34. Voie sans issue

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Alken

Je referme la porte sur un dernier sourire d’Elizabeth dans ma direction. Qu’est-ce que j’ai envie de lui casser la figure à cette femme ! Elle a beau être mon ex, c’est compliqué de rester calme devant son attitude. Je peux comprendre qu’elle se sente blessée que je l’aie remplacée par une de nos élèves, mais de là à me demander de coucher avec elle une dernière fois, franchement, elle abuse. Et puis, elle croit quoi ? Que je vais oublier Joy juste parce que j’ai une relation sexuelle avec elle ? Je ne suis même pas sûr de pouvoir être excité en sa présence… Je n’ai que ma jolie brune en tête. Et c’est d’ailleurs elle que je vais retrouver dans notre chambre. Elle s’est réfugiée sous la couette et elle serre contre sa poitrine son oreiller. J’ai l’impression qu’elle essaie d’éviter de craquer et de se mettre à pleurer et, de la voir comme ça, mon cœur se serre.

— Ça va, Joy ? Je suis désolé que tu te retrouves au milieu de cette histoire…

Je vais m’asseoir à côté d’elle dans notre lit et tends les bras vers elle. Elle vient s’y réfugier et colle sa tête contre mon torse sans rien dire dans un premier temps. Je m’inquiète vraiment pour elle mais je respecte son silence jusqu’à ce qu’enfin, elle se décide à s’adresser à moi.

— Tu t’entoures vraiment de folles, c’est pas possible, marmonne-t-elle. Ça me fait me poser des questions sur ma santé mentale, franchement. Tu les trouves où, tes meufs ?

— Au bar, pourquoi ? rétorqué-je en souriant. Je mate celles qui ont le regard un peu coquin, et tant pis pour leur santé mentale, moi, je ne m’occupe que de leur décolleté. Tu vois, pas difficile de me séduire, me moqué-je doucement. Tu vas t’en remettre, de cette rencontre ? Comme tu dis, elle est vraiment folle.

— M’en remettre ? De son ultimatum pourri ? J’ai envie de lui faire manger ses chaussons de danse, ouais ! Qu’est-ce qu’on va faire ?

— Ah oui, on peut faire ça… Tu lui fais manger ses chaussons pendant que je m’occupe de lui démonter sa tête de nœud. A deux, on aura vite fait de lui régler son compte. Et ensuite, on se barre aux Caraïbes où on vivra d’amour et d’eau fraîche. Ça te va comme programme ?

J’espère que ma réponse la fera au moins un peu sourire, mais ce n’est pas gagné. Elle me serre plus fort contre elle mais ne me regarde toujours pas.

— L’idée est bien plus tentante que de t’imaginer forniquer avec elle, en tous cas… Et le pire, c’est qu’il faut vraiment y réfléchir.

— Si tu savais comme je n’en ai pas envie non plus, mais c’est peut-être le seul moyen d’acheter son silence. Tu imagines les conséquences si elle va raconter ça à tout le monde ? Tu serais expulsée de l’école… Ou alors, on pourrait plaider l’abus de faiblesse… Moi, je suis quand même un gros monstre qui a menti pour t’amener dans son lit, toi, la pauvre petite jeune femme sans défense…

— C’est vrai que tu as été particulièrement lourd au bar, rit-elle doucement. Mais hors de question de faire ça, qu’est-ce que ça changerait ? Je serais toujours à l’école ? Magnifique. Et toi, dans tout ça ?

— Moi, je t’ai dit, tant pis pour l’ESD. J’ai fauté, je mérite ma sanction, et basta ! m’emporté-je. Je ne vais quand même pas aller coucher avec mon ex juste pour qu’elle ferme sa gueule ! Qui nous dit en plus qu’elle ne va pas en demander plus ? Tu imagines si elle demande que je fasse ça toutes les semaines ? Je ne suis pas un gigolo et il n’y a qu’avec toi que je veux être !

Mon emportement a au moins le mérite de lui faire lever le regard vers moi et nos yeux se rencontrent. Dans les siens, j’y lis une certaine résignation et beaucoup de tristesse. Que je déteste la voir comme ça !

— Je sais bien, mais… Enfin, tu connais Elise mieux que moi. Je te rappelle que j’ai plaidé ta cause auprès d’elle en cachant notre relation. Tu crois vraiment qu’elle va me laisser rester à l’ESD alors que je me suis foutue d’elle ? Dans le genre folle, elle est pas mal, elle aussi.

— Tu ne t’es pas foutue d’elle, tu t’es protégée, c’est tout. Et franchement, son règlement à la noix, il est complètement con. Je suis sûr que si on l’attaque avec Rafael, elle sera obligée de le changer. Qui sont-ils pour nous interdire de nous aimer ? Franchement, on peut bien coucher avec qui on veut, tant qu’on reste professionnels au sein de l’école. Mais ce serait bien de ne pas en arriver là. Tu me vois, toi, coucher avec Elizabeth pour acheter son silence ? Moi, de t’imaginer coucher avec quelqu’un d’autre, ça me donne des boutons et ça me met dans une rage folle…

Je contrebalance la violence de mes propos par de petites caresses sur ses beaux cheveux et ses épaules alors que nos regards ne se quittent pas, comme si cette connexion entre nous pouvait nous protéger du monde extérieur.

— Au-delà du règlement, on parle juste de déontologie, Elizabeth n’a pas tort et tu le sais. Si les gens savent qu’on a couché ensemble, qu’on est ensemble… Tu te rends compte que tout le monde va se demander si mes notes en contempo sont justifiées ou si tu m’as avantagée ? Enfin… C’est aussi toute notre crédibilité qui va être questionnée.

— Tu as vu comment j’ai critiqué tes pas et ton manque de concentration à de nombreuses reprises ? Tu crois vraiment que les gens vont remettre en cause ton talent à cause de ça ? Tu es la meilleure de ma classe, et je crois que tout le monde doit s’en rendre compte, non ?

Je n’arrive pas à imaginer que l’on puisse douter de ma déontologie, de mon professionnalisme. J’ai toujours été honnête et si Joy n’avait pas su danser, je lui aurais mis des mauvaises notes, même en couchant avec elle.

— Bien sûr, et tout le monde pensera que tu m’as donné des cours particuliers, ou je ne sais quelle connerie encore. Et puis, que ce soit la réalité ou pas, tu vois bien comment ton ex a pris la chose. Coucher pour réussir. Bienvenue dans la vie d’une femme, Alken. Tout le monde ne pensera qu’à ça, personne ne pourra imaginer qu’il s’agit simplement d’amour.

— Rassure-moi, tenté-je de détendre l’atmosphère. Tu couches aussi avec moi parce que je suis beau, hein ?

— Tu crois qu’on laisse la lumière allumée pourquoi, si ce n’est pour que je puisse admirer ta beauté ? sourit-elle.

— Bon, alors, on fait quoi ? On est d’accord sur le fait qu’il ne faut pas que ça se sache, sinon on est foutu. Il faut donc que j’accepte la demande d’Elizabeth. Mais comment passer au-dessus du dégoût qu’elle m’inspire ? Et comment croire qu’elle s’arrêtera là ? J’ai horreur que quelqu’un me fasse chanter… Je préfèrerais tellement qu’on me fasse danser…

— Je n’ai aucune envie que tu couches avec Elizabeth, murmure Joy en détournant les yeux. Mais… Enfin, je ne vois pas d’autre solution. Lui faire manger ses chaussons ne changera pas grand-chose au fond du problème...

— Tu crois que Kenzo pourrait faire l’intermédiaire et la faire fléchir ? Pour son fils, elle ferait peut-être des choses qu’elle ne ferait pas pour nous… Mais ça voudrait dire tout expliquer à Kenzo et le mettre dans une situation inconfortable…

— J’ai beau ne pas du tout apprécier ton ex, on ne peut pas faire ça, Alken. Tu imagines ce qu’il penserait de sa mère ? Non… Non, il faut qu’on règle ça de notre côté, tu ne crois pas ?

— Mais j’en sais rien, moi. Tout ce que je sais, c’est que je t’aime, que je veux vivre mon amour avec toi, que je veux que le monde nous laisse tranquille et qu’ils aillent tous se faire voir s’ils ne sont pas contents !

Je sais que je m’énerve pour rien, que Joy est d’accord avec moi, mais j’ai du mal à me contenir. Ma jolie brune, qui me connaît vraiment très bien, sent que je suis en train de perdre mon calme et elle pose ses mains sur mes épaules et m’embrasse tendrement, ce qui a comme résultat de me calmer immédiatement.

— Désolé, Joy, je sais que ce n’est pas de ta faute. Je suis désolé… Mais cette situation m’énerve.

— Je sais, Chéri, soupire-t-elle en venant poser à nouveau ses lèvres sur les miennes. Bien, on dit à Elizabeth d’aller se faire voir. Et… On voit ce que ça donne ? De toute façon, si ni toi ni moi n’envisageons de répondre favorablement à son ultimatum à la con, on n’a pas d’autre choix que de laisser venir.

— Franchement, Uncle Tim et Aunt Suze, je crois que je serais prêt à les mettre sur le bûcher de l’Inquisition et à les faire brûler lentement, à petit feu pour que leur supplice dure longtemps. Dans quelle merde ils nous foutent ces deux cathos… C’est eux qu’on devrait envoyer coucher avec Elizabeth pour qu’ils soient damnés à tout jamais !

J’ai vraiment du mal à garder mon calme. J’ai horreur de me trouver dans une situation où il n’existe pas de solution à mon problème. Là, quoi que je fasse, quoi qu’on décide, il y aura des conséquences négatives. Et c’est le genre de choses qui a le don de me mettre en rogne.

— Tu crois qu’ils seraient du genre à coucher pour autre chose que pour concevoir ? pouffe-t-elle. Je doute que Suze apprécie de voir son parfait époux fricoter avec une autre. Mais… Tim accepterait peut-être, une coincée pour une autre, magique. Enfin, de ce que j’ai compris, Elizabeth n’est pas si coincée que ça au lit…

— Je peux te dire que tu n’as pas de soucis à te faire. Je n’ai jamais joui avec elle comme je le fais avec toi, Joy. Ne doute jamais de ça, elle a enjolivé les choses pour te rendre jalouse et semer la zizanie entre nous.

— Ouais, mission accomplie pour elle, bravo, elle est futée, cette dinde, marmonne Joy en me serrant plus fort contre elle.

— Je t’aime, Joy, et je crois que c’est tout ce qui est important. Au moins, on est d’accord sur le fait qu’on ne va pas répondre favorablement à la demande de mon ex. C’est déjà ça. Essayons de dormir, la nuit porte conseil, comme on dit. Et sinon, demain, après les cours, j’irai voir Elizabeth et je lui dirai que nous refusons sa proposition. Advienne que pourra.

— Moi aussi, je t’aime, Alken, répond-elle avant de se lover contre moi. Bonne nuit, mon Chéri.

J’éteins la lumière et, comme Joy, je mets une éternité à m’endormir. Nous profitons de ces derniers instants de tranquillité, le calme avant la tempête, mais, pris dans nos pensées, nous ne parvenons à trouver le sommeil qu’après de longs moments où tout tourbillonne dans nos esprits. C’est peut-être le dernier jour de notre vie cachée. Qui sait de quoi demain sera fait ?

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