Chapitre 18
Allongée dans les bras de son amant, elle poussa un soupir de contentement en sentant sa chaleur contre elle avant de s’étirer doucement. La nuit avait été agitée, elle se sentait encore courbaturée et envahit par de nombreuses émotions plus gaies les unes que les autres. Elle resserra le bras de son amant contre sa poitrine, tout sourire, avant de se tourner vers lui pour lui faire face et l’embrasser.
Mais ce qu’elle vit lui glaça le sang.
Alors qu’elle s’attendait à se retrouver face au beau visage endormi de Floyd, elle ne vit que la peau blanchâtre et ensanglanté de l’homme qui se tenait à ses côtés. Elle recula brusquement, terrifiée par ce qu’elle voyait.
Comment ?
Son cœur battait à toute vitesse et la panique montait en elle, si bien qu’elle n’entendit plus rien, bien trop secouée par ce qu’elle venait de découvrir.
Non… Pas lui..
Elle fixa un moment le corps sans vie de l’homme qu’elle aimait, les larmes aux yeux. Elle l’aimait tellement, il ne pouvait pas mourir. Non. Pas lui. La gorge serrée, elle sentait sa respiration devenir de plus en plus lourde alors que les sanglots secouaient son corps. Elle ne comprenait pas ce qui lui arrivait.
Lançant un regard autour d’elle dans un appel à l’aide muet, elle n’arrivait pas à contrôler les tremblements qui secouait son corps. Soudain, son regard tomba sur un petit morceau de verre ensanglanté à même le sol. Du verre ? Mais que faisait-il là ? Elle n’avait pas le droit d’utiliser ce genre d’objet et encore moins depuis sa dernière crise. Il était bien trop pointu pour elle.
Non, c’était impossible…Il ne pouvait pas… Floyd…
Sans réfléchir, elle se jeta sur lui et se mit à le remuer, dans l’espoir de le voir ouvrir les yeux. Ce ne pouvait pas être possible, elle ne pouvait pas vivre sans lui, il ne pouvait pas l’abandonner. Non… Non… Les larmes dévalaient ses joues alors que sa voix réapparaissait doucement, d’une ton roque qu’elle ne reconnaissait pas.
- Floyd ?
Elle le secoua une nouvelle fois alors qu’il refusait toujours de réagir, se contentant de suivre mollement le mouvement que lui imposait Alaska.
- Floyd ? Je t’en supplie…
La gorge serrée, elle sentait son cœur se briser contre la peau froide de l’homme. Il ne pouvait pas lui faire ça, non, elle l’aimait tant, elle ne pouvait pas se retrouver seule, pas après toutes ses semaines, pas après tous ces efforts pour aller mieux…
- Floyd !
Elle n’arrivait plus à respirer, ses poumons se compressaient plus douloureusement encore dans sa cage thoracique, elle avait l’impression d’asphyxier, comme si chacun de ses neurones lui brûlaient le crâne. Elle suffoquait. Elle sentait l’étau se resserrer autour d’elle alors qu’elle observait tour à tour ses mains tâchées de sang et le corps sans vie.
Non… Non…
Tremblante, elle supplia Floyd de se réveiller, refusant d’admettre la vérité. Il ne pouvait pas être mort…
Non… Non, c’était impossible…
Les joues inondées de larmes, elle se pencha doucement vers le petit miroir tranchant, le caressant du bout des doigts. Comment avait-elle bien pu arriver jusqu’ici ? Puis elle l’attrapa délicatement avant de se relever. Ses yeux n’arrivaient pas à quitter l’arme au creux de sa main… Comment ? Elle replongea son regard vers le torse lacéré de Floyd avant sursauter brusquement.
Assise sur le comptoir de la cuisine, elle se remémorait le jour où il était entré dans sa vie, il était si gentil, si doux, si tendre, si aimant… Comment aurait-elle pu imaginer que quelques années plus tard, elle le retrouverait dans leur lit avec une autre femme ? Comment aurait-elle pu deviner qu’il allait briser sa vie et faire de son amour sa descente aux enfers… Elle était en colère, dégoutée… La haine qui grandissait en elle la dévastait tellement qu’elle voulait s’en débarrasser, quoi qu’il arrive, elle ne pouvait pas le laisser s’en tirer aussi facilement. Il venait de briser sa vie et tous ses rêves en un instant, il devait payer.
Elle observait les photos accrochées au réfrigérateur, regardant le couple s’enlacer et s’embrasser, amoureux et complice… ça aurait dû être elle sur ces photos, pas cette femme… Le visage de son mari refusait de quitter ses paupières, il l’obsédait à tel point que son nom semblait être incrusté dans chaque pore de sa peau. Il était toute sa vie, son monde, son pilier…
Elle se sentait sombrer, l’obscurité prenant de plus en plus de place dans son esprit alors qu’il semblait continuer à vivre comme si rien d’autre ne l’importait. Il ne pouvait pas continuer à être heureux… Il ne pouvait pas être si libre, pas après tout ce qu’il lui avait fait… Elle en avait assez de subir, elle voulait qu’il paye pour ses actes…
Entendant des clés tourner dans la serrure, elle se redressa caressant la lame du couteau qui glissait doucement dans sa paume. Il devait payer. La porte n’était pas fermée à clé, elle avait fait exprès de la laisser ouverte, il détestait ça. La lumière s’alluma alors que des pas mal assurés avançaient à travers la pièce. Elle souriait, ça y est, c’était enfin le moment. Quand il entra dans la cuisine, il eut un brusque mouvement de recul en la dévisageant.
Mais que faisait-elle ici ? Comment était-elle entrée dans son appartement ? Elle sentait la peur s’installer en lui.
Alaska se redressa pour s’approcher, un sourire malsain peint sur les lèvres. Le regard de l’homme changea brusquement, passant de surpris à complètement terrifier. Il ne comprenait pas ce qu’il se passait et c’est exactement ce qu’elle voulait ; sa voix était tremblante, il semblait terrorisé, comme s’il comprenait enfin ce qui allait lui arriver. Son dos heurta enfin le mur, il semblait vouloir crier quelque chose mais avant qu’il ne puisse sortir le moindre son, la jeune femme se précipita sur lui, enfonçant sans pitié le couteau dans la gorge de son mari. Il l’avait trompée, il l’avait brisée en milles morceau et il n’avait que ce qu’il méritait.
Le regard plongé dans celui de son homme, elle regardait la vie quitter son regard alors que son corps ramollissait entre ses bras.
Revenant brusquement à la réalité, lâcha un hurlement de terreur lassant le miroir retomber au sol.
Comment ?
Non.
Elle n’avait pas pu faire ça. Elle l’avait aimé plus que tout, il avait été l’homme de sa vie. Elle ne pouvait pas être comme tous ces médecins la décrivait, elle ne pouvait pas être folle, elle ne pouvait pas être malade, non, elle avait toute sa tête.
Mais alors ?
On lui avait réellement enlevé son bébé, elle était vraiment dangereuse pour lui ?
Du bruit se fit entendre alors qu’une infirmière entra avant d’hurler et que d’autres n’arrivent en trombe. Ils la dévisageaient avec terreur, semblant se rendre réellement compte du danger que représentait la patiente.
- Où est mon bébé ?
Elle hurlait à plein poumon, elle ne pouvait pas y croire… C’était impossible… Elle…
- Rendez-moi mon bébé !
Les larmes coulaient sur ses joues, elle voulait retrouver son enfant, elle voulait retrouver sa vie d’avant, elle ne pouvait pas croire que tout cela était possible, non…
- Madame… Calmez-vous…
- Où est mon bébé ?!
Elle dévisagea les personnes présentent autour d’elle alors que des regards désolés se posaient sur elle.
Pourquoi la regardaient-ils comme ça ? Pourquoi la regardaient-ils comme si son enfant n’existait pas ? Non, il était vivant, elle se rappelait parfaitement l’avoir senti bouger et grandir en elle. Il ne pouvait pas…
Nerveuse, elle faisait les cent pas dans son appartement, se remémorant la dispute qu’elle venait d’avoir avec sa sœur. Elles étaient rarement en désaccord et la voir si contrariée qu’elle ait encore une fois oubliée son appel quotidien l’angoissait au plus haut point. Elle n’avait pas fait exprès. Elle ne voulait pas l’inquiéter, mais en ce moment, son bébé prenait de plus en plus de place et se montrait de plus en plus pressé de sortir.
Il tapait sans cesse et Alaska avait de plus en plus de mal à gérer ses émotions, basculant des pleurs au rire en une fraction de seconde. Elle perdait patience ; et c’était sans compter sur les douleurs qui commençaient à se montrer depuis le début de la matinée et s’intensifiant à mesure que le temps passait. Ce n’était pas possible, elle ne pouvait pas accoucher maintenant, elle ne voulait pas, elle ne pouvait pas.
Elle se passa nerveusement les mains dans les cheveux, tremblantes, avant de lâcher un cri de rage.
- Mais arrête !
Ses pas devenaient de plus en plus pressés à mesure que son stress augmentait. Elle prit une longue inspiration avant de se rendre dans la cuisine pour boire un verre d’eau. Après tout, il a peut-être juste soif, d’habitude quand il s’énerve, un peu d’eau ou de nourriture parviennent à le calmer. De toute façon, il n’était censé voir le jour que le mois prochain donc il devait attendre, elle n’avait pas prévu qu’il puisse arriver plus tôt.
Buvant son verre, elle soupira de contentement avant de se crisper en gémissant ; la douleur ne semblait pas vouloir diminuer, elle devenait même de plus en plus insupportable. Alaska resserra sa main autour du verre alors qu’une nouvelle crampe, bien plus forte lui coupa le souffle, la faisait hurler de douleur et de rage.
Elle se redressa brusquement, regardant autour d’elle, les yeux écarquillés, à la recherche d’une issue avant que son regard ne se pose sur les couteaux rangés près de sa plaque de cuisson. Tremblante, elle senti sa respiration s’accélérer alors qu’une petite voix dans sa tête lui hurlait de saisir cette opportunité, c’était sa seule chance… Elle hurla une nouvelle fois, venant éclater son verre contre le mur d’en face avant de passer ses mains dans ses cheveux se crispant de plus en plus.
- Mais qu’est-ce-que tu veux ?
Elle senti ses muscles se tétaniser de douleur alors qu’elle sentait son esprit sombrer. Elle étouffait, ses membres ne voulaient s’arrêter de trembler, son cœur s’emballait alors qu’elle vacillait sous les émotions. Les larmes commençaient à lui monter aux yeux alors que les sanglots lui serraient la gorge, elle allait mourir, elle le sentait, ce n’était pas possible autrement.
Ce n’est pas possible, pourquoi la faisait-il souffrir autant ? Qu’avait-elle bien pu faire pour qu’il lui en veuille autant ? Elle l’aimait si fort…
Elle se releva rageusement avant de s’approcher de la plaque de cuisson, tremblante. Elle attrape un couteau avant de fixer sa lame, le souffle court.
- Pourquoi tu ne m’aimes pas ?!
Son ventre la plia de douleur alors que dans un élan de folie, elle leva la lame avant de la planter avec force dans son bas ventre dans un cri de rage.
Un.
Deux.
Trois.
Quatre.
Elle n’arrivait pas à s’arrêter alors que la douleur brûlait ses entrailles. Dans un éclair de lucidité, elle lâcha brusquement le couteau avant de tomber en arrière, à bout de souffle. Elle avait de plus en plus de mal à respirer alors qu’elle entendit des coups accompagnés de voix fortes de l’autre côté de sa porte. Les coups augmentaient alors que ses oreilles sifflaient. Des points noirs venaient brouiller sa vision, elle avait de plus en plus froid…
Elle eut à peine le temps de voir les hommes en tenues noires entrer dans son appartement qu’elle sombra…
Elle se figea, tétanisée.
Non. C’était impossible. Les médecins ne pouvaient pas avoir raison. Elle ne pouvait pas être folle. Non. Pas elle. Pas son bébé.
Elle fixa son regard sur le corps de Floyd avant de s’effondrer en hurlant de désespoir.
Les infirmiers autour d’elle se précipitèrent pour l’attraper avant qu’elle ne sente une aiguille se planter dans le creux de son cou, la plongeant dans un sommeil profond qu’elle espérait éternel…
Annotations