Dix jours.

Cela faisait maintenant dix jours qu’elle attendait des nouvelles de sa sœur, pourtant, les infirmières refusaient de lui dire quoi que ce soit. Y avait-il un souci ? Était-elle malade ? Jules avait peut-être un problème. Ne pas savoir ce qu’il se passait l’angoissait énormément.

Elle ne comprenait pas pourquoi tout le monde refusait de venir la voir, ils pourraient au moins lui donner des nouvelles. Elle s’inquiétait, elle voulait les voir, pouvoir les prendre dans ses bras et leur dire à quel point elle les aimait.

Elle voulait pouvoir retrouver le semblant de liberté qu’elle avait connu avant sa crise. Ses sorties étaient de plus en plus encadrées, elle sentait le regard de plusieurs membres du personnel peser sur elle en plus de son infirmière attitrée. Elle se sentait mal à l’aise, oppressée face à tous ses yeux braqués sur elle. Sa propre chambre n’était plus qu’un couloir de passage pour son infirmière qui passait presque toutes les heures pour vérifier qu’elle allait bien.

Alaska se sentait surveillée et épiée comme un animal en cage.

Quant à Floyd, il ne lui avait accordé qu’un léger sourire au détour d’un couloir sans jamais venir la visiter. Elle avait besoin de lui, de se sentir importante pour quelqu’un, de savoir qu’il l’aimait autant qu’elle. Alors pourquoi ne venait-il pas la voir ? Leur amour n’avait-il donc aucune valeur pour lui ? Elle voulait être rassurée. Son traitement changeait régulièrement et elle n’aimait pas ça. Son angoisse grandissait à mesure que les pilules changeaient de couleur et personne ne semblait s’en rendre compte.

Alors elle tournait en rond, répétant inlassablement la même routine jours après jour en essayant de stabiliser au mieux son esprit. Floyd n’était toujours pas venu la voir et l’infirmière était de plus en plus présente. Sa psychiatre apparaissait également bien plus souvent qu’à son habitude et Alaska avait très vite compris que l’idée de laisse son amant s’occuper d’elle plus régulièrement avait été rayée de la liste. Leurs moments privilégiés n’était plus qu’un vieux souvenir maintenant et elle lui en voulait de ne pas se battre plus que cela pour elle et leur amour. Elle voulait le retrouver lui et son corps, retrouver leur complicité et sa tendresse ; elle n'en pouvait plus.

Elle en voulait à la terre entière. A sa sœur de ne pas venir la voir plus souvent. À l’infirmière de ne pas vouloir lui donner de nouvelles et la laisser tranquille. A ses parents de l’avoir abandonnée comme des lâches dans cette clinique en espérant ne plus jamais la revoir. Mais surtout à Floyd de la laisser seule au moment où elle aurait le plus besoin de lui.

Pourquoi ne se souciait-il pas d’elle ? Pourquoi l’abandonnée aux mains des infirmières qui la maltraitaient tous les jours ? Pourquoi ne venait-il pas prendre de nouvelles ?

Elle l’aimait de tout son cœur, et cet amour était réciproque ; ils s’aimaient profondément alors pourquoi ne venait-il pas vers elle ? Pourquoi ne faisait-il jamais le premier pas ? Il ne pouvait pas s’agir que de timidité, s’était impossible, il y avait autre chose et ça la faisait souffrir. Elle se sentait de plus en plus mal à mesure que le temps passait. Son cœur la faisait de plus en plus souffrir alimentant une colère grandissante contre son amant. Elle voulait qu’il l’aime, qu’il prenne soin d’elle et qu’il la soutienne ; qu’il lui donne son amour. Pas qu’il la laisse seule dans sa chambre attendant désespérément de ses nouvelles.

Mais… Peut-être que son intuition était la bonne ? S’il voyait quelqu’un d’autre ? Peut-être qu’il la trompait vraiment avec une autre femme ? Après tout, elle ne savait pas ce qu’il faisait en dehors de ses heures de travail ; elle ne les connaissait même pas d’ailleurs. Elle était bien trop surveillée ses derniers temps pour pouvoir errer dans les couloirs comme autrefois, elle n’avait donc aucun moyen de savoir si le médecin était à la clinique ou non, son infirmière ne la laisserait jamais faire.

Se sentant de plus en plus nerveuse, Alaska voulait prendre une douche. Il fallait qu’elle se détende, qu’elle trouve un moyen de ne plus penser à lui et à ses mains sur son corps. A sa voix et ses gémissements, à sa façon de l’aimer.

Pourquoi ne voulait-il pas la laisser tranquilles quelques minutes ?

Pourquoi ne venait-il pas la voir ?

Elle s’appuya un instant contre le lavabo avant de se contempler dans le miroir. En observant son reflet, elle remarqua du coin de l’œil un détail qui n’était pas là il y a encore quelques jours. Elle passa la tête de l’autre côté de la porte pour s’assurer que personne ne vienne la déranger avant de s’approcher de l’objet ayant attiré son attention derrière les toilettes. Elle se pencha rapidement avant de tendre la main pour récupérer la chose. Elle écarquilla les yeux avant de le reposer immédiatement, comme brûlée.

Un morceau de verre ?

Elle se rappela le miroir brisé dans un de ses accès de colères, réalisant par la même occasion que Floyd semblait vivre très bien sans elle à l’extérieur de la clinique alors qu’elle n’attendait chaque jour un petit peu plus le moment de sa visite. S’il l’ignorait de cette façon depuis des jours c’était sans aucun doute qu’il ne jugeait pas nécessaire de venir la voir et qu’il pouvait très bien être heureux sans elle. Sinon il serait venu la voir, il…

Cette pensée raviva sa rancœur et elle ramassa le morceau de verre. Son reflet était déformé et quand elle se releva, elle savait ce qu’elle devait faire. Personne ne devait pouvoir le retrouver au risque qu’on le lui prenne pour le jeter. Elle devait se montrer discrète et rapide, puis cela lui permettrait de se défendre en cas de problèmes. Les internes défilaient ces derniers temps et elle ne se sentait pas en sécurité.

Mais où le cacher ?

Comment faire pour que les infirmières ne remarquent pas la présence de ce petit bout de verre ?

Son attention se focalisa un instant sur les toilettes avant d’observer le réservoir de la chasse d’eau. Le plombier en avait soulevé le haut quand il était venu à son appartement il y a longtemps ; peut-être que cela pourrait fonctionner ? Elle pourrait le cacher ici, personne ne viendrait vérifier.

Doucement, elle en attrapa les rebords et le souleva. La céramique était lourde, elle se dépêcha de le poser avant d’observer l’intérieur. Il y avait largement la place pour son petit bout de verre. Elle s’empressa de le cacher entre deux tuyaux avant de replacer délicatement le couvercle à sa place pour ne pas faire de bruit. Elle avait réussi !

Elle était sauvée, sa cachette était parfaite.

Des coups contre la porte la firent sursauter. Elle regarda autour d’elle, paniquée à l’idée qu’on est pu la surprendre dans sa manœuvre avant de soupirer de soulagement. L’infirmière était restée de l’autre côté de la porte.

- Est-ce que tout va bien ?

Elle souffla un coup pour faire redescendre sa nervosité avant d’entre-ouvrir la porte.

- Oui, tout va bien ne vous inquiétez pas, je suis allée aux toilettes mais je pense aller me doucher. Je me sens un peu sale.

L’infirmière acquiesça avec un petit sourire.

- Très bien, je reviendrais vous voir dans un petit moment dans ce cas. A tout à l’heure.

Alaska s’appuya contre la porte en la refermant, prenant une longue inspiration.

Elle avait vraiment réussi !

Un grand sourire étira ses lèvres alors qu’elle enlevait ses vêtements pour aller se laver. Bon sang, elle avait vraiment réussi à cacher cet objet sans que personne ne s’en rende compte. Soudain prise d’une grande joie, elle ne put s’empêcher de sautiller dans sa salle de bain et retint de justesse un petit cri de joie avant de se glisser sous le jet de la douche. Elle pensa immédiatement à Floyd, elle aurait tant aimé qu’il soit là, avec elle, sous cette douche. Mais encore une fois il l’avait laissée seule. Elle était seule depuis presque deux semaines. Il l’avait abandonnée.

Elle devrait tout faire pour que Floyd reste auprès d’elle et ce, peu importe le prix.