Précédent n°83

Cloîtré, Karel tournait en rond comme un fauve en cage. Il s'approcha de son unique fenêtre et s'y accouda. Il soupira d'envie en repensant au champ de lotus ressuscités. Il contempla la lune, si belle, si loin. Hypersensible, le moindre détail alimentait son imaginaire, et en ces lieux reculés que la vie avait déserté, où seule la solitude l'accompagnait parce qu'à part Elma, personne ne se donnait la peine de comprendre ses sentiments, son monde imaginaire lui permettait de survivre à cette solitude douloureuse.

Une idée lui traversa l'esprit. Idiote. Mais l'adolescent s'en moquait. De toute manière, puni pour puni, sa situation en pouvait pas être pire. En dépit de la dureté marquante de ces retours, Karel s'y était accoutumé. Après s'être fait abandonner au milieu de nul part pour le pousser à regagner le droit de rentrer et le coup des souvenirs fouillés sans son accord, il se disait qu'il ne craignait plus grand chose.

Rien de ce que pourrait lui infliger Serymar ne lui ferait regretter cette nuit : cette escapade, cette rencontre, avaient été une petite aventure merveilleuse, dont il garderait un bon souvenir.

Alors Karel monta sur le rebord de la fenêtre et s'accrocha sur les vieilles tuiles. La demeure étant partiellement en ruines, il prit garde à s'accrocher sur les tuiles encore solidement collée sur le toit. L'adolescent escalada avec prudence, jusqu'à se retrouver sur le toit de sa tour.

Il lui suffirait de redescendre avant le lever du jour. En attendant, il s'accrocha de manière à se sécuriser et se perdit à nouveau dans la contemplation de la nature désolée et infinie qui s'offrait à lui. La brise lui caressa le visage, et cette sensation appuya ce dont il était déjà convaincu depuis toujours : ces lieux abritaient encore la vie.

Il suffisait seulement d'observer.

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