Mon très cher,

Je sais que ça fait un moment que tu attends de mes nouvelles. J’imagine aussi que tu as compris mon silence. Je sais fort bien que maman t’a averti de mon choix de me couper de toi.

Près de 20 ans que je sais que c’est toi. Près que 30 ans que maman m’a tout avoué … sauf qu’il ne me manquait que le visage à mettre sur ce nom.

Quand je l’ai poussée à me dire ce nom. Je ne m’attendais pas à ce que ce soit toi.

Ses révélations, je ne les ai pas acceptées de suite, même si elles ne m’ont pas surprise. L’histoire qu’elle m’a racontée, je l’ai gobée naïvement jeune majeure que j’étais. Mais 30 ans se sont passés. Infidèle j’ai été et maintenant je comprends qu’elle m’a protégée pour ne pas casser mes rêves de petite fille et de prince charmant. On est d’accord que le prince premier aurait pu être plus charmant mais finalement il n’est pas si mauvais tu sais.

J’aurais pu venir te voir plus tôt, j’aurais pu… mais je n’avais pas la force ni l’énergie pour te revoir sur ton lit d’hôpital. J’aurais aimé à un moment échanger avec toi sur votre histoire et contredire le peu que maman m’avait raconté à sa manière.

Mais sciemment j’ai fait le choix de ne pas venir pour garder l’histoire que je vous imagine … celle d’un grand amour secret dont je suis le fruit.

Je vous remercie tous trois car ta femme m’a aussi élevée comme une belle-mère même si j’étais la seule à ignorer nos liens purs quand vous m’emmeniez en vacances ou me gardiez chez vous certains week-ends ou certaines soirées.

J’ai été heureuse avec vous deux. Je sais depuis maintenant 20 ans de qui je tiens ces yeux, ce cou, ces jambes … j’ai passé 10 ans à chercher l’autre moitié de moi. Et finalement, elle m’a choisi le bon … père biologique meme si tu as eu un comportement bien plus que cela dans ma tendre enfance et même après. Mais je ne t’ai jamais côtoyé en tant que géniteur. Juste en tant qu’ami de la famille, ou plutôt en tant que collègue de maman. Vôtre histoire a été belle de ma naissance à maintenant, dans l’ombre de papa. Il est le seul à avoir et à garder ce privilège. Il est mon papa. Tu es l’ami de maman. Tu es mon père. Je ne viendrai pas à tes obsèques car il faudrait que j’explique ma présence à tes proches qui ne m’ont pas vue depuis si longtemps. J’irai juste chez le notaire comme maman me l’a fait promettre car ta femme et toi avez fait le nécessaire pour compenser cette faute, mais surtout vous avez pardonné mes silences. Pour tout cela je te remercie et sache que tes petits enfants sauront gérer aisément les biens que tu leur laisses. Ils sauront la vérité le moment venu car il est trop tôt pour tout leur raconter … même si ce livre pourrait être pour eux le résumé de leur origine. On se retrouvera dans une autre vie car nous n’avons pas coupé notre lien. Je t’embrasse mon très cher …

Moi, ta fille unique

jFA