En route vers Orles

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 Ils ne tardèrent pas à se préparer pour reprendre la route. Kelvin et Elisabeth se mirent à deux pour remettre les sacs volés dans le chargement du véhicule tandis que Minos et Maya rassemblaient leurs maigres affaires de voyage. Comme ils étaient plus petits, ils avaient prévu de prendre place à l’arrière alors que Kelvin irait s’asseoir à côté de leur nouvelle amie. Avant de partir, cette dernière tendit à chacun un gobelet en terre cuite dans lequel se trouvait un étrange breuvage noir comme la nuit.

 — Qu’est-ce que c’est ? demanda Kelvin en reniflant sa chope.

 — C’est mon fameux produit secret ! Ce qui ne devrait pas tarder à me rendre riche !

 — ‘Est ‘aud ! s’écria le brigand qui venait de gouter.

 — Évidemment, tronche de puphant ! Faut faire bouillir l’eau, mais c’est meilleur comme ça !

 — Mais c’était pas du poison ? intervint Minos, l’air décontenancé.

 Le célèbre bandit recracha la gorgée qu’il venait de mettre en bouche, s’attirant le regard noir de la marchande. Maya, qui s’apprêtait à essayer, se retint, attendant des explications. Cependant, l'odeur capiteuse qui s’échappait du liquide brûlant était plutôt une invitation au plaisir qu’au supplice.

 — Mais non, enfin ! C’était juste pour gagner du temps et essayer de manipuler les autres tocards !

 — On vous entend, hein ! s’écria la voix étouffée du chef de la bande, le visage toujours caché par le sac en toile.

 Roulant des yeux, Elisabeth se dirigea calmement vers Acamas et le poussa en arrière avec une pression de son pied. Il tomba sur le dos et Minos éclata de rire.

 — Ce sont des grains d’arabicae, un arbuste d’Assyr. Lorsqu’on les moud et qu’on les plonge dans de l’eau chaude, ça donne ce que vous avez en main. C’est une boisson tonifiante, qui garde éveillé et qui donne de l’énergie pour la journée. C’est déjà devenu populaire dans quelques villes et notre Empereur en a même commandé un bon stock. Je compte faire pareil ici.

 Les yeux plissés, Kelvin observa à nouveau le contenu de son gobelet, perplexe. Maya, elle, se risqua à goûter la décoction. Le liquide lui réchauffa la langue et la gorge tout en s’accompagnant d’un agréable goût. Maya resta quelques secondes les yeux fermés pour en apprécier pleinement la saveur. Puis elle hocha la tête quand elle vit le regard interrogateur d’Elisabeth. La muette appréciait la boisson et Kelvin semblait y prendre goût, même si c’était à coup de toutes petites gorgées. Minos, par contre, fit une grimace en avalant une première lampée et préféra donner le reste au bandit.

 Leurs tasses vidées, le départ approchait. La boisson faisait effet, Maya se sentait particulièrement bien réveillée. Une fois tout le monde installé, Elisabeth ordonna à ses domrochs de se mettre en route. Ils devaient d’abord quitter la surface agricole pour retrouver la route pavée sur laquelle ils avanceraient bien plus vite.

 En chemin, Elisabeth leur posa quelques questions. Elle souhaitait savoir ce qu’ils faisaient sur les routes et ce qu’ils recherchaient à Orles. Un silence un peu gêné lui répondit avant que Kelvin ne le brise. Il inventa une histoire selon quoi ils avaient été attaqués par des bandits d’une célèbre bande de Lebey, perdant ainsi toutes leurs possessions. Ils devaient se rendre à la grande ville à la recherche d’un de ses amis qui pourrait leur venir en aide financièrement. Tout au long du récit, Maya surveilla les traits de la marchande. Manifestement, elle n’était pas dupe. Mais à leur grand soulagement, elle ne posa pas plus de questions.

 — Et vous, qu’est-ce que vous allez faire à Orles ? demanda Minos pour changer de sujet.

 — La loi de Baracote, énonça-t-elle simplement, avant de reprendre face aux trois expressions circonspectes qui la fixaient. C’est une loi de votre pays. Pour être commercialisés, les produits nouveaux doivent passer une sorte de test. Je dois présenter mes grains à trois Consuls et obtenir d’eux une preuve officielle qu’ils y ont gouté ainsi que leur avis sur le sujet. En vérité, j’en ai déjà quatre, parce que je suis passée à Nemau, Novodium, Autric et Leonne auparavant. Mais avec cinq signatures, je compte faire sensation auprès de votre Impératrice.

 — C’est un drôle de nom, cette loi…

 — C’est à cause des gousses de Baracote. Un poison mortel qui a été présenté à l’Impératrice Lucrèce II par sa fille, Belladona. Un fruit que les Safraniens ne connaissaient pas et l’Impératrice en est morte. Son héritière a érigé cette loi pour se protéger elle-même par la suite.

 — En gros, pour éviter de se faire empoisonner, ils préfèrent que ce soit leurs consuls qui y passent ?

 — C’est ça, les gros bras.

 Derrière, Maya frissonna. On lui avait un peu parlé de la famille impériale du pays, les Lucrétiens, et de leur curieuse affinité avec les poisons. Cela lui rappela aussi qu’elle avait tout un guide sur les plantes du pays dans sa caisse à pharmacie. Avec les découvertes de Leonne et leur fuite de Lebey, elle n’avait pas encore eu le temps de le feuilleter plus en détail. Maintenant qu’ils voyageaient avec la marchande, c’était l’occasion où jamais de parfaire sa culture botanique. Aussi se saisit-elle de ses parchemins reliés pour entamer sa lecture.

 Dans les notes de la vieille apothicaire, Maya fit quelques découvertes intéressantes. Les baies de curseau, par exemple, étaient le médicament par défaut pour combattre tout type de fièvre. La brussette, une plante à la longue tige rampante et parsemée de petite fleurs noires était le remède recommandé en cas de souci urinaire. Un remède qui ne serait pas difficile à se procurer car la plante poussait sur les rebords de la route. Sur une face entière, Madame Cardamome mettait en garde contre différentes plantes, comme les baies de barbottes. Kelvin leur en avait déjà ramenés, mais Maya les ayant reconnues, leur avait éviter à tous de pénibles épisodes de diarrhée.

 Elle découvrit par la suite toutes sortes de plantes qui n’avaient rien de médicinales. Elles étaient classées comme « insolites ». De nombreuses plantes carnivores, de tailles diverses, lui donnèrent des sueurs froides. Lire que l’Empifrae était capable de se suspendre aux branches pour fondre sur ses proies ne la rassurait pas. Moins dangereuse, la fleur d’écho, dont les feuilles formaient un cornet répétait pendant quelques jours ce qu’on criait bien fort à l’intérieur. Une plante qui restait cependant très rare, ne supportant pas la lumière du soleil.

 Puis il y avait les floracanon, décrites comme propulsant dans le ciel des boules de pollen lacrymogène afin d’assurer la pollinisation. Ensuite, les fouettissants, des buissons qui ressentaient les mouvements et agitaient des lianes puissantes et garnies d’épines. Et enfin ces étranges racines qu’on disait capable de sortir de terre pour se replanter autre part quand elles se sentaient à l’abri des regards. Plus elle en lisait, plus Maya doutait de la véracité des propriétés décrites, tant certaines semblaient invraisemblables.

 Au terme de sa lecture, la muette entreprit de faire l’inventaire des plantes qu’elle avait à disposition. Ainsi, elle serait prête à un maximum d’éventualités pour la suite, et pourrait peut-être demander une pause s’ils trouvaient un végétal susceptible de l’intéresser.

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