Chapitre 5

6 minutes de lecture

Sunflower - Post Malone

– C’était cool !

– Ouais, j’ai trop aimé ! répondit Antoine avec un grand sourire. On se revoit une prochaine fois !

– Rentre bien !

La porte de l’immeuble se ferma et Antoine se mit à marcher rapidement en direction de la bouche de métro la plus proche, baissant la tête sous le crachin parisien. Il se sentait mieux avec s’être changé les idées. De toute façon, il savait très bien qu’il n’y avait pas de meilleur remède pour oublier un garçon qu’un autre garçon.

Après seulement quelques minutes dans le métro, il reçut un message de Martin : “Alors ???”

Il esquissa un léger sourire et souffla du nez. Ce mec était vraiment pire qu’un paparazzi ! Il commença à tapoter sur l’écran de son téléphone.

“Tu veux pas une vidéo tant que t’y es ?”

“Jure vous vous êtes filmés ? Montre-moi ça tout de suite !”

“On peut s’arranger si j’ai quelque chose en retour” répondit-il avec un emoji pervers.

Quelques stations et des dizaines de messages plus tard, Antoine descendit du métro et s’engagea dans les rues parisiennes illuminées par les décors de Noël. En cette soirée de décembre, il faisait un froid sec et Antoine avait les mains gelées à force d’utiliser son téléphone. Il se dépêcha de rentrer chez lui le plus vite possible.

Et soudain, alors qu'il se trouvait à une dizaine de mètres de chez lui et qu’il leva la tête en direction de son immeuble, il aperçut une silhouette sur le trottoir.

C’était lui. Il en était sûr.

Tom avait les mains dans les poches de son manteau, un sac plastique à ses pieds. Il était en train de regarder de l’autre côté, ses cheveux d’or étaient bercés par la brise glaciale des soirs d’hiver. Ses joues étaient rougies par le froid et il balançait légèrement les épaules sur le côté.

Antoine s’approcha lentement, sans faire de bruit, comme s’il ne voulait pas le déranger, comme s’il voulait que cette vision reste devant son regard ébahi pour toujours.

C’est à ce moment que Tom se retourna. Antoine se raidit d’un coup et ouvrit la bouche pour pouvoir dire quelque chose, mais il n’y eut qu’un souffle, un peu de vapeur d’eau qui s’échappa d’entre ses lèvres.

Sans un mot, Tom se baissa pour ramasser le sac qui se trouvait à ses pieds.

– Euh, tiens, c’est les vêtements que tu m’avais prêtés l’autre jour. Merci encore d'ailleurs, tu m’as sauvé la vie à ce moment-là.

Il les tendit à Antoine, qui mit quelques instants à réagir et à saisir le sac.

– Ah euh, merci ! T’inquiète pas, c’est normal. Mais t’avais pas à te faire chier à venir jusqu’à chez moi, hein… T’aurais pu les passer à Sacha et il me les aurait donnés.

Un grand sourire se dessina sur les lèvres pulpeuses de Tom, il haussa les sourcils.

– Pour qu’il les fasse disparaître, eux aussi ? Tu sais que je sais toujours pas ce que sont devenus ceux que j’avais à la soirée ?

– Ouais, j’avoue, t’as raison. Bah, euh, merci…

“Putain, dis-lui un truc !” hurla-t-il intérieurement. “Il va se barrer, sinon !”

Il y eut un silence de quelques secondes, qui parurent durer une éternité pour lui. Un soupçon de doute dans le regard de Tom fit comprendre à Antoine qu’il s’attendait à ce qu’il dise quelque chose. Mais c’était le néant dans son esprit, il n’arrivait pas à réfléchir, il restait juste tétanisé devant lui, les yeux grands ouverts.

Les épaules de Tom se tournèrent légèrement, il effectua un pas en arrière.

– Bon, j’vais pas te déranger plus longtemps, j’vais te laisser rentrer chez toi !

Il fit lentement demi-tour et après deux pas, se retourna vers lui.

– Salut ! lança-t-il en levant à moitié son bras.

– Attends !

Tom s’arrêta net.

– T’as fait tout le trajet jusqu’ici, lança Antoine. Ça serait impoli de pas t’inviter chez moi.

Le visage de Tom s’éclaira d’un seul coup.

– Ouais avec plaisir ! Enfin, si ça te dérange pas.

– Nan pas du tout ! Allez, ramène-toi, j’commence à me les peler.

Il tapa le code de l’immeuble et ouvrit la porte d’un grand geste du bras. Ils avancèrent dans le couloir et se retrouvèrent dans une petite cour fleurie. Antoine bifurqua à gauche, sa respiration était devenue plus forte depuis qu’il sentait la présence de Tom dans son dos, à un ou deux mètres à peine de lui.

Après plusieurs essais ratés à cause de ses mains gelées, il parvint enfin à glisser sa clé dans la serrure de sa porte.

Ils entrèrent tous les deux et Antoine l’invita à s’asseoir sur le canapé pendant qu’il faisait chauffer du lait.

– Je t’ai pas fait attendre trop longtemps ?

– Nan, t’inquiète pas. Dix-quinze minutes, max.

Antoine était à peu près sûr qu’il mentait, mais ce n’était pas grave. C’était presque même mignon de sa part d’avoir été si patient avec lui.

Il commençait déjà à regretter d’avoir passé une partie de sa soirée à baiser avec un inconnu juste pour l’oublier. Il pensait ne plus jamais le revoir, et voilà qu’il se retrouvait assis sur son canapé à discuter avec lui.

Il se souvint des conseils de Roland, et Roland avait toujours raison : il fallait tenter sa chance ! Mais avant tout, tâter le terrain, discuter tranquillement et dévier lentement vers le sujet voulu.

Alors il débarqua, deux tasses remplies de chocolat chaud à la main, et en donna une à Tom, qui en profita pour immédiatement glisser ses mains gelées autour. Il s’assit à côté de lui, assez proche pour ressentir la chaleur qui se dégageait de son corps, assez loin pour ne pas avoir l’air bizarre.

Et ils firent connaissance, tranquillement. Tom était en école de commerce à Paris, et il avait rencontré Sacha à l’une des nombreuses soirées étudiantes auxquelles il se rendait. Et c’est ainsi qu’il s’était retrouvé à l’anniversaire d’Antoine.

– Je sais pas pour toi, mais moi j’ai trop faim ! Ça te dit que j’nous fasse à manger ?

Tom sembla hésiter un instant, alors Antoine ajouta :

  • Comme ça je mangerai pas seul, ce soir !”

– Ouais, cool, moi aussi ! Ça me fout le moral à zéro d’être tout seul devant ma série, le soir, avec mon assiette de pâtes.

– Bah ce soir, t’auras une assiette de pâtes devant une série, mais pas tout seul !

Ils rirent tous les deux, et Antoine était trop heureux d’avoir réussi à le faire rester encore un peu. Ils avaient déjà réussi à trouver une grande complicité et s’étaient trouvé de nombreux points communs, notamment leur passion pour le foot.

– Faudra qu’on se fasse un foot, un de ces quatre, proposa Tom.

– Ouais, grave ! Mais dépêche-toi avant que je clamse.

Tom rit à moitié, un peu gêné par l’évocation de la mort à venir d’Antoine.

“Putain, quel con…” se dit-il intérieurement. “Pourquoi fallait que je parle de ça ? Ça se passait très bien jusqu’à maintenant !”

Il fallait qu’il essaye de rattraper le coup.

– T’inquiète hein, c’est pas un tabou pour moi, j’en parle tranquillement.

– Nan, ouais, désolé, t’as raison. C’est juste que ça me fait bizarre de me dire ça. Genre, t’es sûr que tu vas mourir à 21 ans ?

Antoine haussa les épaules.

– Ça fait depuis 12 générations que ça dure. Je vois pas pourquoi ça m’arriverait pas.

– Et t’as prévu quelque chose pour la dernière année qu’il te reste ? Genre une liste de choses à faire avec un tour du monde, un saut en parachute ?

“Juste trouver quelqu’un qui m’aime, qui soit là jusqu’au dernier jour et qui m’oublie pas après ma mort…” pensa Antoine. Mais c’était complètement ridicule comme idée, alors il la garda pour lui.

– Bof, rien de spécial tu sais. Juste profiter du temps qu'il me reste et essayer d'avoir la vie a plus normale possible !

Si les jours qui venaient pouvaient tous ressembler à celui qu’il était en train de vivre, à passer de précieux moments avec quelqu’un qui avait enfin l’air de s’intéresser à lui pour la personne qu’il était, et non pas pour la légende qui nourrissait les discussions de comptoir et les pages “Faits divers” des journaux…

– En vrai, lança-t-il, j’ai pas trop envie qu’on parle de ça ce soir. Bon, on va manger ?

– Avec plaisir, il nous prépare quoi ce soir, le chef ?

– Des pâtes au curry et à la crème fraîche, répliqua Antoine en tirant la langue.

Il bondit du canapé et partit préparer le dîner, l’esprit léger.

Il se sentait bien, avec Tom. Cela faisait longtemps qu’il n’avait pas été aussi apaisé.

Le ciel était dégagé, ce soir-là. Assez sombre pour y apercevoir quelques étoiles…

Fin de la première partie

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