La bataille

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La guerre fait rage depuis quelques années déjà. Les batailles ont été nombreuses. Certaines victorieuses. A l'époque où la paix régnait encore, il y avait eu une rébellion. Un seul d'entre eux contre tous. Peu à peu, il en convainquait certains, par force peut-être, à le rejoindre. Et doucement, ils s'éloignaient de la norme. Aujourd'hui, ils ne ressemblent plus à ce que l'on peut croire. Ils ont mutés. Cette transformation a été rapide et dévastatrice. Leur abominable armée a pris le dessus bien trop de fois. Mais heureusement, contre ces horreurs, il y a ceux dont la conscience n'a pas été altérée. Ils restent soudés. Leur pureté retient l'ennemi, encore un instant de plus. Pourquoi dit-on qu'un battement d'aile de papillon au Brésil pourrait provoquer une tornade au Texas si, à ce niveau, rien ne peut changer ? Car ne nous faisons pas d'illusion, chacun connaît le sort de cette bataille, la dernière d'entre toutes. Un certain apaisement plane au dessus d'eux. Apparemment, ils ont reçu de quoi attendre la fin patiemment. Béats, le regard vide. Ça semble pire que les autres fois. A maintes reprises, ils avaient déjà reçu ce traitement. Mais avant, des troupes alliées venaient en renfort. Là, ce n'est plus le cas. De multiples fois ils croyaient avoir vaincu cette rébellion. Mais après tout, avant chaque orage il y a un grand soleil. Alors à force, ils se résignent et l'admettent. Ils ne peuvent plus rien contre cette force dystrophique. Ils doivent juste se battre une dernière fois. Pour sauver un honneur déjà déchu. Et essayer de croire en la bonté angélique. Ils savent que ce n'est pas uniquement leurs peaux qu'ils cherchent à sauver. Oh, si seulement. Non, c'est beaucoup plus immense que ça. Le sacrifice est ici minime et légitime. Ils vivent pour ça. Ils sont remplaçables et pourtant irremplaçables.


Certains sont terrorisés, le regard plus qu'embrumé. Le produit ne semble pas faire correctement effet. Mais tant pis, il n'y a plus le temps pour ça. Un vent chaud s'écrase sur leurs visages pâles et épuisés. Cette bourrasque, semblable au sirocco, leurs rappelle la première fois qu'ils ont affronté ces mutants. Inépuisables, ils se disaient que ce n'était qu'une broutille, mais les conséquences ont été psychologiquement dévastatrices. Ils ne savaient pas vraiment dans quoi ils s'embarquaient quand ils ont appris le nom de leur opposant. Les uns s'y attendaient quand les autres tombaient des nues.


Au loin, l'adversaire gronde, ce qui sort de leurs pensées les âmes maudites des condamnés. Ils se lèvent et dressent fébrilement leurs lames émoussées par les épreuves antérieures. Ils s'élancent en avant. Voilà que leur sort est bel et bien accepté. Au même moment, par dessus la colline fond l'ennemi. Des colosses qui n'ont soif que de sang et faim que de chair. Leurs armes, ce sont leurs corps corrompus. Il n'y a plus de vie dans ces erreurs de la nature. Même pas un désir de vengeance. Rien ni personne ne pourra les arrêter. La machine infernale s'est mise en branle il y a déjà bien trop longtemps.


Rapidement, les corps jonchent le sol, les courageux soldats marchent sur leurs compagnons d'infortunes. Des cris de désespoir s'élèvent parmi les vivants quand l'un d'entre eux manque de se faire décapiter. Il finira malheureusement par mourir égorgé. Comme tant d'autres. En quelques minutes, le champ de bataille se transforme en cimetière. Certains des plus combatifs sont encore debout, les jambes tremblantes.


Et déjà, le dernier d'entre eux tombe. Un silence de mort souffle instantanément.


Ça y est. C'est fini.


Là, au delà des frontières où s'étend cette guerre, la fille s'éteint.

Le visage apaisé, tout crâne dêvétu. Son corps mince est recouvert d'un drap blanc et immaculé. Ses lèvres sont tendues, embrassant la vie une ultime fois. Humant l'air aséptisé de cette chambre d'hôpital, dans laquelle elle a vu les saisons défiler. Un bip caractéristique apparaît, suivi d'une alarme stridente. Celle qui annonce la fin.


*** *** *** *** *** *** *** ***

Je me permet encore une fois de poster un petit message ici. J'ai beaucoup hésité à écrire cette nouvelle, c'est un sujet particulier qui demande beaucoup de respect. L'aborder a été difficile mais je voulais cette fin. Je ne sais pas si c'est vraiment explicite le fait que ça parle du cancer. J'espère avoir glissé assez d'éléments probants dans le texte. Je suis satisfaite du résultat. Mon but à travers cette nouvelle ce n'était pas d'écrire pour créer. C'était surtout de rendre hommage à ces personnes qui en souffrent. Pour se souvenir aussi, car on connaît tous quelqu'un qui a été emporté par cette chose infâme.

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