" Troie ne tombera pas "
Les murailles de Troie surplombaient la plage de leur immensité rocheuse, et on eût dit qu'elles assistaient , silencieuses, au combat qui se préparait. En bas, l'armée grecque s'avançait, implacable tandis que les troyens défendaient de leur corps leur cité, qu'ils ne céderaient à aucun prix. Le soleil brûlait les chairs inlassablement et se riait des combats des mortels. A perte de vue, on ne voyait que des soldats, dont l'ivresse du combat était telle qu'ils avaient oublié jusqu'à la raison même de ce conflit. Quand Achille et ses myrmidons furent arrivés à une distance respectable de l'armée troyenne, ils s'arrêterent et le demi-dieu descendit de son char tout en gardant une posture de vainqueur. Convaincu que cette bataille serait la dernière, il repensait aux origines du conflit. un prince troyen nommé Pâris avait volé la femme de Ménélas, roi de Sparte. Celui-ci avait levé une armée avec l'aide de son frère Agamemnon et uni tous les grecs contre Troie. Achille savait que cette victoire lui apporterait la gloire et la renommée, mais en face de lui il ne voyait que des inconnus, à qui il devra donner la mort pour servir un roi méconnu. Il décida de mettre un terme à cette hécatombe et, en ôtant son casque hurla :
- " Hector ! Cessons ces morts inutiles et terminons cette guerre comme elle aurait dû se finir depuis longtemps ! Je te défie en duel singulier, glaive contre glaive, devant ton père, Priam et toute l'armée grecque réunie ! Le gagnant décidera de la suite du conflit. Hector, m'entends-tu ? "
Hector entendait, bien sûr. Mais ne répondait pas. Il pesait chacun des mots de son adversaire, et en tant que prince troyen, il se devait de prendre la meilleure décision possible pour son peuple. Des rangs troyens, il sortit et, jetant son bouclier à terre, il cria à son tour :
- " Achille. Demi-dieu, guerrier légendaire. Et ennemi respectable. Je serai honoré de te donner la mort sous les yeux de Zeus en ce jour funeste. "
Un sourire s'afficha sur le visage de Achille, et tout en remettant son heaume, il jeta à son tour son bouclier sur le sable chaud.
- " On te dit puissant, Hector. Hector, dresseur de chevaux. Hector, prince troyen. Puissent les dieux m'accorder la gloire de te tuer aujourd'hui. "
Sans un signal, sans un cor, les deux champions se ruèrent l'un vers l'autre, foulant la terre qui bientôt goûterait au sang de l'un d'entre eux. Autour d'eux, un cercle de guerriers s'était formé, des milliers de regards tournés vers ce combat qui écrirait l'histoire. Du haut des murailles, Priam le roi de Troie ne disait mot, anxieux. Agamemnon, de son côté, était confiant en Achille. Qu'il gagne pour enfin brûler Troie.
Le choc fut rude. Les lames s'entrechoquèrent, et les muscles saillants des deux hommes leur conféraient une force de frappe que quiconque redouterait. Hector sauta, et en hurlant de rage, brandissait son glaive au dessus de lui. Achille esquiva d'une roulade sur le côté, évitant de peu la lame qui s'abattit viollement sur le sable. Achille, à présent, n'était plus lui-même : Ses yeux rouges de sang lui donnait un caractère animal et dans les rangs des guerriers, des bruits d'étonnement se firent entendre. Jamais on ne l'avait vu se battre ainsi, avec autant de fureur dans ses gestes. En face, Hector ne pouvait prendre l'avantage et se contentait de parer vaillament les coups, cherchant une faille dans la défense de Achille. Tous deux étaient de force égale, cependant Hector montrait des signes de fatigue, tandis que Achille semblait infatigable. C'est ce qui coûta au prince Troyen la victoire. Harrasé et à terre, il tentait de se relever quand Achille lança son glaive, qui alla se ficher droit dans le coeur de Hector. Un cri de stupeur, quelques paroles murmurées, un dernier regard vers Troie et ce fut terminé. Hector était tombé. Son corps de guerrier s'effondra, le laissant inerte sur la plage qui l'avait si longtemps accueilli. Achille lança son arme à terre, et dans un soupir de soulagement, cria à pleins poumons :
- " A présent, tout est fini. La victoire est mienne, et la mort ne me trouvera pas sous les murailles de Troie. Priam, roi de Troie, je te respecte et je respectais ton fils, qui était bel et bien le plus grand guerrier que j'ai eu la chance de rencontrer. Mon rôle ici est terminé, et je quitte cette guerre aujourd'hui pour toujours. Agamemnon, toi qui oses prétendre à Troie, je te maudis ! Puissent les dieux t'envoyer aux enfers, et puissent les murailles de Troie ne jamais tomber ! Troie ne tombera pas ! Bénie par les dieux, elle ne plie pas aux morsures du temps et du soleil, et l'armée grecque réunie ne sait la faire trembler. Troie ne tombera pas ! Vous qui avez assisté à ce duel, vous pourrez dire que vous avez vécu à l'époque de Hector, dresseur de chevaux ! A l'époque de Achille, demi-dieu ! Cessez de fouler la plage de Troie, et laissez cette ville qui jamais ne cèdera ! Troie... Troie ne tombera pas. "
Devant les armées réunies, Achille quitta la plage et devant lui les soldats s'écartaient pour lui céder le passage. Plus aucun bruit, plus aucun mot. Seulement un homme blond résigné, à qui il ne restait que la gloire et, plus tard, un nom inscrit dans la légende.
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