Partie 1

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Lorsque je quittai mon logis ce matin-là, une brume visqueuse et glacée, descendue tout droit des montagnes de Khargondraath, envahissait les rues du village, signe que l’hiver ne tarderait plus à s’installer.


Les mains au fond des poches afin de tenter de les réchauffer, j’approchai de l’auberge où je buvais mon café chaque jour, quand la veuve Fisher déboula sur le trottoir, la figure rubiconde et agitée de spasmes musculaires. Je les pris tout d’abord pour de la colère, mais m’aperçus bientôt qu’ils étaient dus aux sanglots que, tant bien que mal, elle retenait.

Malgré le froid piquant, je la fis asseoir sur les marches de son petit commerce, puis, de la manière la plus douce possible, l’amenai à me confier les raisons de sa subite tristesse.

Elle me parla alors de son fils, qui manquait à l’appel depuis trois jours, et du cadavre retrouvé au pied de la montagne, dans un état tel que personne n’avait su lui dire s’il s’agissait d’Henry ou de l’un des hommes portés disparus avant lui.


À bien y réfléchir, je ne pouvais qu’admettre que la situation s'avérait des plus étranges ; trois autres personnes, parties en direction de Khargondraath n’en étaient, elles non plus, jamais revenues. Ces dernières, comme Marcelin — potier du village —, étaient des adultes responsables, et n’avaient, par conséquent, de comptes à rendre à personne. Henry, quant à lui, était un garçon tout juste sorti de l’adolescence. Bien que n’ayant moi-même aucun enfant, je pouvais aisément comprendre l'inquiétude de cette mère, qui avait déjà souffert de bon nombre de malheurs.


Ses confidences achevées, elle éclata en sanglots douloureux. Le bras passé autour de ses épaules, je tâchai de la réconforter au mieux et lui promis de retrouver son fils. Henry était le dernier de la fratrie en vie, les deux autres avaient trouvé la mort quelques années auparavant dans les mines sous la montagne gelée.

Dès qu’elle fut à peu près calmée, je la raccompagnai à l’intérieur et la laissai aux bons soins de sa nièce, qui venait l’aider chaque jour pour le service du midi.

*

De retour chez moi, je préparai un sac pour deux ou trois jours et pris le chemin de la morgue, où le cadavre récemment découvert devait avoir été amené. Comme à l’accoutumée, Eustache, le coroner, me fit bon accueil et me proposa un café que j’acceptai avec gratitude.

Dès notre breuvage, agrémenté d'une lichette de whisky, versé dans deux grandes tasses en faïence blanche, Eustache prit place face à moi et répondit à chacune des questions que je lui posai.

D’après ce qu’il m’apprit, j’eus tôt fait de comprendre que le jeune Henry n'était heureusement pas la victime installée tout près de nous sous le drap immaculé. Toutefois, il était plus que probable qu’il s’agisse d’Hippolyte Tixier, l’apothicaire du village, qui avait été le premier à ne pas rentrer chez lui la semaine passée.

Tâchant de n’omettre aucun détail, même le plus affreux, Eustache m'exposa ensuite dans quel état se trouvait le corps de ce pauvre Hippolyte. Et, si d’habitude, il me laissait tirer quelques clichés afin de les ajouter à mes articles, cette fois, il me le déconseilla fortement. Je ne rechignai pas, et il dut surprendre mon soulagement, car il m’adressa un léger sourire attristé.


Avant de reprendre le chemin de la sortie, je lui fis part de la promesse faite à Guillemette de retrouver Henry. Au moins, au cas où mon expédition tournerait au vinaigre, quelqu’un saurait où venir me chercher.

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