Chapitre 5 – Celle qu’on efface

Une minute de lecture

Le lendemain matin, l’appartement semblait plus calme encore que la veille. Comme si les murs eux-mêmes retenaient leur souffle.

Sa mère était partie travailler. Anna, dispensée de cours pour une journée pédagogique, avait la maison pour elle. Elle avait traîné un peu. Puis elle avait su, sans qu’il y ait de mots : aujourd’hui, elle chercherait.

Pas un élan de curiosité. Pas une envie.
Un besoin.

Elle entra dans la chambre de sa mère comme on entre dans un lieu sacré.
Prudemment. Les mains le long du corps, les pas légers.

Le soleil traversait les rideaux blancs et dessinait des ombres douces sur le parquet.
Tout était parfaitement rangé. Presque trop.

Elle s’arrêta devant l’armoire haute en bois, celle dont la porte du bas grinçait quand on la forçait un peu.
Sans savoir comment, elle savait que c’était là.

Elle s’agenouilla, tira doucement. Le tiroir résista.
Elle insista.

Il céda dans un soupir de bois.

À l’intérieur : des classeurs, des papiers administratifs, des carnets de santé, quelques photos dans une enveloppe froissée.

Et puis, dessous, une pochette kraft un peu abîmée, scotchée à moitié, comme si on avait voulu l’oublier.

Elle la sortit.
Sur le devant, un nom gratté.
Les lettres M, A, puis une rature.
Et dessous, en lettres nettes, manuscrites :

Centre de soins spécialisés – Unité D
Suzanne M.

Anna sentit un courant glacé lui remonter l’échine.

Ses doigts tremblaient.

Elle ouvrit la pochette.

À l’intérieur : une fiche de liaison, datée de 2008.
Le document était incomplet, mais lisible.
Nom de la patiente : Suzanne M.
Âge : 6 ans
Statut : placement temporaire

Elle relut plusieurs fois.
Elle n’arrivait pas à faire le lien entre ce papier et ce prénom qui tournait autour d’elle depuis des jours.

Suzanne.

Elle replaça tout comme c’était. Doucement.
Sauf qu’elle glissa le papier dans sa poche.

En refermant le tiroir, le grincement la fit frissonner.

Elle quitta la pièce sans un bruit.

Mais dans le couloir, en passant devant le miroir, elle se figea.

Un battement.

Juste un.

Son reflet venait de sourire.

Et elle, non.

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