SUR LES BORDS DU LAC MAGOG

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Marie était inquiète. Pourquoi son mari n’était pas rentré à la maison ? Ce n’était pas dans ses habitudes lui ordinairement si ponctuel. Lui était-il arrivé quelque chose ? Si oui malheur, elle ne saurait pas vivre sans lui. Elle se rongeait les sangs. Elle devait se calmer, il avait probablement été retardé sur la route ou bien prit dans son travail il n’avait pas vu l’heure passée. Elle se frottait les mains moites d’inquiétude. Ne n’inquiète pas Marie se disait-elle tout va bien aller. Il fallait qu’il en soit ainsi.

Marie et John forment un couple heureux, ils se sont mariés il y a deux ans après trois années de vie commune. Ils habitaient tous les deux les Cantons de l’Est dans une belle maison à Magog sur le Chemin de la rivière menant au lac du même nom. Leur terrain donnant juste sur les bords de l’eau disposait d’un ponton où se trouvait amarré un canot vaguement peinturé de vert et de jaune. Ils adoraient s’échapper, à la rame, pour naviguer tranquille au large et pique-niquer tranquillement loin du murmure de la ville. Elle était tombée en amour de cet homme lors d’une soirée hivernale dans une cabane à sucre installée dans le parc Jean Drapeau. Elle en était sûre c’était l’homme de sa vie avec lequel elle allait réaliser son vœu le plus cher : avoir des enfants, fonder une famille.

Est-ce à cause de ses malheurs d’enfance ou était-elle prédestinée ? Marie était une femme pleine d’anxiété, d’une nature passablement inquiète. Elle détestait ce qui n’était pas habituel, ce qui changeait ses habitudes. Sans doute pour se rassurer elle avait besoin de ses repères, des traditions qui l’aidaient pensait-elle à combattre son anxiété.

Elle adorait la campagne et ses paysages bucoliques, elle y faisait de longues promenades à vélo. Au contraire elle fuyait l’océan, trop agité avec ses tempêtes aussi spectaculaires que ventées.

Marie avait vu son enfance très affectée par le décès de ses parents tués sur le coup dans un accident de voiture sur une route des Laurentides au retour d’un week-end de ski sur le Mont Tremblant. Elle avait 13 ans et en avait réchappé mais pas son jeune frère qui décéda des suites de ses blessures à la tête. Après trois ans d’internat pendant lesquels elle supporta assez mal la promiscuité, elle fut placée dans une famille d’accueil les Desjardin. La famille Desjardin habitait dans une agréable maison en rangée sur l’avenue de La Roche, dans le quartier Mont Royal à deux pas du parc La Fontaine. Le condo du premier étage avait été aménagé en une sorte de suite réservée aux enfants. M. et Mme Desjardins, qui avaient déjà deux enfants, contribuèrent largement à redonner à Marie sa joie de vivre du moins en apparence. Ces derniers l’encouragèrent à poursuivre des études.

Marie fit donc des études, plus qu’honorables, et réussit sa formation d’entrée à l’université au Collège de Montréal sur Sherbrooke West. Après quelques années d’errance universitaire à l’UQAM pendant lesquelles elle a cru se passionner pour la psychologie, alors qu’elle ne cherchait qu’à analyser ses propres problèmes, Marie a trouvé sa voie en intégrant l’Ingram School of Nursing également sur Sherbrooke West. Grâce au Bachelor de psychologie qu’elle avait fini par valider à l’UQAM, elle avait pu intégrer directement la classe de Master in Nursing. Après ses études d’infirmière Marie avait trouvé un poste d’infirmière au Centre Médical Hochelaga tout près des rives du St Laurent. Elle y trouva un bon équilibre socio-professionnel. Elle embauchait tôt le matin à sept heures pour prendre la relève de l’équipe de nuit.

Son travail très prenant et fatiguant ne lui laissait pas le temps de s’adonner à autre chose, sport ou loisir créatif, à son retour au modeste studio qu’elle occupait dans un bâtiment annexe du Centre Médical. En effet elle vivait sur Montréal durant la semaine pour aller rejoindre son mari à Magog en fin de semaine.

Mais la réputation de cet établissement de santé fut ternie par le décès de deux patients du service de chirurgie orthopédique ayant contracté une infection nosocomiale létale. L’enquête démontra que la contamination provenait d’un défaut d’asepsie des érines. Marie très choquée par cette affaire décida de quitter son poste pour s’installer de façon permanente dans leur maison au bord du lac auprès de son chum.

Parlons de son chum justement, de son côté John, issu d’une famille de modestes fermiers dans les Cantons de l’Est, était bûcheron chez Bois Magog Orford, une très ancienne scierie sur les bords du lac Memphrémagog. Marie était tombée sous le charme de ce solide gaillard au premier abord bourru et timide, la moitié du visage caché par une énorme barbe que Sébastien Chabal lui-même lui aurait enviée.

Une fois rentrée à Magog Marie s’improvisa assistante maternelle, le succès fut immédiat, très rapidement sa douceur naturelle et son affinité pour les enfants fusèrent    dans les environs, et 4 ou 5 marmots vinrent apporter une animation de tous les jours dans la maison. L’amour des deux tourtereaux s’intensifia au fil des jours passés l’un auprès de l’autre. Tous les jours de la semaine Marie attendait impatiemment le retour de John, dès que cinq heures du soir approchaient, elle ne cessait de se rapprocher de la fenêtre espérant voir la voiture de John entrer sur le chemin gravillonné menant au garage. La vie s’écoulait agréablement au côté de John et un jour la grande nouvelle tomba, Marie attendait un heureux événement, enfin.

Comme chaque soir Marie attendait le retour de son mari. Aujourd’hui il pleuvait, la pluie battait les vitres de la baie vitrée et le blizzard de toute sa force faisait ployer les érables là derrière le garage. Elle ne cessait de regarder la pendule avec anxiété. Chacun de ses gestes étaient empreints d’une nervosité palpable. Penchée sur son ouvrage elle en finissait par perdre son calme et par manquer ses points de crochets. Elle en était à son sixième mois de grossesse et petit à petit son visage palissait, ses lèvres se pinçaient et ses grands yeux devenaient plus sombres que jamais. Tout à coup à sept heure moins cinq elle entendit un bruit de roues sur le gravier de l’allée. Son visage s’éclaira d’un large sourire, elle se leva péniblement et se dirigea vers la porte afin d’accueillir son mari. Mais ce n’est pas son mari qu’elle trouva face à l’entrée. Deux gendarmes étaient là droit comme des i, tout penauds.

  • Marie Delfosse ? Interrogea celui qui semblait être le plus gradé.
  • Oui répondit-elle déjà submergée par l’angoisse.
  • Nous vous apportons une bien mauvaise nouvelle avança l’autre.
  • Le plus gradé enchaîna : Votre mari, John, ne rentrera pas ce soir, il a été victime d’un grave accident à la scierie, un câble de maintien du trailer a cédé et le chargement de billots a dévalé sur lui, il est mort écrasé sous le bois.

Les yeux de Marie yeux devinrent encore plus sombres, et s'embuèrent de larmes, une main de glace oppressait son coeur. Sa vie venait de s’arrêter.

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