Chapitre 1

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Tout était blanc, sans aucun réel intérêt, pourtant elle restait là, figée au fond de son lit à contempler pour l’énième jour ce même plafond sinistre et fade. Le calme régnait dans la pièce malgré l’agitation du couloir qu’elle avait fini par oublier avec le temps. Cela faisait partie du décor, de son quotidien. Allongée dans son lit une place, elle attendait, comme tous les matins que l’infirmière qui lui était attribuée ne vienne lui apporter son petit-déjeuner et ses médicaments. Elle était en retard de plus de cinq minutes, et Alaska commençait à s’impatienter, la pette nouvelle qui assurait ses soins semblait un peu perdu. Cela faisait à peine une semaine qu’elle avait été affectée au service et elle n’avait pas le temps de prendre cinq minutes de plus avec ses patients au risque de se perdre dans son planning. Mais bon, elle voulait bien lui pardonner cette fois-ci.

Elle finit par se lever, impatiente, et se posta devant la grande fenêtre de sa chambre, elle ne pouvait pas l’ouvrir, seule la petite trappe de quelques centimètres au-dessus de la fenêtre lui permettait d’aérer la pièce. Comme si elle allait se défenestrer. L’idée lui semblait ridicule, mais elle savait que les patients de son service n’étaient pas tous aussi lucide qu’elle. Ils étaient calmes par moment, mais leur folie les rattrapait bien trop souvent et de façon bien trop forte. De l’endroit où elle se trouvait, elle avait une vue imprenable sur le parking de l’hôpital qui était inhabituellement bondé. Des grandes, des petites, des rouges, des noires, des grises… Il y en avait de toutes les formes et de toutes les couleurs, mais elle savait que les propriétaires de ces véhicules venaient principalement pour le premier étage, les plus dociles. Mais tous ces visiteurs avaient sur leurs visages une morosité semblable à de la honte, de la peine et du désespoir à l’idée de se rendre dans le bâtiment. Il fallait les comprendre, qui serait réellement heureux à l’idée de retrouver un proche à moiti fou capable de débloqué à tous moments sans vraiment que quiconque n’en connaisse la raison ? Personne à n’en pas douté.

Après plus de dix minutes, l’infirmière pointait enfin le bout de son nez, elle avait les cheveux en pagaille et semblait essoufflée ce qui la fit esquisser un sourire. Elle était attendrissante comme cela, tentant de rester professionnelle et courtoise, le sourire aux lèvres alors que les cernes sous ses yeux trahissaient un cruel manque de sommeil. Alaska avait déjà remarqué ça chez les nouveaux soignants, ils semblaient tous épuisés et dépassés par leur travail mais finissaient par s’habituer au bout de quelques semaines voire quelques mois.

- Bonjour, désolé pour mon retard, j’ai été retenue quelques minutes. Comment vas-tu aujourd’hui ?

Alaska ne lui fit aucune remarque de plus, elle s’était excusée, c’était suffisant pour aujourd’hui.

- Bien, merci.

La petite femme déposa le plateau repas sur la table avant de s’asseoir sur une chaise proche de celle-ci, attendant que sa patiente ne vienne s’asseoir. Il fallait les surveiller à chaque repas pour être sûr qu’aucun d’entre eux n’aurait la bonne idée de faire elle ne savait quoi avec les couverts où les aliments quand ils étaient seuls dans leurs chambres.

Les médicaments dans un coin du plateau Alaska les prit sans plainte avant de commencer à manger. Une pomme, un yaourt, du pain, de la confiture de fraise et un verre de jus d’orange. Elle appréciait ses petits-déjeuners et avait insisté pour que la fraise ne remplace l’abricot qu’elle détestait tant. En commençant à manger, elle se demandait quand l’infirmière commencerait à lui poser ses questions routinières, sans doute lui laissait-elle le temps d’apprécier son repas, ou alors elle se reposait, se préparant mentalement à la charge de travail qui l’attendait dans la journée.

- Rien de nouveau à signaler ? Pas de nouveaux cauchemars ?

Il allait bientôt être l’heure de la sortie matinale, comme l’indiquait l’horloge, la sonnerie ne tarderait pas à sonner indiquant la rentrée des 3ème étages pour la préparation de leurs sorties à eux. Elle ne voulait pas trop s’attarder sur les questions alors elle répondait sans hésiter.

- Non, tout va bien. Mais auriez-vous des nouvelles de ma sœur ? Elle a pour habitude de venir me voir vers cette période du mois mais elle n’est pas venue depuis longtemps, j’aimerais beaucoup la voir.

L’infirmière lui lança un regard désolé avant de secouer la tête de gauche à droite. Elle n’avait pas vu Philippine et son fils depuis presque six mois maintenant et l’attente devenait atrocement longue, mais elle savait qu’avec la première rentrée de Jules à l’école et son travail, il était compliqué de se dégager du temps pour venir ici, surtout que ce n’était pas tout proche.

- Et des romans, vous comptez en recevoir quand ? J’ai presque fini le mien et je crois avoir finis les nouvelles arrivées du mois derniers.

- Bientôt, le colis ne devrait pas tarder à arriver et tu en seras la première informée, je te le promets.

Elle acquiesça sans rien ajouter, se contentant de finir de manger. La lecture était son exutoire, sa thérapie, son moyen de dépasser les murs de la prison dans laquelle elle était enfermée pour partir dans un autre pays, un autre monde, un autre univers, et surtout d’oublier toutes ces choses qui la hantent sans qu’elle ne sache vraiment pourquoi. Mais surtout, ils lui rappelaient son bébé, son enfant, son petit cœur qu’ils lui avaient enlevé il y a si longtemps maintenant qu’elle ne savait pas à quoi il pourrait bien ressembler. A elle peut-être ? Elle l’espérait du fond du cœur. Son père ne méritait qu’il lui ressemble, c’était un homme de bas étages qui n’avait de scrupules que pour lui-même et son petit travail qu’il chérissait tant. Elle l’avait haï pour ça et pour l’avoir lâchement abandonnée du jour au lendemain.

- Vous savez, mon fils adorait la lecture, raconta-elle, les mains posées sur son ventre, rêveuse. Je lisais souvent à voix haute à l’heure de la sieste ou le soir pour qu’il puisse s’endormir tranquillement. Nous avions pris une petite routine, c’était notre moment de complicité et d’apaisement à tous les deux et il n’hésitait pas à montrer son mécontentement dès que j’oubliais un de nos rendez-vous quotidiens.

L’infirmière lui avait souri, attendrie par les propos de sa patiente, elle semblait si paisible qu’elle n’aurait jamais suspecter quoi que ce soit sans son dossier médical, mais c’était son travail et si parler avec cette femme pouvait lui permettre de se sentir mieux et d’avancer dans sa thérapie alors elle acceptait avec joie. Voir ces patients aussi bavards était signe de réussite, elle se donnait pour son travail et les voir sourire lui apportait beaucoup de joie, elle ne faisait pas tout cela en vain.

Au bout d’un certain temps, elle finit par s’excuser auprès d’Alaska et lui souhaita une bonne journée avant de quitter la pièce vers une autre chambre, un autre patient, d’autres problèmes et encore d’autres traitements.

La sonnerie retenti quelques minutes plus tard indiquant la fin de la promenade pour les 3èmes étages, plus que dix minutes et à la prochaine sonnerie, se serait à elle de pouvoir respirer dans les jardins de l’hôpital. Elle était vêtue d’un jean simple et d’un petit chemisier fleuri, accordé à la saison. Elle portait énormément d’attention à son apparence et ce depuis toujours, c’était son point d’ancrage, sa manière à elle de garder la tête haute entre ces quatre grands murs sinistres, la promenade du matin et de l’après-midi était son seul moyen de voir le monde extérieur. Une heure et demie. Pas une minute de plus, ni une de moins ; de dix heures à onze heures trente. Elle passa par la salle de bain pour arranger sa coiffure avant de se poster devant la porte, attendant impatiemment son heure.

Ne pas se mélanger était une règle d’or dans ce lieu, chaque étage avait sa spécificité et les patients n’avaient en aucun droit l’autorisation de se voir. Qui vivait dans la chambre sous ses pieds ? De quelle pathologie était-il atteint ? Depuis combien de temps ? Elle n’en avait aucune idée, pourtant, elle connaissait le passif de chacun des membres de son étage, faisant travailler son excellente mémoire un peu plus tous les jours. Elle connaissait tous les patients et tous les infirmiers sans exception, elle était même capable pour certain de connaitre leurs horaires de travail. Mais c’était là sa seule occupation en dehors de la lecture alors elle s’en contentait.

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