante et intense.
- J’écoute vos conseils, mais pour moi, ce n’est pas qu’une question d’argent.
Je prends une inspiration, j’ai besoin de dire ce que je ressens vraiment.
- Ce fauteuil ne doit pas être réservé à quelques privilégiés. Il doit être accessible à tous ceux qui en ont besoin. Parce que la liberté de mouvement ne devrait jamais dépendre du prix.
Un silence s’installe.
Papi croise les bras, il m’observe attentivement, puis acquiesce.
- Nous avons bien compris, Michael.
Son sourire est doux, presque fier.
- Ta générosité est toujours intacte, même si tu risques de devenir quelqu’un.
Ces mots résonnent étrangement en moi.
Quelqu’un.
Est-ce que j’ai vraiment envie de ça ?
Je baisse les yeux sur le contrat devant moi.
John prend alors la parole, d’une voix calme mais ferme.
- Ton idée de financement, tout comme le fauteuil, sont des valeurs innovantes. Le gouvernement se lance dans le social, l’achat du fauteuil pourrait bénéficier d’une aide de l’État. Les mécènes peuvent aussi intervenir.
Il marque une pause, avant d’ajouter :
- Il faut creuser cette direction.
Je reste un instant silencieux.
J’ai toujours vu ce fauteuil comme une solution pour Roy, une façon de l’aider… Mais maintenant, je comprends qu’il pourrait changer bien plus de vies.
Ce n’est pas seulement un objet.
C’est une évolution non, une révolution.
Papi pose une main sur mon épaule.
- Tu es au début d’une grande aventure, Michael. Mais tu ne seras pas seul.
John acquiesce.
Nous avons rédigé la lettre dans cette direction.
Papi la glisse devant moi dans l’enveloppe.
- Nous verrons bien la réponse de M. Jennings.
Je fixe la lettre.
Et, pour la première fois, je me demande…
Et si j’étais vraiment capable d’accomplir ça ?
John prend un ton sérieux pour nous dire :
Ce qui se passe en Europe ne me dit rien de bon, pour moi, HITLER veut la guerre, mais surtout être le maître du monde.
L'Amérique, ne pourra pas rester en dehors du conflit, une fois lancée, la machine de guerre devra produire toutes sortes de choses : Des armes, des munitions, des canons, des chars, des camions, des avions, etc. Mais aussi des ustensiles couteaux, fourchettes, cuillères, timbales ou des crayons, des stylos, des lunettes, ou bien des ambulances, des civières, des fauteuils et encore plein de choses auxquelles on ne pense pas et tout cela en très grande quantité.
Il se peut Michael que ton petit atelier devienne rapidement une très grande usine de production.
Les journées passent trop vite, demain, je vais rendre visite à Roy, j’appréhende déjà, ce fauteuil… Est-ce que ça va réellement lui plaire ? mais je ne recule plus.
Je pars de bonne heure, après une visite à Saida.
Michael est parti, nous recevons la réponse de M. Jennings.
John et Anton ouvrent la lettre.
Cher Michael,
J’ai bien reçu ta lettre, et je tiens d’abord à te dire combien j’ai été touché par tes mots, et par ta vision.
Tu as su nous rappeler ce que nous avions peut-être oublié : que l’innovation doit toujours rester au service de l’humain et non l’inverse.
L’idée de rendre ce fauteuil accessible à tous, sans distinction de moyens, est non seulement noble, mais absolument juste. Je suis fier de m’associer à une telle ambition.
J’ai lancé, à ton initiative, une étude sur les pistes de financements publics et privés. Nous allons également prendre contact avec quelques fondations, ainsi qu’avec le ministère concerné. Nous te tiendrons informé.
En attendant, sache une chose : Je n’ai pas seulement signé un contrat avec un jeune ingénieur inspiré.
J’ai rencontré, grâce à toi, une idée neuve et une exigence rare.
Tu m’as remis au travail pour de bonnes raisons. Et pour cela, je te remercie.
Bien à toi, Harry Jennings.
Une fois arrivée au ranch Mac Enroll, je me présente au bureau de Liam.
- Entrée !
Je pousse la porte et me présente.
- Bonjour Liam, c'est Michael.
- Entre Michael, comment vas-tu ?
- Bien, j'ai une surprise pour Roy, mais je ne sais pas comment m'y prendre.
- Tu as raison, Roy n'est pas tendre, de quoi s'agit-il ?
- D'un fauteuil unique.
- Roy a déjà un fauteuil. Montre-le-moi, tu veux bien ?
- Je sors le fauteuil de son emballage et le lui présente.
Il fronce les sourcils, s’approche lentement, effleure l’accoudoir du bout des doigts.
- Effectivement, je n'ai rien vu de semblable.
- Je m'assois et lui montre ce que j'arrive à faire avec.
- Si Roy n'est pas séduit, je démissionne.
Je sors du bureau de Liam et tombe nez à nez avec Sarah.
Je reste figé, incapable de parler. Sarah cligne des yeux, surprise elle aussi, avant de réagir aussitôt.
- Michael, que fais-tu ici ?
- Euh, je viens voir Roy.
- Il m'a dit que vous aviez fait la paix, c'est un peu dur à croire, comment as-tu pu lui pardonner ?
- C'est lui qui m'a demandé pardon, je n'ai pas pu lui refuser, aujourd'hui, je lui apporte un cadeau, c'est une surprise.
- En plus, vous êtes copains.
Elle croise les bras, hésite un instant.
Tu ne changes pas, si tu es un beau jeune homme.
Elle jette un regard vers la porte, comme si elle voulait dire autre chose, puis se ravise. Je me lance…
- Et toi toujours aussi belle.
- Pas autant que Kalia.
- Vous êtes différentes.
- Comment va-t-elle ?
- Je n'en ai pas la moindre idée, cela fait plus d'un an que nous ne sommes plus ensemble.
- Tu me raconteras plus tard, allons voir Roy.
Sarah, préfère rester en retrait. Je me présente à Roy à la vue du fauteuil, il le prend mal, comme je l'avais pressenti.
- Tu as pitié d’un infirme ? Je n'ai pas besoin de ton fauteuil.
- Attends de voir avant de juger.
Je refais mon numéro, il me regarde incrédule, comment c'est possible ?
- À toi essaie.
Roy s’arrête. Il ne dit rien. Il regarde le fauteuil, puis moi. Une longue seconde passe.
Je place le fauteuil à ses côtés, je le laisse faire, avec une force surprenante, il saute sur le siège, empoigne les volants, et, fonce tout droit, il bloque une roue, effectue un demi-tour, il aperçoit sa sœur, il lui lance :
- En avance sœurette, tu veux danser avec moi ?
Il revient, repart en arrière, stoppe. Puis, d’un geste brusque, il se met sur deux-roues et fait danser le fauteuil comme un diable. Il lâche un rire sonore, les yeux brillants d’une énergie que je ne lui connaissais plus.
- Génial, Michael, tu me redonnes goût à la vie.
Je regarde Roy rire, bouger, vivre. Et, je me dis que ce fauteuil n’est pas juste un objet. Il est bien plus que cela.
C’est une chance nouvelle. Une renaissance pas seulement pour Roy.
Nous avons discuté, un bon moment, Roy a des tas de projets.
- Je vais faire du tennis, ou du basket... J'ai des amis à voir...,
Michael, ma surprise, elle te plaît ?
Je regarde Sarah, son regard est dur.
- Roy arrête, je ne suis pas un jouet. Viens Michael marchons un peu.
- Elle a quitté cet abruti de Richard. Lance Roy.
- Tu ne peux pas la fermer.
Elle prend ma main, nous quittons la pièce, elle claque la porte en sortant, puis me regarde.
Et là, je ne sais pas ce qui m'arrive, je l'embrasse. Je réalise, lui demande pardon.
- Excuse-moi, je ne...
- Je le savais, tu es un homme maintenant. Elle se rapproche, ses yeux brillent d’une lueur indéchiffrable.
Tu es encore plus génial… mais surtout, tu es toi-même. Embrasse-moi encore.
Nous marchons sur les sentiers de notre première rencontre, là où tout a commencé. Sarah prend une profonde inspiration, son regard chargé de regrets.
- Si tu savais comme je suis désolée. Après notre rencontre à Saint-Louis, je pensais que tout serait simple. J’ai mal analysé la situation… Roy te détestait, papa t’a renvoyé, et moi… Moi, je n’ai pas cherché à te retrouver. Il y a eu Richard, comme je regrette. Le temps a creusé une brèche entre nous.
Sa voix vacille. Je devine le poids de la culpabilité qui l’étreint.
Je ne sais quoi rajouter.
- Tu as dû te sentir bien seul. Naturellement, Kalia est arrivé au bon moment. Et puis, tous mes projets t’ont fait peur. Quand tu l’as choisi, je ne comprenais pas, mais ensuite… Je me suis dit : si tu avais tout abandonné pour le suivre, c’est toi qu’il aurait choisi.
Elle cherche mon regard, attendant visiblement ma réponse.
- Aujourd’hui, c’est moi qui ai des projets.
- De quel projet parles-tu ?
Je lui raconte tout : ma visite chez Roy, l’idée du fauteuil, les plans avec Papi, la rencontre avec M. Jennings, le prototype, le contrat, et surtout… Notre propre rencontre.
- Roy a voulu se racheter. Il sait que je serai là toutes les vacances. Nos retrouvailles sont un signe, une nouvelle chance. Et cette fois, je ne veux pas la laisser passer.
- Que veux-tu dire par là ?
Elle retient son souffle.
- Ton projet est magnifique. Si tu es d’accord… Je termine mon année d’étude pour devenir avocate, puis je te rejoins. Je trouverai un poste à Denver. À tes côtés. Qu’en dis-tu ?
Ses yeux brillent, comme si elle n’osait pas y croire.
- Toi et moi, ensemble ? Et tu m’aideras ?
- Évidemment. Tu auras souvent besoin d’un avocat… Et d’une femme.
Je la regarde, mon cœur bat la chamade. Alors, sans attendre, nos lèvres se retrouvent enfin. Tout le reste disparaît.
Chaque jour, nous parcourons la propriété comme au premier jour.
Sarah plaisante :
- Le nouveau, tu peux venir m’aider.
- Comment t’appelles-tu ?
- Bonjour, je suis Sarah, quel âge as-tu ?
- J’ai 16 ans.
- Comme moi.
À l'évocation de ces souvenirs, notre joie est immense, tout ce bonheur retrouvé intact.
Je me noie dans le regard de Sarah, nos mains sont enlacées dans une étreinte de douceur, les mots sont inutiles.
Liam nous appelle :
- Sarah, Michael, vous êtes là ?
Sarah répond aussitôt.
Oui, Papa, nous sommes ici.
Liam approche accompagné de John.
À sa vue, mes pensées explosent, Papi.
John, me voyant défaillir, me rassure aussitôt.
Papa, heu, Papi, va bien, rassure-toi, Michael.
Je suis soulagé, tu es venu pour moi, alors ?
Oui, on peut le dire.
Depuis ton départ, les courriers affluent. Il me tend les lettres.
Je regarde une part une :
La mairie de Denver, Harry Jennings normal, Louis, mes jambes tremblent, l'université de...
Je ne peux plus attendre, j'ouvre la lettre de Louis.
Mon Cher Michael,
J'espère que ma lettre te trouvera en bonne santé.
Après ton départ, le vide que tu as laissé, personne ne pourra jamais le combler.
Nous avons fait soigner Kalia, dans un grand hôpital psychiatrique, son état s'est amélioré, mais son moral n'a pas suivi.
Dans un premier temps, elle était sûre de ton retour, elle demandait après toi. Au fil des mois, elle ne te demandait presque plus. Le docteur nous a prévenu, la guérison est fonction du moral et de la volonté de s'en sortir. Elle ne lutte plus.
Kalia a demandé à revoir le cirque. Sa joie en retrouvant son monde nous est allée droit au cœur. Et puis dans la confusion, elle a disparu, je suis de suite entrée dans le chapiteau, j'ai levé la tête, elle effectuait un magnifique triple saut, mais sans personne pour la réceptionner, elle a plané en souriant, les bras en croix, puis elle s'est écrasée au sol. La mor...
Je ne peux continuer à lire. Mes jambes se plient, je tombe au sol. Sarah me serre dans ses bras.
Ma tête repose sur son épaule, elle me chante ma chanson et dans sa voix, je retrouvais la voix de maman.
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