Excédent de pièces

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Essayer d'être quelque chose. D'être une pièce du puzzle. Dans la vie des autres, de l'Autre. Une qui s'emboîterait à la fois bien partout et parfaitement dans d'autres. Je ne demande pas un de cinq-mille pièces, juste quelques pièces, un puzzle pour enfants. Avec de grandes et belles pièces. En bois. Pas en plastique, parce qu'il faut de la matière, du toucher, des actes et des sensations. Il faudrait qu'on soit une dizaine, mais sans bords, histoire de pouvoir continuer, enfanter d'autres pièces et s'enfanter soi-même dans une autre pièce, comme renouvelée.


La pièce Anaïs 9AB34 a été conçue. Elle vient de naître par l'aile ouest d'Anaïs 9AB33.

Ce grand appartement avec trop de pièces ; « il faut prévoir » qu'il disait. Prévoir que pour moi toute seule ces quatre pièces se traduisent comme un amoncellement d'échecs. Prévoir que tous les enfants qu'on n'aurait jamais pu avoir à cause de lui puissent peupler tranquillement nos chambres. Prévoir que je sois grosse, vilaine et irritable pour des mioches ingrats. Faire tranquillement pour les autres, une fois dans la vie. Non, même ça, impossible, niet !

Comme une envie de mettre en pièces tout ce qui me ramène toute à lui. Des fragments, des pièces encore, de nous. Partout disposées soigneusement. Gabriel, notre ours en peluche trouvé lors d'une randonnée, et recueilli parmi notre famille... Et le voilà orphelin de père. « Viens dans mes bras Gabriel, ça va aller ! », inconsolable petit. On doit trouver les bons mots dans ce genre de cas, ne pas déraper. Ne pas prendre parti non plus. Je l'embrasse sur sa tête toute douce. Lui au moins, il reçoit et comprend, et ne fuit pas aux premières difficultés.

Nous en sommes là. Plus que tous les trois, Gabriel, moi et mon envie d'être mère. Cette dernière étant tellement pesante qu'elle guide maintenant ma vie et détruit mes amours. Ces derniers mois comme détruite du fait qu'il m'impose « Soit il sera de moi, soit il ne sera pas, point barre ! ». Eh bien alors dégage connard, dégage de mon appartement, laisse-moi vivre ma vie. Et voilà, le départ, Anaïs qui chiale, regrette un peu, se morfond, joint l'inutile au tragique de l'inutile, etc.

Un caprice ? Qui croit encore aux caprices de nos jours ? Un besoin mis dans ma tête par la société, ma propre structure familiale et mes échecs ? Non. Je veux juste une nouvelle pièce de puzzle qui en génère beaucoup d'autres et qui pourrait me donner une bonne raison de ne pas jeter la mienne. Trouver une raison de vivre alors ? Peut-être ça. Peut-être pas. Je crois que ça ne changera rien.

Je suis faite des pièces qui ne contiennent aucune envie de vivre.

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