41. Cascade d'émotions

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Joy

Peut-on être plus heureux qu’à cet instant ? Un weekend à deux mêlant notre passion commune pour la danse et notre vie de couple, la beauté de la ville de Nice à celle de notre amour ? Alken a en partie raison, l’air de Nice me rend d’autant plus romantique. Mais il est sans aucun doute la cause principale de cet élan d’amour supplémentaire. Lui. L’homme, le danseur, le petit-ami, ce tout qui me fait chavirer à chaque instant et me conforte quotidiennement sur le fait que le risque en vaut la chandelle. Je suis folle de lui, difficile de le nier, ce serait mentir que de dire le contraire, et comme le disait Edith Piaf, je ne regrette rien. Mon comptable me comble de joie, et c’est d’autant plus vrai alors que nous déambulons dans les rues de Nice, main dans la main, en toute simplicité et sans avoir à être aux aguets d’une possible rencontre qui mettrait à mal nos carrières. Nous sommes juste Alken, Irlandais canon, et Joy, petite amie totalement niaise, autant émerveillée par cette ville qu’elle découvre que par cet homme qui l’accompagne.

Après avoir dîné dans un petit restaurant au patron sympathique et à la cuisine délicieuse, nous regagnons l’extérieur et décidons de profiter de ce début de soirée des plus agréables. Nous nous promenons entre les superbes bâtiments du vieux Nice, dans d’étroites ruelles bondées de visiteurs où nous ne sommes rien de plus que des inconnus, qu’un couple comme un autre. Il ne fait pas très chaud, mais le temps n’a rien à voir avec celui du Nord et nous ne pouvons que profiter. Alken connaît bien le coin et me guide avec assurance, me parlant de la ville et de ses nombreux passages ici, enfant en vacances avec ses parents.

— Il va vraiment falloir que tu me montres des photos de toi enfant, Alken, souris-je. Je suis curieuse de voir ta bouille. Surtout que tu as déjà eu l’occasion d’en voir de moi à mon époque rondouillette, c’est plutôt injuste.

— Je ne suis pas sûr d’avoir beaucoup de photos de moi gamin, répond-il un peu tristement. Peut-être que Suzanne ou Tim en ont, mais après ce qu’ils ont fait, je ne me vois pas les recontacter pour en demander. Il paraît que j’étais un joli cœur en tous cas, tombeur de toutes les demoiselles !

— Pourquoi est-ce que ça ne m’étonne même pas ? Quand on te regarde, difficile d’imaginer autre chose qu’un gamin tout mignon qui fait s’arrêter les passantes, ou le gosse pour qui les petites filles se chamaillent déjà.

C’est vrai, même ici, je peux voir le regard appréciateur des femmes sur mon amoureux. Si la jalousie n’est jamais loin, j’éprouve surtout beaucoup de fierté à me promener au bras d’Alken. Tant qu’elles n’approchent pas trop, ça va. Et puis, j’ai beau manquer de confiance en moi sur tout ce qui touche aux relations amoureuses, j’en ai conscience, quand je vois les regards dont me gratifie cet homme, je ne peux qu’être rassurée à ce propos. J’ai dépassé la peur de n’être qu’une distraction pour lui, qu’un signe de crise de la quarantaine. Certains s’achètent des décapotables, d’autres se tapent une nana plus jeune qu’eux. Lui ne semble pas faire de crise et ça me convient bien. Peut-être que c’est son divorce, l’élément qui signifiait son passage dans la nouvelle dizaine.

Nous passons un moment à déambuler dans les ruelles et je remercie la danse pour la condition physique nécessaire qui me permet de ne pas finir totalement essoufflée et au bout de ma vie alors que nous montons encore et toujours plus haut en direction de ce lieu qu’il tient absolument à me faire découvrir.

J’entends l’eau de la cascade avant de la voir, mais mon sourire grandit encore, si c’est possible, en découvrant le panorama qui est offert à ma vue. J’oublie tout en découvrant la ville illuminée au crépuscule, la mer à perte de vue et l’ambiance qui règne dans ce lieu où passent touristes et locaux pour profiter d’un moment de calme, du sentiment d’apaisement qui monte indéniablement en moi malgré le bruit de l’eau qui chute derrière moi.

— C’est superbe, Alken, soufflé-je sans vraiment savoir où poser mes yeux. J’adore.

— C’est en effet un de mes endroits préférés dans la ville, m’indique-t-il en se collant derrière moi, une main sur ma hanche et l’autre qui montre le paysage au loin. On voit toute la baie des Anges jusqu’à l’aéroport. Tu vois là-bas, l’hôtel où on fait le concours ? Et puis la vieille ville que nous avons parcourue. Et là, le cours Saleya où nous avons mangé. Et puis, si tu regardes au loin, il y a la montagne qui domine la ville. C’est superbe…. Ne bouge pas, je vais te prendre en photo avec le panorama derrière.

J’aurais dû suivre son doigt des yeux et regarder ce qu’il me montrait, mais j’étais surtout happée par son regard pétillant et son sourire alors qu’il me décrivait le paysage. Je le laisse s’écarter de moi et continue ma contemplation du paysage, tentant de voir tout ce qu’il vient de me dire le temps qu’il sorte son appareil photo. C’est vrai que c’est magnifique et le bruit de la cascade derrière contribue à rendre l’atmosphère un peu magique.

— Joy, tu peux te retourner, maintenant, je suis prêt.

Je m’exécute et tourne le dos à la ville pour chercher mon amoureux du regard. Mon cœur s’emballe quand j’ai la surprise de le trouver. J’ai du mal à détacher mes yeux des siens tandis qu’il affiche un air moins assuré qu’à l’ordinaire, presque stressé, mais je ne peux faire autrement que de le détailler alors qu’il a posé un genou à terre. J’ai l’impression que mon cœur veut sortir de ma poitrine tant il bat fort, et je suis presque sûre qu’Alken pourrait l’entendre si la cascade n’était pas si proche. Il est fou, j’ai du mal à croire qu’il va vraiment faire ça maintenant, qu’il est sur le point de nous faire franchir un nouveau cap. J’en perds mes mots, je dois avoir l’air stupide, immobile au beau milieu des passants dont certains nous regardent à présent, bien loin de l’anonymat que nous avons partagé jusque là.

— Alken, je… Mais… Qu’est-ce que tu fais ? bafouillé-je bêtement.

— Joy, tu vas sûrement croire que je suis fou, que je brûle les étapes et que ce n’est pas du tout raisonnable, mais je voulais profiter de cette Saint Valentin pour te confirmer que, depuis que je t’ai rencontrée, je ne suis plus le même homme. Depuis ce soir où nos chemins se sont croisés au Nouveau Départ, ça a été un nouveau commencement pour moi. Je t’aime, Joy. Plus que tout au monde et je sais que c’est avec toi que je veux passer le reste de ma vie. Je… hésite-t-il un peu alors que les battements de mon cœur s’intensifient encore. J’espère que toi aussi, tu partages ces sentiments et cette envie de ne plus jamais nous séparer et c’est pour ça que j’ai l’honneur de te demander ta main, ma Chérie. Je veux que nous devenions mari et femme et que nous puissions affronter les épreuves et les bonheurs de la vie, ensemble. Alors, Joy Santorini, je te le demande formellement : Veux-tu m’épouser ? conclut-il en me présentant une bague dans un petit écrin.

Ses yeux qui ne quittent pas les miens sont remplis d’amour et de fébrilité. Je pense qu’il a vraiment peur que je refuse sa demande et j’en viens presque à m’interroger sur ce qui pourrait lui laisser croire que je ne veux pas de tout cela avec lui. Est-ce que j’hésite vraiment ? Y a-t-il seulement une raison d’hésiter ? Cet homme a bouleversé mon monde de la plus belle des manières et je ne peux m’imaginer un après Alken O’Brien, il devrait le savoir.

— Bien sûr que je veux t’épouser ! Il faudrait vraiment être cinglée pour refuser une telle chose, ris-je, toute émue en me baissant pour l’embrasser avec passion.

Il répond à mon baiser avec une passion renouvelée et je sens la pression qu’il ressentait retomber. Il me serre fort et quelques passants nous applaudissent alors que tout s’inscrit dans ma mémoire, le panorama sur la ville de Nice, le bruit de l’eau de la cascade, la chaleur de son corps contre le mien, la luminosité du ciel avec le soleil couchant. Le moment est parfait et je me sens submergée par une vague de bonheur. Alken s’écarte un peu et attrape ma main gauche. Il y passe une petite bague simple en or, avec un petit diamant pas trop voyant, mais serti d’une petite boucle dorée qui l’enserre. Je ne sais pas comment il a fait, mais la taille est elle aussi juste ajustée à mon doigt.

— Je t’aime Joy et je suis ravi que tu aies dit oui. Je crois que c’est le jour le plus beau de ma vie, continue-t-il, sa voix chargée d’émotions.

— Je t’aime tellement, Alken, murmuré-je, tout aussi chamboulée. Je ne m’y attendais pas du tout. Tu es fou et j’adore ça, danseur de ma vie. Tu n’imagines même pas comme je t’aime.

— J’avais trop peur que tu me dises que tu n’étais pas prête, que tu n’étais pas sûre, ma Chérie. J’aurais patienté, c’est sûr, mais je suis tellement heureux que tu aies dit oui. On ne va pas faire le mariage tout de suite, c’est sûr, mais au moins, on va pouvoir réfléchir et essayer de le planifier pour quand tu auras ton diplôme et qu’on sera libres de s’aimer. J’ai tellement hâte d’arrêter cette mascarade de devoir vivre cachés.

Moi aussi, j’ai hâte. Je n’en peux plus de devoir faire attention à tout, d’être confrontée à des situations comme celle avec Elizabeth. Et puis, j’ai envie de crier haut et fort à qui veut bien l’entendre comme j’aime cet homme et comme j’emmerde le monde de nous priver de cette possibilité. Que malgré ce fichu règlement, malgré cet interdit stupide, nous nous aimons et nous jouons de tous ou presque. Qu’ils peuvent bien nous interdire ce qu’ils veulent, qu’il n’y a que notre amour l’un pour l’autre qui compte.

— Honnêtement, on en aurait parlé comme ça, sans envisager de le faire rapidement, je t’aurais dit que je n’étais pas prête, que… Le mariage n’est pas important pour moi. Mais te voir là, devant moi, nous imaginer mari et femme, il faudrait être stupide pour refuser. C’est une magnifique surprise, mon Amour, je crois que j’ai du mal à réaliser.

— Heureusement que tu n’es pas stupide, alors, sourit-il amoureusement. Quand on rentrera, tu pourras dire à Kenzo qu’il va vraiment pouvoir t’appeler Belle-Maman, maintenant. Mais avant ça, il faut immortaliser ce moment magique, ajoute-t-il en m’attirant contre lui et en ajustant la hauteur de son téléphone pour nous cadrer dans l’image avec la cascade derrière nous.

Je lève ma main gauche afin que l’anneau apparaisse aussi et nos larges sourires illuminent cette photo, la première depuis que je suis officiellement sa fiancée. C’est fou, j’ai encore du mal à y croire. Qui aurait cru que de cette rencontre au bar, cette drague à la fois excitante et amusante, naîtrait une telle passion ? Le Nouveau départ porte bien son nom, je crois, et nous avons ouvert un nouveau chapitre ensemble que nous remplissons quotidiennement de danse, de rires, d’amour et de passion.

— On a encore beaucoup à visiter ? lui demandé-je. Parce que… Si jolie Nice soit-elle, là, maintenant, j’ai vraiment très envie de rentrer à l’hôtel et de faire l’amour avec mon fiancé. Qu’est-ce que tu en penses ?

— Je crois que j’ai les mêmes envies que toi, Joy. Comme toujours. Et pour toujours.

Je m’accroche à son cou et le gratifie d’un baiser enflammé qui nous laisse tous deux essoufflés avant que nous ne prenions le chemin en sens inverse, nous hâtant comme deux enfants pressés de découvrir le sapin de Noël englué sous une tonne de cadeaux. Certes, nous ponctuons le trajet jusqu’à l’hôtel de quelques arrêts destinés à assouvir ce besoin que nous avons de nous embrasser encore et encore, mais nous ne tardons pas à nous engouffrer dans le bâtiment. Les vêtements volent, les caresses pleuvent, l’amour suinte de chacun de nos pores et la jouissance est toujours aussi vertigineuse. Avec Alken, je vis tout à deux cents pour cent, et j’espère connaître ça toute ma vie. C’est vêtue de mes plus beaux apparats que je m’endors, satisfaite et pleinement heureuse. Une bague de fiançailles et le corps de mon homme, que demander de plus ?

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