Révolte

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L'animateur du salon monta sur scène et remercia le précédent représentant.

— Eh bien, chers amis voyageurs, voilà de quoi vous donner envie de visiter la planète Boba ! Du rafting sur des rivières de neige et cinq lunes pour le prix d’une, c’est une occasion à ne pas manquer ! Et tout ça, sans la moindre émission de pollution nocive ! Bien, maintenant, accueillons les petits nouveaux de ce salon qui ont récemment décidé de se lancer dans le business du tourisme extraterrestre. Accueillons… les humains.

La salle, qui avait applaudi le précédent représentant, resta silencieuse. Le présentateur, d’un air dégoûté, céda sa place sur scène.

Un peu nerveux, l’humain monta sur scène. Il retoucha sa cravate et saisit le micro. Ses mains tremblaient et sa respiration haletante, chargée de stress, résonnait. Les spectateurs aux multiples bras, yeux et jambes l’attendaient avec un sourire sardonique aux lèvres (ou du moins à ce qui y ressemblait).

Il faut avouer que les humains n’avaient pas du tout bonne réputation. Ils étaient connus pour être violents, immatures, égoïstes et stupides. Tout l’univers connaissait leurs tristes exploits. Ils étaient souvent pris comme l’exemple à ne pas suivre.

— Chers… euh… amis du Cosmos ! N’avez-vous jamais rêvé de vous baigner dans des eaux bleu turquoise ? De survoler les plus beaux paysages terrestres à bord d’une montgolfière ? De vous prélasser sur une plage de sable fin, au soleil ?

L’humain fit défiler les diapositives de son PowerPoint où il faisait apparaître les photos des plus magnifiques paysages.

— Venez respirer le bon air pur des montagnes suisses ! Venez observer les manchots en Antarctique ! Admirez les chutes du Niagara et le Grand Canyon, aux États-Unis ! Il y a tant de paysages magnifiques qui vous attendent sur Terre ! C’est l’endroit idéal pour les amoureux de la nature !

L’humain fut interrompu par un spectateur.

— Les amoureux de la nature ? Vous vous fichez de nous, là !

Perplexe d’avoir été interrompu en pleine présentation, l’humain chercha le responsable du regard, de ses deux seuls petits yeux.

— Euh… pardon… qui a parlé ?

— Amoureux de la nature, mes trois fesses ! Non mais franchement, vous osez avoir le culot de venir nous vendre votre poubelle ?!

La foule s’agita à voix basse. L’humain tenta d’instaurer le silence.

— S’il vous plaît ! La Terre n’est pas une poubelle, enfin ! Regardez ces beaux endroits que nous avons réussi à préserver ! Ils vous attendent !

— Et les autres endroits que vous n’avez pas préservés, hein ? Vous ne les montrez pas ?!

Un autre spectateur se leva de sa chaise pour prendre part à la présentation.

— Il a raison ! Les humains ne préservent que ce qui leur rapporte quelque chose !

Encore un autre se leva.

— Ils ont raison ! Sur leur poubelle, les gens les plus importants ne sont pas ceux qui œuvrent pour leur planète, mais ceux qui ont le plus de monnaie d’échange !

La foule s’indigna dans un murmure de messes basses. L’humain commençait à avoir des sueurs froides. Il tenta de raisonner la foule.

— Voyons… Oui, nous avons commis des erreurs, mais nous apprenons d’elles et nous essayons sans cesse de nous améliorer !

— Vous apprenez de vos erreurs ? Alors comment se fait-il que vous ayez réussi l’exploit d’avoir eu trois guerres mondiales ?

— Oui, sans compter toutes les autres que vous vous livrez entre pays comme des enfants immatures !

L’humain commença à s’énerver.

— Oui bon, maintenant ça suffit, oui ? Laissez-moi terminer ma présentation !

Un spectateur en colère se leva, monta sur scène et prit le micro des mains de l’humain.

— Vous voyez, c’est ça le problème des humains ! Ils ne se remettent jamais en question !

— C’est vrai, ils ne sont intéressés que par leur saleté de monnaie d’échange !

Bientôt, tous les spectateurs se levèrent et se rapprochèrent de la scène, les poings et les tentacules brandis en l’air en signe de révolte. L’humain essaya de les calmer.

— D’accord ! Oui, les humains ne sont pas parfaits, mais je vous promets que la Terre a des choses à offrir !

— Oui, et quand vous aurez tiré profit de tout ce qu’elle a à donner ? Vous recommencerez ailleurs ?

— Oui, vu que vous apprenez si bien de vos erreurs, hein !?

— Les humains sont de la vermine !

— Ils sont tellement stupides qu’ils trouent eux-mêmes leur propre couche d’ozone !

L’humain recula face à la foule qui avançait. À présent, il paniquait.

— Certes, on fait de grosses erreurs, oui ! Mais on a inventé tellement de choses positives comme… l’art et… les réseaux sociaux ! C’est génial de pouvoir voyager tout en restant assis sur son canapé ! Ça en vaut la peine !

— Vos réseaux sociaux ? Vous vous en servez pour véhiculer de la haine !

— C’est vrai, et sur leur planète, certains spécimens adultes s’en prennent aux enfants !

— Sur Terre, ils s’entretuent !

L’humain, désespéré, reprit le micro qui lui avait été arraché et tenta un ultime discours pour calmer et convaincre la foule.

— Mes amis… l’humain a de nombreux défauts, oui. Mais quel peuple peut se vanter de ne pas en avoir ? La vie sur Terre est tout de même belle et agréable ! Il y a tant de choses pour se divertir et passer du bon temps ! Nous sommes des êtres sensibles et complexes, doués d’émotions profondes comme l’amour ! Les humains aiment aimer, et cela se ressent dans notre art, dans notre essence d’être. La vie sur Terre en vaut la peine !

— La vie sur Terre en vaut la peine ? Alors comment expliquez-vous que des gens se donnent la mort eux-mêmes sur votre si belle poubelle ?!

— Il a raison, c’est affolant !

Le leader du mouvement de révolte, qui se tenait sur scène, se tourna vers le public.

— Mes alliés de planètes saines. La vérité, c’est que les humains se divertissent autant pour oublier que leur Terre se meurt et que leur civilisation est corrompue ! La Terre était autrefois belle, mais dès qu’ils sont arrivés, ils ont tout ruiné ! Ils cherchent désespérément à se divertir, quitte à tuer la planète qui les abrite ! Ce sont une menace !

— Il a raison ! Nous ne voulons pas qu’ils ruinent nos planètes aussi !

— Emmenez-le !

L’humain balbutia quelques mots et se fit emporter par la sécurité du salon. On lui donna un billet retour direction la Terre et on l’expédia dans une capsule de voyage.

Dès lors, les humains furent interdits de tourisme galactique et de représentation au salon du tourisme extraterrestre.

Les pestiférés de l’univers demeurèrent seuls, comme exemple ultime d’une évolution à contresens. Plus aucun extraterrestre ne fut autorisé à s’approcher de la Terre, sauf à des fins éducatives, pour montrer l’exemple… à ne pas suivre.

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