L’Élégie d’une Âme Retrouvée.

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Le Havre, en cet instant d’aube naissante, ne se présentait plus comme une simple conurbation de béton et d’acier, mais comme la toile d’un maître, une fresque où les nuances de l’espérance se peignaient sur la mélancolie des architectures. Les grues, colosses d’ébène et de fer, ne découpent plus le ciel d’une géométrie aride, mais se tiennent comme des sentinelles hiératiques veillant sur le réveil d’une ville transfigurée. L’air, purifié par les brises salines de la Manche, n’était plus le théâtre des âcres senteurs de l’industrie, mais un subtil effluve où se mêlaient les arômes de la promesse et le murmure lointain des vagues. Dans ce tableau idyllique, ce quartier autrefois mon refuge et ma geôle, s’était mué en un jardin secret où mon cœur, lassé par la fureur du monde, trouvait enfin son point d’équilibre.

Elle était Line, une vocalise légère, une douce inflexion de l’âme. Née d’une lignée de brunes aux prunelles de nuit, son regard, d’un brun profond et magnétique, portait en lui la fulgurance d’un revolver, non pour tuer, mais pour transpercer les voiles de l’illusion et de la superficialité. Elle était le contrepoint absolu à toutes les femmes que j’avais croisées dans mon cheminement chaotique, un diamant pur au milieu d’un amoncellement de fausses gemmes. Alors que le monde contemporain faisait d’elle une "influenceuse", une figure de la modernité éphémère, elle était, pour moi, une âme ancienne, ancrée dans la noblesse de l’engagement civique et dans la foi en sa communauté.

Sa poitrine imposante et la courbe généreuse de sa silhouette étaient pour moi la quintessence de la vie, la promesse d’une plénitude charnelle et spirituelle.

Notre union n’était pas une simple rencontre, mais une résurrection. Moi, naufragé des sentiments, ayant sombré deux fois dans les abîmes du divorce, je n’avais point d’appétence pour une nouvelle descendance. Mes trois enfants étaient les phares de ma vie passée, et avec elle, je ne désirais rien d’autre que l’absolu du présent. Je voulais voyager, non pas pour fuir, mais pour savourer chaque instant de notre complémentarité, cette alchimie rarissime qui faisait de nous un duo indissociable. J’avais l’impression de la connaître depuis une autre existence, comme une âme sœur perdue dans le grand théâtre des vies. Line connaissait les plis les plus secrets de mon âme, mes faiblesses, mes espoirs inavoués, et je me plongeais dans le livre ouvert de son esprit avec une dévotion de clerc. Sa bonté, sa foi et sa douceur étaient pour moi des sources d’inspiration, des révélations qui transformaient l’enfer de mon passé en un paradis terrestre.

Elle était une lumière au bout du tunnel, un ange aux ailes déployées qui me tendait la main alors que je chancelais au bord du précipice. Elle était mon oracle, mes questions étaient des conseils divins, ses conseils des baumes qui guérissaient les plaies de mon âme. Est-elle une prophète, une sorcière aux sortilèges bénis ? Seul le ciel le sait, et peu m’importe. Je ne veux que sentir le parfum qui s’échappe de sa peau, me lover dans ses bras. Née dans la fureur du 93, elle avait trouvé en Normandie son havre, s’installant à quelques pas de ma propre demeure, rendant ma quête d’elle à la fois proche et infinie. Je la veux pour la vie, je veux la contempler sans un mot, admirer le lac de ses grands yeux, et écouter ce désir qu’elle nourrit, de marcher pieds nus dans les rues de Jérusalem pour admirer l’aube. Je la veux à tout prix, car elle est le contre-pied absolu de toutes les femmes que j’ai jamais rencontrées, une exception, un miracle.

Le Havre, jadis simple tableau de ma résilience et théâtre de mes

âpres mélancolies, s’est transfiguré en un jardin d’allégresse sous l’influence de cet amour nouveau. À travers les yeux de ma chère Line, ses rues de pierre et ses ciels de cendre se sont parés d’une lumière que mon âme seule n’aurait su peindre. Elle est la boussole de mon cœur, et la ville, dans son sillage, a cessé d’être un refuge austère pour devenir l’écrin précieux de notre affection, un port d’attache où mon âme, enfin apaisée, savoure l’harmonie de l’existence.

Le crépuscule, ce soir-là, était un artiste qui avait posé ses couleurs sur la ville. Les phares des navires et les lumières des fenêtres dessinaient un réseau de diamants sur la nuit. Le Havre, ma ville de douleur et de fierté, était devenu mon port d’attache, mon havre d’amour. La polyphonie désordonnée des rues, faite de cris et de moteurs, s’était muée en une mélodie douce, en une symphonie pour deux âmes. Et dans cette musique, je ne voyais plus les failles, les contradictions, les déroutes du monde, mais seulement l’ombre de deux êtres, avançant main dans la main vers un horizon où l’amour était la seule loi.

FIN

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