Partie 02 : La rencontre (02)

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Tout en cet homme respire l'affirmation. Les épaules droites, un port de tête très fier, le crâne rasé dans sa totalité pour effacer une calvitie précoce, il semble animé d'un mantra puissant se rapprochant vraisemblablement de l'idée que le monde lui appartient. Il rayonne. Tout à ses négociations avec Babette, Théo ne remarque pas l'analyse silencieuse et discrète que Dilane opère sur lui. Pour ne pas être en reste, Héliot, toujours aussi cordial, engage la conversation avec elle.

- Alors, comme ça, vous ferez partie de nos interlocuteurs privilégiés pendant toute la durée des travaux ?

- Oh, non, je suis simplement l'hôtesse d'accueil de cet établissement.

Héliot se rapproche un peu, un sourire en coin, une étrange lueur surgissant dans ses yeux.

- Oh, comme c'est dommage. Je me contenterai du plaisir de vous croiser de temps à autre, alors...

Dilane manque de recracher le contenu de son verre. Par instinct, elle garde celui-ci à la main mais se ravise de riposter, consciente de l'image professionnelle à laquelle elle doit maintenant contribuer. Elle se contente donc de sourire et soupire de soulagement quand l'attention générale se redirige vers Babette et Théo, partageant un éclat de rire tonitruant et inattendu. Puis Babette se lève, enthousiaste.

- Bon, eh bien messieurs, je pense que nous avons défini tous les points importants de notre accord ! Oh, à propos, qui devrons-nous contacter en priorité, Monsieur Sacchetti ? Vous-même ou votre associé ?

Théo se redresse, et une lueur de surprise fugace apparaît dans son regard.

- Je suis le président de cette entreprise. Monsieur Lipos n'est pas mon associé mais le chef de chantier, Madame de Moustier.

Trop heureux de pouvoir attirer un peu l'attention, Héliot s'agite un peu, acquiescant les propos de son patron.

- Oui, Madame, vous pourrez vous fier à moi, ne vous inquiétez pas !

Théo, de rajouter d'une voix veloutée,

- Et comme je superviserai le tout, je vous contacterai directement de façon régulière pour faire un point ensemble de ce qu'il nous restera à accomplir.

Héliot reste silencieux, la mâchoire tout à coup saisie d'une légère crispation que Dilane perçoit malgré ses efforts pour ne rien laisser paraître. Le rire de Babette éclate alors à nouveau dans toute la pièce et Théo se détend.

- Ahahahaha ! Alors, tout va bien dans le meilleur des mondes ! Je vous attends donc avec impatience !

Héliot s'avance vers Babette, lui sert la main vigoureusement et ne manque pas de saluer Dilane en tentant sans relâche de se montrer sous son meilleur jour. Théo présente alors ses amabilités à Babette avec beaucoup de délicatesse, puis se tourne vers Dilane pour faire de même. La jeune femme devine le pendentif de sa chaîne en or, dévoilée sur le haut de sa chemise. La Corse... Son parfum vient également à elle. Une fragrance douce et délicate. Saisie par ce contact inhabituel de cette poignée de main, Dilane relève les yeux sur lui et s'aperçoit du bleu duveteux de ses yeux, de la ligne adoucie de son nez et son sourire engageant.

Les deux accolytes prennent congés et Dilane se retrouve seule avec un Babette particulièrement guillerette.

- Oh, ce petit Théo... Comme je te l'ai dit, si j'avais eu quarante ans de moins, je l'aurais bien fait voltiger ! Ahahahaha ! Quel joli minois nous allons côtoyer !

- Ahahaha... Bet', tu es incorrigible...

- Moi ?! Ahahaha ! J'aime la vie, voilà tout ! Pourquoi refuser de lier l'utile à l'agréable, ma chérie ? Tout ceci fait partie du jeu ! D'illeurs, j'ai bien senti que tu étais du même avie que moi !

- Oh, tant que je suis pas amenée à échanger avec ce Monsieur Lipos...

- Ahahaha ! Oh, tu sais, malgré mon échange animé avec Théo, je n'ai absolument rien manqué de son comportement envers toi ! Honnêtement, je l'ai trouvé plutôt comique.

- Ah ! Ce n'est pas le terme que j'aurais employé à son sujet !

- Ahahaha ! Oui, je le sais ! Mais, ma chérie, je voulais que tu sois présente à ce rendez-vous parce que j'ai un projet en tête que je voudrais te confier.

- Je t'écoute.

- Bien... Tu sais maintenant que les travaux de rénovation vont durer plusieurs mois et tu travailles pour ici depuis un certain temps déjà. Je suis très contente de ce que tu accomplis et je dois t'avouer que je reste admirative de ta capacité d'adaptation à toute épreuve ! Quelques temps après la fin des travaux, je voudrais que tu réfléchisses à l'éventualité de prendre la direction de cet établissement.

- Comment ?! Mais non !

- N'aie crainte, je ne vais pas te pousser dans le grand bain sans les brassards d'un seul coup ! Ahahahaha ! Je voudrais t'accompagner et me retirer petit à petit pour profiter de ma retraite comme il se doit...

- ... Mais... Bet'... Je suis trop jeune...

- Bla bla bla ! N'écoute pas ton mental ! Prête attention à ce que tu ressens plus profondément... Si la vie t'a menée ici à travers toutes ces épreuves, ce n'est pas un hasard... Je n'ai pas d'enfant... Juste un neveu et sa tartignolle d'épouse... Promet-moi d'y penser, tu as le temps...

- ... D'accord...

- Bien ! Ah, j'allais oublier ! Comme la saison va bientôt commencer, j'emploie comme chaque année Anthony, le fils de mon neveu, justement. Vous avez environ le même âge et il s'occupera avec toi de l'entretien des chambres ainsi que des petits travaux manuels. Je lui ai demandé de commencer demain ; vous aurez le temps de faire connaissance. Il est adoraaaaable ! Pas comme son idiote de mère ! Bon, il faudra passer outre sa timidité. Je ne sais pas pour quelle raison il se montre parfois aussi réservé ! Vous formeriez un joli petit couple !

- Oh Bet'...

- Ahahaha ! Je plaisante ! Quoique...

- Inutile d'user de clins d'œil, je commence à comprendre comment tu fonctionnes...

- Ahahah ! Tu verras bien ce que la vie te réserve de ce côté...

- Je n'ai nullement besoin d'un homme.

- Ok, je capitule pour aujourd'hui... Je voulais aussi te montrer autre chose... Suis-moi...

Intriguée par tant de secrets, Dilane se retrouve bientôt face à une lourde porte en bois clair. Le regard de son amie pétille soudain d'une malice bouillonnante tandis qu'une pièce à haut plafond se découvre daant la jeune femme. Tous les pans de murs sont recouverts de livres à la reliure délicate et soignée. La beauté de l'ensemble provoque dans le cœur de la jeune femme le sentiment d'être sur le point de pénétrer une pièce secrète, cachée de tous. Deux fauteuils à hauts dossiers trônent au milieu de la pièce, séparés par un guéridon ancien recouvert d'une magnifique dentelle dont la finesse forcerait l'admiration des plus connaisseurs.

- Ma chérie, tu m'as dit il y a quelques temps que tu voudrais te perfectionner dans la lecture et l'écriture. Voici mon antre. J'y reste parfois plusieurs heures pour écrire dans mes carnets ou parcourir tous ces ouvrages pour voyager à l'envie. J'ai décidé de partager cette bulle de répit et de savoir avec toi. 

- Oh, Babette ! C'est extraordinaire !

La vieille dame pose enlace alors Dilane d'un bras et sourit tendrement, balayant d'un regard fier les siècles d'ouvrages et de témoignages rassemblés au fil des ans.

- Je n'oublie pas non plus tes origines tziganes. Tu aimeras toujours voyager, quoi que tu en dises. Alors, j'ai pensé que, si tu acceptais ma proposition, tu apprécierais de pouvoir découvrir d'autres horizons en plongeant dans cet océan de mots dès que tu en sentiras le besoin...

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