25. Panique à bord

9 minutes de lecture

Joy

Le retour du tyran a un peu piqué, et j’avoue qu’aujourd’hui, après cinq après-midis de danse contemporaine et nos répétitions d’hier pour le concours, je suis au bout de ma vie. Il n’y a même pas un bain, ici, il fait trop froid pour utiliser le jacuzzi sur la terrasse pour que je puisse me détendre et bouquiner un peu comme je le faisais parfois à la coloc en empruntant la salle de bain de Léon. Alors, en ce dimanche pluvieux, c’est canapé, plaid et films. Pas le programme favori d’Alken, mais il ne voulait pas sortir sans moi, alors il n’a pas trop le choix.

Franchement, il y a pire comme programme, calés l’un contre l’autre sous la couverture, nous papouillant, nous embrassant, nous câlinant. Que demander de plus ? Moi, je suis au paradis, surtout que je lui fais actuellement regarder le dernier Bridget Jones. Ah Patrick Dempsey… Il relègue Colin Firth au second plan sans problème dans mon petit cœur. Il pourrait presque détrôner mon danseur, d’ailleurs. Enfin, faut pas abuser non plus, mais… Quand même !

— C’est un peu nul comme film quand même, non ?

Je le fusille du regard et pose ma main sur sa bouche.

— Tais-toi, tu n’y connais rien. Tu devrais avoir honte de critiquer, espèce de fou !

Il baragouine contre ma bouche et glisse ses mains sous mon pull, ou devrais-je dire, le pull que je porte et qui lui appartient, chatouillant mes flancs et me faisant me tortiller contre lui.

— On ne joue pas pendant Bridget Jones, Monsieur O’Brien, arrête ! ris-je en le repoussant.

— T’es pas drôle, Joy, soupire-t-il théâtralement en venant m’embrasser dans le cou.

Je frissonne contre lui et ferme les yeux quelques secondes. J’aime tellement sentir ses lèvres là, son souffle chaud me caresser, sa barbe frotter contre ma peau.

— Alken, soufflé-je.

— Joy ? sourit-il, conscient de l’effet qu’il me fait.

— Le film…

— On s’en fout, du film.

— Wow ! Tu n’as pas le droit de dire ça, ris-je en m’écartant de lui.

Il soupire et grimace en regardant en direction de la télévision, avant de me faire signe d’approcher à nouveau.

— Très bien, on regarde le film. C’est vraiment pour te faire plaisir.

Je me cale contre lui, tout sourire, et dépose un long baiser sur sa joue avant de me plonger dans l’ambiance comédie romantique.

Pauvre Bridget, enceinte sans savoir qui est le père de son enfant. Qu’est-ce que j’aime ces films ! Pourtant, je ne suis pas bien fan des triangles amoureux, de base, mais Bridget, c’est Bridget, quoi. Et là, elle est bien dans la merde, la jeune quadragénaire ! Ça me fait presque bizarre de regarder ce film avec Alken plutôt qu’avec Théo. Comme ça me fait bizarre d’être devant alors que ce n’est pas pour traiter une déprime. Tout roule depuis que Charline a avoué ses mensonges, et ça ne fait pas de mal de connaître à nouveau le calme. Ça ferait même presque bizarre, en fait. Mais ça me convient très bien.

Quand le film se termine, Alken s’est endormi et j’ai bien envie de me moquer de lui qui se dit si en forme que ça. Lui aussi encaisse la semaine, après sa suspension. Il a continué à courir, a fait de la musculation, mais ça ne vaut pas une semaine complète de cours de danse. Parce qu’il n’est pas du genre à rester assis sur sa chaise et danse presque autant que nous.

Je me lève doucement pour me préparer un café et le regarde couler distraitement quand je réalise qu’il y a un souci. Ça me tombe dessus comme ça, sans que je comprenne vraiment d’où ça sort, mais je me précipite sur mon sac à main et sors ma plaquette alors que je sens mon cœur battre à tout rompre. Une semaine. Une foutue semaine de retard. Sérieusement ? Comment c’est possible ? Je fais toujours très attention ! J’ai été vaccinée avec le comportement de ma mère. Hors de question de finir aigrie comme elle à reprocher à une personne totalement innocente et qui n’a rien demandé d’avoir ruiné ma carrière !

Je suis en panique totale, là. Impossible pour moi d’être enceinte, jamais je ne pourrais assumer un enfant ! Je ne veux même pas d’enfant, en fait ! Enfin, ce n’est absolument pas le moment d’envisager ça, j’ai bien d’autres choses en tête, bien d’autres projets, bien d’autres envies, pour l’instant.

— Joy ? Tout va bien ?

Je sursaute en entendant Alken m’interpeller, et lui souris en acquiesçant.

— Tout va bien, oui. J’arrive.

Je range rapidement ma plaquette de pilules et file à la salle de bain pour fouiller inutilement dans les placards. Évidemment qu’il n’y a pas de test de grossesse là-dedans. Pourquoi y en aurait-il ? C’est pourtant le truc que nous devrions tous avoir, pour ces petits moments d’angoisse, ces coups de stress qu’on s’éviterait bien.

Je n’ai aucun symptôme qui pourrait laisser croire à une grossesse. Donc, j’imagine que c’est juste un retard. Avec tout le stress de ces derniers mois, compréhensible que mon cycle soit chamboulé. Non ? Bon sang, j’ai l’impression de chercher tout et n’importe quoi, peu importe l’excuse, tant que cela veut dire que je ne suis pas en cloque. Et Alken ? Comment réagirait-il ? Je doute qu’il ait très envie de retourner dans les couches et les nuits blanches alors que son fils est proche de prendre son envol !

Je crois que je suis à deux doigts de la crise de panique. Je vais finalement peut-être ressembler à ma mère. C’est fou comme un tout petit rien peut faire basculer une vie. Une partie de jambes en l’air et bim, t’en prends pour la vie entière. Je ne suis pas prête. Clairement pas. Comment est-ce que je pourrais assumer un enfant sans revenus ? Sans l’envie d’en avoir un ? Oh, bon sang, il me faut un test de grossesse illico.

Je sors de la salle de bain et manque de m’étaler en me prenant Alken en pleine face. Enfin… Son torse dans ma face plutôt.

— Oh, je… Mince, pardon, baragouiné-je avant de rire nerveusement. Un problème ?

— Euh non, du tout, Joy. C’est juste que tu t’es fait un café et je voulais te l’amener car je sais que tu aimes le boire chaud. Tiens, le voilà, ma Chérie.

Il me le tend sans que je comprenne vraiment ce qu’il fait tellement j’ai l’esprit occupé par mon souci actuel. Et lui qui se montre si mignon avec mon café à la main, qui a visiblement l’air d’avoir envie de moi alors que tout ce que je désire à ce moment précis, c’est de savoir si oui ou non, il y a eu un souci dans ma contraception et que je suis tombée enceinte. Avec toutes les fois où il me remplit, il suffirait juste de quelques cachets défectueux pour que la catastrophe arrive. Catastrophe ? Vraiment ? Pas forcément à y repenser… Avoir un petit mélange de lui et moi, est-ce que ce serait vraiment une catastrophe ?

— Joy ? Tu rêves ? Tu penses à moi tout nu ou quoi ? Tiens, prends ton café. On dirait que tu ne vas pas bien. Tu n’es pas malade, au moins ? me demande-t-il en me serrant contre lui. Peut-être que tu as trop abusé de Bridget Jones !

— Je… Non, non, ça va. Je crois que je suis surtout fatiguée, dis-je en prenant finalement ma tasse. Si j’ai abusé de Bridget, toi tu as fait l’impasse…

— Tu m’en veux ? Je te promets que j’ai essayé… Mais la fatigue a remporté la victoire. Et puis, Bridget ne me fait aucun effet, alors que toi… Tu vois bien que tu ne me laisses pas indifférent, continue-t-il en abaissant son short d’où jaillit son magnifique engin, prêt à l’action.

Mince, ce n’est vraiment pas le moment pour moi, là. Je n’ai absolument pas la tête à ça, quand bien même le voir au garde à vous me tire un léger sourire.

— Pas maintenant, Alken… Je suis désolée, je suis vraiment crevée, là, dis-je avant de déposer un baiser sur sa joue et de le contourner pour rejoindre le canapé.

Il n’insiste pas et remonte son short mais ne me laisse pas tranquille pour autant. Il me suit jusqu’au canapé et s’assoit à mes côtés. Il reste silencieux, mais m’observe, un sourire tendre aux lèvres.

— Tu veux qu’on aille se coucher alors ? finit-il par me demander, s’inquiétant de mon silence.

— Non, si on se couche maintenant, on est prêt pour la fiesta à quatre heures du matin, souris-je en posant ma tête contre son épaule.

Et puis, de toute façon, peu de chance que j’arrive à dormir alors que je ne pense qu’à ce possible bébé. Je n’arrive pas à croire que j’aie pu mettre une semaine avant de me rendre compte que j’ai du retard. C’est fou, c’est pourtant simple, les pilules blanches pendant les règles.

— Et puis, tu as déjà fait une sieste, toi, continué-je doucement. Tu es sans doute plus en forme que moi, maintenant.

— Je suis très en forme, oui. Et la fiesta à quatre heures du matin me tente autant que la corrida maintenant, rigole-t-il. Tant que c’est toi et moi. Juste nous deux et nos deux passions qui se rencontrent, ça me va. Mais je comprends que tu sois un peu fatiguée, tu m’avais prévenue.

Je m’en veux de ne pas répondre favorablement à son envie, mais je ne me vois pas prendre mon pied là, maintenant, alors que j’ai la tête totalement ailleurs. Je ne sais même pas si je dois lui en parler ou pas, ou s’il vaut mieux que j’attende d’être sûre de moi pour le faire. J’appréhende vraiment de connaître sa réaction. Est-ce qu’il serait content ? Ou au contraire, en colère ? Est-ce qu’il flipperait ? Ou serait rassurant ? Est-ce qu’il serait d’accord pour assumer ce bébé ? Nous n’avons jamais réellement parlé de ça. Enfin, il m’a bien dit une fois que si c’était d’un bébé dont j’avais envie, il serait d’accord, mais ses raisons n’étaient pas justes et je ne veux pas d’un bébé pour de mauvaises raisons. Tout ceci est beaucoup trop de stress pour un dimanche après-midi censé être tranquille. Si je m’attendais à ça en me levant ce matin, franchement !

— C’est à cause du tyran qu’on a en danse contemporaine, tu n’imagines même pas comment il est, dis-je en lui faisant un clin d'œil.

— Il peut se faire pardonner comment, ce tortionnaire ? me demande-t-il en me câlinant.

— En continuant à me papouiller, c’est parfait. Je ne suis pas difficile, tu sais !

— Et si je te propose un petit massage, tu crois que ça aiderait à te détendre un peu ? Tu as rarement l’air aussi tendu, ma Puce. Et ça peut être un massage corps à corps. Tant pis s’il dérape, on assumera, renchérit-il en me caressant la peau de ses doigts magiques.

— Tu veux assumer quoi, au juste ? lui demandé-je, perplexe.

— Eh bien, te faire l’amour ? Tu as vraiment l’esprit à autre chose, ce soir ! s’étonne-t-il en enlevant son tee-shirt.

Je le regarde faire en fronçant les sourcils, de plus en plus perdue. Il a raison, effectivement, j’ai la tête ailleurs et mon attention n’est absolument pas centrée sur lui, là.

— Qu’est-ce que tu fais ?

Il s’arrête alors de bouger et plisse les yeux en me regardant d’un air étrange et inquisiteur. Il prend mon menton entre ses doigts et plonge ses yeux magnifiques dans les miens.

— J’essayais de te donner envie de moi, ma Belle, mais a priori, Madame est vraiment trop fatiguée. Je dois garder mon short ou je peux dormir nu quand même cette nuit ?

— Pardon, Alken… Je… Il faut que je te dise quelque chose, en fait, murmuré-je en détournant les yeux.

— Cela me concerne ? Ou c’est un truc qui ne te concerne que toi ?

— Pourquoi ? Ça change quelque chose ? lui dis-je un peu vigoureusement.

— Ne t’énerve pas, c’est clairement quelque chose de particulièrement important pour toi, je veux juste savoir à quoi je dois me préparer.

— Crois-moi, tu n’as aucun moyen d’être prêt à ça, ris-je nerveusement avant de soupirer. Je… J’ai du retard, Alken. Je ne sais pas comment c’est possible, mais je suis peut-être enceinte.

Annotations

Vous aimez lire XiscaLB ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0