Chapitre 14

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Assise sur le lit de sa chambre, elle observait le ciel à travers les barreaux de sa fenêtre. Ses poignets et ses chevilles étaient encore rougis mais ne la faisaient plus souffrir.

Deux jours.

Ils l’avaient enfermé pendant deux jours, attachée aux barreaux de son lit, elle n’avait pas eu d’autre choix que de rester là, allongée sur le matelas, malgré ses nombreux efforts pour se détacher. Ses muscles étaient courbaturés et peinaient à la tenir debout plus d’une heure, l’empêchant de savourer sa promenade habituelle du matin.

Vêtus d’un tee-shirt à manche longue et d’un pantalon large, elle cachait comme elle le pouvait les marques qui lui couvrait les chevilles et les poignets. Elle avait honte. Honte d’avoir céder, honte de ne pas avoir réussi à contrôler ses émotions, honte d’avoir été enfermée, honte d’être ici alors que sa vie aurait été bien meilleure à l’extérieur dans son petit appartement. Elle aurait pu inviter Floyd à boire un verre, ils seraient peut-être même allés au bar ou au cinéma avant de rentrer chez elle. Ils auraient pu s’embrasser et se laisser aller librement, sans se soucier de qui pourrait bien les entendre.

Elle ne l’avait pas revu depuis le premier jour de son enfermement. Elle aurait voulu pouvoir s’excuser pour son comportement, lui dire et lui montrer son amour. Elle craignait qu’il ne lui en veuille. Il ne l’avait jamais vu en crise et cela pourrait se montrer embarrassant ; mais après tout, il était médecin alors il comprendrait forcément. Elle était humaine, avec des sentiments, des peurs et des doutes. Elle avait juste besoin de quelqu’un à aimer et d’être aimé en retour. Pouvoir se poser, émotionnellement, physiquement, passer du bon temps… Elle ne rêvait que de ça.

Pouvoir être libre à nouveau, pouvoir chanter, danser, rire à sa guise sans qu’aucun de ses médicaments ne l’empêche de se sentir pleinement épanouie. Sans qu’aucun infirmier ne dicte sa conduite et sans qu’aucun mur ne l’enferment jusqu’à la fin de ses jours. Libre de tout ce stress et cette angoisse de se retrouver attachée…

Serait-ce possible un jour ?

Elle croyait en Floyd et au lien qui les unissait, elle était innocente et il l’aiderait à se sortir de cet enfer, de cet endroit qui lui avait volé sa vie et sa famille.

Elle devait penser à sa famille, à son petit Jules qui l’attendait bien au chaud chez sa sœur. Elle était si heureuse de pouvoir le serrer dans ses bras l’autre jour, sentir son petit corps chaud près de son cœur. S’occuper de lui avait procurer un tel apaisement en elle, elle se sentait enfin complète, comme si le vide au creux de son cœur se comblait… Il était son point d’encre au milieu de cet océan dévastateur et même si Floyd prenait de plus en plus de place en elle, ce petit bout de chou restait, pour l’instant, l’être le plus important de son existence ; il avait le même âge que son petit bébé et même si on le lui avait enlevé, elle savait avec certitude qu’il ressemblait en tout point à son neveu. Ils partageaient les mêmes centres d’intérêts, elle sentait le petit garçon aimer de plus en plus la lecture et la musique, comme elle ; elle le voyait parler, si passionné par ce qu’il faisait qu’il avait tendance à s’emporter qu’elle ne pouvait s’empêcher de faire le parallèle entre leurs personnalités si semblables.

Au même moment, son infirmière attitrée entra dans la chambre après avoir annoncé sa présence. Alaska était satisfaite, elle avait compris la leçon de la dernière fois, elle ne souhaitait s’emporter une nouvelle fois. C’était son seul espoir pour que Floyd l’écoute et ne lui vienne en aide. Il la ferrait sortir d’ici, quoi qu’il en coûte, ça, elle en était persuadée.

- Le docteur McCornick souhaite s’entretenir avec vous, seriez-vous d’accord pour qu’il vienne prendre le déjeuner avec vous ?

Le cœur de la jeune femme s’emballa soudain. Il voulait s’entretenir avec elle ! Il ne lui en voulait donc pas !

- Bien-sûr, quand arrive-t-il ?

L’infirmière regarda sa montre avant de plonger son regard dans celui de la patiente.

- Je vais le prévenir, il risque d’arriver d’ici une quinzaine de minutes.

- Très bien, merci. Je l’attendrais.

Une fois seule dans sa chambre, elle ne pouvait contenir son sourire, il avait demandé à la voir, il voulait passer du temps avec elle, ils allaient pouvoir discuter comme le ferait n’importe quels êtres humains… Enfin… Elle allait pouvoir lui parler comme une femme le ferait à un homme qui lui plait, elle allait pouvoir lui avouer ses secrets, ses sentiments, sa vie, s’excuser…

En se précipitant à la salle de bain, elle réajusta sa coiffure rapidement devant le miroir avant de soupirer. Sa tenue n’était pas des plus resplendissantes mais elle s’en fichait, elle était belle, peu importe ces vêtements, et s’il tenait réellement à elle, il ne se préoccuperait pas de la façon dont elle s’habillait. Ils étaient dans un hôpital après tout.

- Mademoiselle Petrova, je peux entrer ?

Elle s’empressa de lui répondre avant de s’installer sur son lit.

Il portait un plateau garni de nourriture en s’approchant d’elle, le sourire aux lèvres.

- Comment vous sentez-vous aujourd’hui ?

Elle lui sourit en retour.

- Etonnamment bien, la nuit a été très reposante et pleine de rêves.

- De quoi parlaient-ils ?

- De liberté. Je me voyais courir dans un champ de fleurs avec Jules, nous étions heureux et riions ensemble.

Il hocha la tête doucement avant de servir deux verres de jus d’orange.

- Parlez-moi de Jules.

Son sourire repris de plus belle alors qu’elle pensait à son neveu.

- Il a cinq ans, c’est un magnifique petit garçon très intelligent. Blond aux yeux bleus, comme moi. Il me ressemble beaucoup vous savez. Ils ne viennent pas très souvent me rendre visite avec ma sœur mais je ne leur en veux pas vous savez. C’est compliqué pour un enfant de se rendre dans un endroit pareil. Quelle mère laisserait son enfant entrer dans un hôpital psychiatrique ? Mais ça me fait tellement plaisir de les voir. Ma sœur a toujours été d’un grand soutient pour moi au moment de la mort de mon ex-mari. Ça à été une épreuve très compliquée vous savez.

Floyd hocha ma tête d’un air attentif. Alaska aimait le voir aussi à l’écoute. Il se souciait d’elle et de sa vie ; elle pouvait le voir dans son regard. Elle pouvait voir toute la compassion qu’il éprouvait pour elle. Il la comprenait, il comprenait son besoin de s’évader, de pouvoir retrouver sa liberté. Elle le voyait dans ses yeux. Il la comprenait et l’admirait, elle ne voyait pas comment interpréter autrement cette magnifique lueur qui brillait en lui.

Aucun des deux ne parla ensuite, Alaska mangeait son plateau sous le regard attentif de son homme. Elle se sentait bien. Elle était heureuse de voir à quel point il lui apportait de l’attention, et bientôt, quand il la ferait sortir d’ici, il serait enfin à elle seule. Elle n’aurait plus à le partager avec d’autres patients et infirmières.

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