Epilogue 2/2 : Joy to the World

7 minutes de lecture

Joy

Je souris lorsqu’Alken se gare sur le parking et le retiens pour me lover contre lui alors que Théo et Kenzo entrent déjà à l’intérieur et les sifflets se font entendre. Voici un peu plus de deux ans que mon comptable et moi nous sommes rencontrés derrière ces portes, et mes souvenirs sont frais comme si c’était hier, même si j’ai l’impression d’avoir vécu une vie entière ces derniers mois. Deux ans… Jamais je n’aurais cru évoluer à ce point durant ma formation à l’ESD, rencontrer l’amour, me marier. Parfois, je regarde derrière moi et je peine à réaliser.

— J’ai presque envie de revivre ta drague lourde, quand je regarde le Nouveau Départ… Et j’adore que tu aies eu l’idée de passer la soirée ici plutôt que dans un hôtel huppé ou je ne sais quelle salle bling-bling.

— C’est quand même ici que tout a commencé, ma chérie. Et Roan était convaincu que le spectacle allait marcher. On lui doit bien ça, de ramener du monde chez lui pour fêter ce beau succès !

— Prêt ? Je crois qu’on ne va pas se revoir avant la fin de la soirée, ris-je. Elise va t’accaparer, ma mère te faire du gringue en m’ignorant, et tout le monde va vouloir parler à l’homme merveilleux qui a concocté ce beau spectacle… Tu vas survivre sans moi ?

— Ne me quitte pas, se met-il à chanter. Tout peut s’oublier, mais pas notre Amour !

Je ris et lui offre un baiser enflammé, ponctué de caresses appuyées, qui nous laisse tous les deux légèrement étourdis.

— Ça, c’est pour que tu te souviennes de ce qui s’est passé dans la loge tout à l’heure, si jamais tu te fais trop draguer là-dedans. Je suis sûre que mes anciennes camarades de promo rêvent encore de t’arracher à moi, alors je garde un œil sur toi, Monsieur O’Brien, fais gaffe.

— Il n’y a pas de risque que j’oublie, Mademoiselle j’ai oublié ma culotte ! Je t’aime, Etoile de mon cœur.

— Mademoiselle ? m’exclamé-je, faussement outrée en lui montrant mon alliance. Tu perds déjà la mémoire ? Est-ce que je dois me faire du souci pour toi ?

— Madame O’Brien, après vous, je vous en prie. Je n’ai pas de problème de mémoire, c’est juste que tu me fais perdre la tête !

Est-ce que je suis heureuse ? Pleinement. C’est fou comme être avec cet homme me comble. Partager une conversation avec lui, rire, plaisanter, se taquiner… Sans parler de s’aimer, de danser ensemble, tout ça, c’est bien plus que je n’aurais osé espérer, et c’est avec un sourire jusqu’aux oreilles et sa main enveloppant la mienne que nous entrons tous deux dans le bar, où nous avons nous aussi droit à un accueil chaleureux. Comme je le pressentais, Alken est accaparé par Elise et je me retrouve à voguer de bras en bras, d’étreinte en étreinte, et les félicitations pleuvent. C’est vrai que notre spectacle est beau, et nous avons beaucoup travaillé pour ça. Alken n’a pas compté ses heures, Kenzo s’est montré très impliqué, Théo et moi davantage dans la retenue, peut-être parce que c’est sur scène que nous créons plutôt que sur papier, mais aussi et surtout parce que nous avons adoré nous installer sur la terrasse, tous les deux, et observer nos amoureux respectifs échanger avec passion leurs idées. Danser avec eux trois, c’est juste parfait.

— Oh mon bébé, tu étais tellement belle !

Mon père me prend dans ses bras et m’enserre au point de m’étouffer. Ses yeux embués rendent les miens humides et je me délecte de recevoir tant de compliments alors qu’il débriefe le spectacle comme s’il préparait un article spécialisé. Il est vraiment adorable, et bien loin de la fraîcheur de ma mère qui me prend dans ses bras avec beaucoup plus de retenue. Evidemment, un cheval sur scène, une femme seule avec trois hommes, rien de classique comme elle aimerait.

— Je suis contente que vous soyez venus, tous les deux. C’était juste… Génial d’être sur scène, j’ai encore l’estomac qui fait des loopings !

— Pas étonnant, vu les mouvements que vous avez faits, persifle ma mère. C’était d’une indécence…

— Chérie, ta fille est une star, reconnais-le au moins ! Elle était superbe !

— Oh, Maman, je peux t’assurer que ce qu’Alken et moi avons fait dans la loge après le spectacle pour fêter ce succès était bien plus indécent que le show en lui-même, la provoqué-je.

Je ris devant la mine déconfite de ma mère et pars en fou-rire total lorsque Kenzo passe ses bras autour des épaules de mes parents, tout sourire.

— Papy ! Mamie ! Quel plaisir de vous voir !

— Mais nous ne sommes pas tes grands-parents ! s’indigne ma mère alors qu’il éclate de rire à son tour.

— Par alliance, c’est tout comme, Maminette, enfin !

— Kenzo, laisse ma pauvre mère tranquille, tu vas lui creuser des rides !

Oui, j’ai trouvé le meilleur des alliés en la présence de Kenzo pour enquiquiner ma mère. Théo n’est jamais allé jusqu’à la provoquer, il a toujours été d’un total soutien avec moi, mais il ne se permettait pas de chercher ma mère. Le fils d’Alken, lui, n’y va pas de main morte, et si ma mère est choquée quasi systématiquement, mon père, lui, rit de bon cœur et l’adore. Même s’ils ont eu du mal à accepter ma relation avec Alken, tous deux font avec, et mon père l’apprécie même s’il a du mal avec notre différence d’âge. De toute façon, c’est simple : c’est soit nous deux, soit personne. Je n’en démords pas, et ça passe.

Je m’éloigne un peu et prends le temps d’observer la foule à la recherche de mon mari. J’adore l’appeler comme ça, c’est sans doute un peu niais, mais ça me plaît. Et je ne suis jamais aussi excitée que lorsqu’il m’appelle sa femme… Chacun ses petites obsessions. En attendant, je peine à le trouver, mais un éclat de rire sort de ma bouche lorsque je le repère, installé à sa place. Au bar, comme au début. Il discute avec Mohammed Benkali, mais nos yeux se trouvent à travers le miroir en face de lui, et comme toujours, mon cœur rate un battement. C’est dingue qu’il me fasse toujours autant d’effet, que j’aie toujours autant envie de le retrouver, comme si c’était la première fois, comme si tout était nouveau et beau. C’est moins nouveau, mais ça reste tellement beau… Je ne dis pas que tout est parfait, il nous arrive de nous chamailler, mais nous ne nous endormons plus fâchés, jamais.

Je fends la foule en voyant Roan se diriger vers lui derrière le bar que je contourne en attrapant le torchon qu’il a sur l’épaule.

— Laisse, Roan, je m’occupe de lui, souris-je en me tournant vers Alken. Smith, qu’est-ce que je te sers, ce soir ?

— Une eau pétillante citronnée, Joy, répond-il en souriant. J’espère qu’elles sont toujours au même endroit.

— Je vais vérifier ça tout de suite, lui lancé-je en me retournant pour me pencher et ouvrir le petit frigo.

Evidemment, je ne peux croiser son regard dans le miroir puisqu’il est très concentré sur mon postérieur… Cet homme ! Deux ans et quelques, et rien n’a changé. Toujours aussi obsédé.

— Tu m’offres un verre ? lui demandé-je en regardant par-dessus mon épaule.

— Tu finis bientôt ton service ? Si c’est le cas, on peut le prendre chez moi.

Je remplis deux verres avant de me retourner et de les déposer devant lui, puis m’accoude au comptoir pour me pencher davantage vers lui.

— Plus hauts, les yeux, Smith le comptable, souris-je en relevant son menton avant de pointer du doigt son alliance. Chez toi ? Ta femme n’y est pas ?

— Non, elle est en train de se faire draguer par un comptable déjà amoureux, je crois.

— Quelle vilaine femme ! Et puis, un comptable, c’est d’un ennui mortel. Tu as encore un peu d’énergie, Monsieur mon mari ?

— Oh oui, j’ai encore plein d’énergie ! Tu comptes quoi ? Me faire danser encore ?

— Je confirme, fais-moi danser, soufflé-je en contournant le comptoir alors que Théo, qui s’est auto-proclamé DJ pour la soirée, vient de mettre une danse latine parfaite pour une Salsa endiablée. Tu m’invites ou j’envoie valser les convenances ?

— Madame ma Femme, on s’en fout des convenances ! Je te suis !

Je souris et attrape sa main pour l’entraîner au beau milieu de la foule. Il n’y a pas tant de monde que ça, en vérité, juste nos amis, ma famille, des connaissances de l’ESD et des amis danseurs d’Alken, mais le Nouveau Départ n’a jamais été aussi plein, si bien que nos premiers pas se font en collé-serré forcé. Je ne m’en plains pas j’adore être lovée contre Alken, mais les gens mettent quelques secondes à comprendre qu’on ne fait pas que parler et s’écartent un peu pour nous permettre de danser. Danser… C’est ce que nous faisons quotidiennement pour notre travail, mais aussi un peu partout à la maison. Quelques pas dans la cuisine lorsque la radio est allumée, dans la salle de bain quand il me rejoint pour se brosser les dents, sur la terrasse, lorsque nous profitons des lumières de la ville une fois la nuit tombée… Danser rythme notre vie, et c’est tout naturellement que nos corps s’imbriquent et se répondent au beau milieu du bar, que son sourire reflète le mien lorsqu’il me fait tourner et me récupère tout contre lui… Si nous nous sommes rencontrés sans savoir que nous avions cette passion en commun, elle a renforcé cette attirance que nous n’avons pas réussi à réprimer, et elle nous entraîne toujours dans des moments de bonheur inquantifiable. Lui et moi avons deux façons bien à nous de faire l’amour, et cette Salsa, doux rappel de nos débuts en tant que couple de danseurs, me comble tout autant que lorsque nous ne sommes que tous les deux, nus et imbriqués l’un dans l’autre.

Vivre d’amour et de danse avec cet homme, c’est mordre la vie à pleines dents, et j’adore ça. Et je ne peux m’empêcher d’éclater de rire quand il monte sur la table et crie à tout le monde : “I’m the King of the World ! I dance with Joy !”

Annotations

Vous aimez lire XiscaLB ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0