Iniziare a imprare l'italiano
Arrivée quelques minutes en retard selon sa spécialité, elle entend les murmures à travers la porte entrouverte de la salle dans laquelle le cours a déjà commencé. Encore essoufflée d’avoir monté en courant les marches vainement pour être à l’heure, elle ressent l’humidité de la transpiration sous son haut en matière synthétique. Quelle idée encore d’avoir choisi celui-ci ! Elle revoit ses années de collège à courir dans le couloir avant de toquer à la porte de la classe en nage, le retard probablement dû à un service du self de la cantine trop long.
Elle reprend son souffle, deux à trois inspirations courtes et profondes par le nez, suivies de longues expirations par la bouche. Elle frappe à la porte puis elle entre et son regard parcourt l’ensemble des participants. Les tables sont installées en “U” afin de rendre moins magistral le cours proposé mais aussi pour mettre à l’aise les participants et qu’ils communiquent mieux. Les mots français prononcés et mélangés avec ceux dits dans un italien approximatif s’évanouissent de la bouche de l’élève qui était en train de se présenter. Toutes les personnes présentes se taisent et la fixent. Le moment l’intimide. La professeur, une petite femme aux cheveux bouclés bruns et à la silhouette en sablier, prend la parole avec un accent fort roulant les “r”:
- Buongiorno, vous êtes Ambre ? Acquiescement empressé de l’intéressée. Vous pouvez-vous asseoir, nous sommes en train de présenter l’ensemble de la classe de cette année. Ambre répond un faible bonjour à l’assemblée qui lui répond aussi timidement.
- Andate Liliane. Reprenez.
Ambre s’installe en enlevant sa veste, elle sort de son sac trousse et cahier vierge qu’elle pose sur la table. Elle observe un par un ses nouveaux camarades de classe qui font de même. Elle comprend que les deux élèves assises de part et d’autre d’elle se sont déjà présentées : à sa droite, une femme d’une cinquantaine d’année, brune, les cheveux très courts, se tenant bien droite, très apprétée; à sa gauche, une femme du même âge, blonde, les cheveux semi-longs vauguement peignés, dégageant une attitude très mère de famille débordée.
Pendant ce temps, la dite Liliane reprend sa présentation avec moults hésitations. Il s’agit d’une femme d’une soixantaine d’année, très maquillée, rondelette et aux formes généreuses. Elle explique qu’elle est passionnée par l’opéra depuis toute petite, que c’est par ce biais qu’elle a plongé dans la culture italienne. La professeure lui propose alors d’essayer les ateliers de chants proposés par l’académie.
Ambre observe les autres prénoms écrits sur les écriteaux faits de papiers posés devant chaque élève, elle ne peut toutefois pas voir celui de ses voisines immédiates. Il y a donc deux Liliane. La feuille de présence lui est distribuée par l’enseignante. Elle inspecte les noms et les prénoms écrits, aucun qu’elle ne connaît mais elle constate qu’il y a en fait trois Liliane la troisième étant absente.
La deuxième Liliane, une femme d’une soixantaine d’années également, au brushing coincé dans les années quatre-vingts et assise à côté de la première, prend ensuite la parole. Elle explique d’une voix affirmée et rapide qu’elle est ici pour parler italien car, quand elle part en vacances avec ses copines en Sardaigne, elle voudrait se faire comprendre par les locaux.
Vient ensuite Valeria, une jeune femme sur la fin de sa vingtaine, les cheveux longs attachés en queue de cheval entourant un visage rond aux jolies pommettes, ses lunettes sont grandes, rondes et leur monture épaisse et noire. Ambre se dit qu’elle doit être le profil de la femme-enfant timide plaisant à beaucoup d’hommes de son âge. Sa voix est douce et son accent espagnol détonne lorsqu’elle explique qu’elle travaille dans un restaurant italien de la ville, qu’elle prend ces cours afin de mieux parler avec ses collègues car elle s’est éprise de la cuisine transalpine, le tout en rougissant. Les autres élèves laissent échapper de petits rires étouffés, se doutant tous que la cuisine italienne n’est sûrement pas l’argument principal de la volonté d’apprentissage de la jeune femme.
Jean-Louis, un monsieur élégant d’une cinquantaine d’années, raconte ensuite qu’il a épousé une italienne de Bologne il y a maintenant plus de trente ans. Il comprend l’italien mais ne le parle pas et voudrait répondre à sa femme lorsqu’elle le dispute en italien. Les rires fusent dans la salle. Il confesse ensuite d’une voix douce qu’ils sont revenus en France après avoir vécu longtemps aux Etat-Unis, mais qu’attention “Ils ne sont pas trumpistes !” - nouveaux rires dans la salle - afin de s’occuper de la soeur de sa femme, gravement malade.
Le tour de table se poursuit par Michel, un vieux monsieur très fin, les yeux azur, à la voix chevrotante mais volontaire. Un silence respectueux s’installe lorsqu’il s’exprime. Il a appris l’italien très jeune, l’a parlé lors de sa jeunesse mais l’a oublié avec les aléas de la vie. A la retraite, ayant du temps et commençant à avoir des problèmes de mémoires, il a voulu s’inscrire afin de ré-apprendre la langue du pays qu’il chérit depuis plusieurs années mais aussi avoue-t-il, pour continuer d’entraîner son cerveau qui commence à rouiller.
La maestra invite ensuite Corinne à s’exprimer. Corinne, la cinquantaine fringante explique d’une voix très rapide et avec un engouement communicatif à quel point elle est passionnée par la culture de ce pays, notamment la nourriture, depuis un voyage que son ex-mari et elle avaient effectué à Florence. Elle avait d’ailleurs à la suite de ce séjour déjà pris des cours à l'institut, participé à de fabuleux ateliers de cuisine napolitaine mais n’avait pas pu poursuivre, son travail prenant trop de son temps. Mais depuis cette année, la retraite survenue, elle s’était dégagée plus de temps pour cette passion.
La professeure invite ensuite Ambre à se présenter. Celle-ci explique qu’elle a pris, comme la plupart de ses camarades, ces cours par passion pour le pays et sa culture, mais aussi pour le parler correctement lors des voyages qu’elle organise annuellement en Italie. L’institut lui avait d’ailleurs été chaudement recommandé par l’un de ses amis de son club de natation mais aussi par l’une de ses clientes.
L’enseignante les remercie tous et se félicite de la nouvelle classe dont elle va s’occuper cette année. Elle se présente ensuite : elle se nomme Giulia, elle est sicilienne et c’est pour cela qu’elle roule autant les “r”. Les élèves, tous plus détendus après avoir pris la parole chacun, rient de bon cœur tous ensemble. Jeune, Giulia a été professeur de français à Palerme, puis a rencontré un charmant jeune homme toulousain car “Oui, pour vous les français, l’italien est la langue de l’amour. Mais pour nous, c’est le français le romantique !” Nouvelle salve de rires. Elle développe ensuite leur départ vers la France à cause du nouveau travail de son mari, elle a ensuite été professeur de cours particuliers d’italien en France à Paris, puis elle a donné des cours de cuisine italienne dans le Sud-Est. Elle a ensuite enseigné dans une association aidant les jeunes défavorisés et enfin, “oggi”, elle a atterri à l’institut devant eux.
Annotations