La Voix

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« Installe-toi. Tu veux boire quelque chose ?

— ...

— Ça veut dire oui ou non ?

— Non.

— D'accord.

— ...

— Tu veux donc me parler de ce qui s'est passé le 18 août ?

— Oui.

— Tu es sûr de pouvoir tenir le coup ?

— Oui.

— D'accord. Qu'est-ce que tu veux me dire ?

— ...

— Je sais que ça paraît intimidant.

— J'ai pas peur !

— Ce n'est pas ce que j'ai dit.

— ...

— ...

— Le 18 août, c'était dimanche ?

— Oui.

— Quand papa et Hugo ont été retrouvés ?

— Oui. Mais tu le sais, puisque tu es venu me voir.

— Je suis innocent.

— Oui, je sais.

— ...

— Tu sais, si tu ne me réponds pas, on ne va pas pouvoir avancer.

— ... Oui.

— D'accord. Je vais mener mon interrogatoire, ça sera peut-être plus simple pour toi ? Peux-tu me dire ce que tu faisais dimanche, par exemple ?

— Non.

— Non ?

— Si mon papa l'apprend, il sera en colère. Et je vous l'ai dit, je suis innocent monsieur !

— Ton papa est... Bon, peu importe. Pourquoi il serait en colère ?

— Parce que je suis retourné dans Euphoria.

— Qu'est-ce que c'est ?

— C'est mon monde à moi !

— Tu peux m'en dire plus ?

— Papa me dira que c'est vilain.

— Pourquoi cela ?

— Parce qu'il aime pas Euphoria. Il dit que ça existe pas, que je devrais faire autre chose. Mais la preuve que ça existe, sinon je pourrai pas y aller.

— C'est ton imagination ?

— Non ! Vous n'écoutez pas, c'est mon monde à moi.

— D'accord, d'accord. Comment tu y accèdes, à ce monde ?

Mon monde !

— D'accord, excuse-moi. Comment tu y accèdes, à ton monde ?

— Il y a une porte.

— Une porte ? Tu veux dire, la porte de ta chambre ?

— Non ! Sinon je l'aurais dit. Il y a la porte de ma chambre et il y a cette porte.

— Où est-elle exactement ? Tu pourrais me la dessiner ?

— Non. Elle est secrète, il y a que moi qui peux la voir, il y a que moi qui peux y aller !

— Comment tu l'ouvres, cette porte ?

— Bah en tournant la poignée.

— Non, je veux dire... C'est sur ton ordinateur ? Ton portable ?

— Non ! Vous n'écoutez pas ! En plus, papa veut pas que j'aie un écran. Il dit que ça rend stupide.

— Et toi, qu'en penses-tu ?

— C'est lui qui es stupide. L'autre jour, mon copain m'a prêté le sien, et je l'ai emmené à la maison. Quand papa l'a vu, il me l'a enlevé aussitôt. C'est là que j'ai entendu La Voix.

— La Voix ?

— Oui.

— Que disait-elle ?

— De lui faire du mal.

— ...

— ...

— Et tu as obéi ?

— Non. J'ai voulu au début, parce qu'il ne faut jamais désobéir à La Voix, sinon après c'est moi qui ai mal. Mais Hugo l'a remarqué.

— Qu'est-ce qu'il a remarqué ?

— Le couteau que j'ai caché près de mon lit. Il a rien dit, il a juste repris le couteau. La Voix était en colère et m'a empêché de manger après. J'ai dû retourner dans Euphoria pendant plusieurs heures pour qu'elle me pardonne.

— Et, tu ne t'es jamais dit que tu ne devrais pas écouter La Voix ? Ou alors en parler à un adulte ?

— C'est ce que je fais, je vous parle. Mais La Voix est aussi une amie.

— Bon... Et si on revenait à ce dimanche 18 août ? Tu es donc allé à... Euphoria. Qu'est-ce que tu as fait exactement ?

— Je me suis baladé.

— Et tu as de nouveau entendu La Voix ?

— Ah non, ça c'était après. D'abord, je me suis promené. Je savais que papa emmenait Hugo à son club de foot et assistait à son entraînement.

— Et il t'a laissé tout seul ?

— La Voix m'a dit de lui dire que j'étais malade.

— D'accord. Quand est-ce que tu es sorti de Euphoria ?

— C'est pas moi qui suis sorti, c'est papa qui m'a appelé d'en bas. La Voix était très en colère. Elle m'a dit de retourner au lit et de faire semblant d'être malade. Papa est arrivé, il m'a regardé et il a vu que j'étais pas bien. Parce que La Voix s'est vengée sur moi, je me sentais vraiment pas bien. Papa m'a regardé et m'a dit que j'étais vraiment pâle et qu'il faudrait prévenir le médecin. Il est redescendu.

— Et ensuite ?

— Ensuite, bah ils sont morts.

— Et tu n'as rien entendu, rien vu ? Tu es resté au lit quand ça s'est passé ?

— Ben oui. La Voix était en colère et elle se vengeait sur moi, je vous l'ai dit. Et je sais pas, j'entendais que La Voix. Elle me criait dessus et me faisait mal.

— Et... Tu n'es pas un peu triste que ton papa et ton frère soient morts ?

— Non. La Voix dit que pleurer, c'est pour les faibles, alors que je suis courageux.

— Et La Voix, elle est ici en ce moment ?

— Bah oui puisqu'elle vient de ma tête !

— ...

— ...

— Il y a quelque chose que je comprends pas. Tu as dit à un policier en arrivant que tu voulais me voir, et que c'était important. Tu avais quelque chose d'important à me dire ?

— Oui, que je savais pas où était le gant.

— Le gant ?

— Oui, vous vous souvenez de rien ! Vous avez dit, quand je me suis assis, que vous avez retrouvé un gant. Je sais pas où il était, moi. Je suis innocent.

— ...

— Vous me croyez pas ?

— Tu es donc venu ici pour me dire ça ?

— Je suis pas venu par envie. C'est La Voix qui m'a dit de vous le dire. Enfin, non. Je plaisante, hein. La Voix existe pas. Y a que moi dans ma tête. Je vous ai bien eu, hein ?

— ...

— ...

— Et donc, tu es innocent...

— Oui, et aussi, le gant, il est pas à moi. Pour ça, je vous mens pas. »

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