Chapitre 18

6 minutes de lecture

Pardonner - 2TH


*Trois jours plus tard*

Alors qu’Antoine était allongé sur son canapé, fixant le plafond avec mélancolie, les mains croisées et posées sur son ventre, quelqu’un frappa violemment à la porte.


Il n’eut même pas le temps de se lever que Martin déboula dans son appartement.

– Allez ! On se bouge ! lança-t-il avec énergie.

– Martin, j’ai vraiment pas la tête à ça…

– Quoi ? Qu’est-ce que t’as dit ?

– J’ai dit que j’avais pas envie de…

– Hein ? Quoi ? Répète pour voir ? J’suis désolé, j’entends pas les dépressifs.


Il réussit à arracher un sourire sur les lèvres d’Antoine, et c’était déjà une grande victoire.

– T’es super sympa de faire ça, Martin, et vraiment, j’te remercie du fond du cœur. Mais j’ai juste besoin d’être tranquille, là. Avec Emma, vous êtes déjà venus me voir hier et c’était un énorme effort de tout vous raconter…

– Je t’ai déjà assez laissé moisir assez longtemps comme ça. Tu viens avec moi, on va chez Sacha ! Je fais comment, moi, si j’ai pas mon partenaire de beer-pong ?


Martin le prit par le poignet et le tira hors de son canapé.

– Je vais y aller, soupira Antoine. Mais seulement parce que c’est toi qui me le demandes. Et t’attends pas à ce que je reste longtemps ou que je boive comme un trou.

– Super, mais va prendre une douche, mec. Ça fait des jours que t’es pas sorti de ta tanière, et ça sent le lion.


Antoine leva les yeux au ciel et partit en direction de sa salle de bain, pendant que Martin était en train d’ouvrir ses fenêtres en grand.

– Fais comme chez toi, surtout ! lança-t-il.

– Bah, à ton avis, qu’est-ce que j’suis en train de faire ? répondit Martin en haussant les épaules.

– C’était ironique, gros con.

– Je sais, sale merde. Allez, va te laver.


Ce moment de complicité lui redonnait un peu de baume au cœur. Il prit des affaires et une serviette puis s’enferma dans la salle de bain. Il leva son bras en l’air et approcha son nez de son aisselle.

“Oh putain !” s’exclama-t-il. Martin avait bien raison, il avait grand besoin de se laver.

Il se déshabilla rapidement et monta dans le bac de douche. La sensation de l’eau brûlante sur sa peau lui fit du bien. Il ferma les yeux et prit une grande inspiration, essayant de se vider un peu la tête.


Martin avait sûrement raison, aller à cette soirée lui ferait probablement du bien. Cela faisait trois jours qu’il n’avait quasiment pas bougé, complètement détruit par ce qui s’était passé avec Tom. Rien n’avait eu d’importance depuis ce moment, pas même la mort qui approchait à grands pas.

Il prit sa douche en vitesse, s’essuya et s’habilla, puis sortit de la salle de bain. Martin était en train de jouer sur son téléphone, affalé sur le canapé du salon.

– J’t’ai laissé à manger sur la table, j’me disais que tu devais pas avoir avalé grand chose, ces derniers jours.

L’attention d’Antoine se porta alors sur le sandwich qui était posé, emballé avec soin dans du film plastique. Ses yeux s'agrandirent d’un coup. Il sentit aussitôt son estomac lui réclamer de se jeter dessus, ça faisait des jours qu’il n’avait quasiment rien mangé.

– Tu… tu l’as fait toi-même ?

– Ouais, mais c’est pas grand chose, hein. C’était rapide.

– T’es un chef !


Il l’embrassa sur le front et attrapa le sandwich, arracha sans scrupule le plastique et planta ses dents dans le pain. La première bouchée fut une véritable délivrance, il se permit de lâcher un bruit situé entre un gémissement et un grognement de plaisir.

– Ça fait du bien !

Martin observait la scène, amusé et rassuré à la fois. Même s’il fallait continuer de se battre et que les souffrances les plus rudes étaient encore à venir, ce genre de moments redonnaient du baume au cœur, et surtout beaucoup de force.

Il attendit qu’Antoine eut finit son repas, puis il bondit hors du canapé.

– Allez, on y va ?

Antoine enfila son manteau et ils sortirent tous les deux. En trois jours à peine, il avait perdu l’habitude de la sensation de l’air froid contre son visage, de marcher sur le bitume et de descendre les escaliers. C’était comme s’il était resté des mois à déprimer sur son canapé.


Ça lui faisait du bien aussi de pouvoir discuter avec Martin, de parler de sujets qui n’avaient aucune importance, comme les derniers likes d’Aya Nakamura sur Twitter.

Lorsqu’ils arrivèrent devant la maison de Sacha, la soirée battait déjà son plein et ils aperçurent Emma discutant avec des amis dans le jardin à l’avant. Ils allèrent la voir et saluer tout le monde. Lorsqu’elle les aperçut, elle se jeta immédiatement dans les bras d’Antoine et la serra de toutes ses forces contre elle.

– Tu m’as fait tellement peur, t’es au courant ?

– Oui, désolé… soupira Antoine. Mais ça va mieux maintenant. Ça peut qu’aller mieux, de toute façon.


Puis elle se tourna vers Martin et lui chuchota quelque chose à l’oreille. Il fronça les sourcils et parut contrarié. Antoine essayait de lire sur leurs lèvres ce qu’ils se disaient, mais c’était trop compliqué pour lui.

– Qu’est-ce qu’il y a ? lança-t-il alors.

Tous les deux s’arrêtèrent net et se regardèrent entre eux, comme si chacun attendait que l’autre se lance. C’est finalement Martin qui décida de parler.

– Alors, euh… c’était pas prévu, mais il est là.

– Qui ça ?

A peine avait-il posé la question qu’il comprit. Ça ne pouvait être que Tom…


La blessure ne s’était pas du tout refermée, il venait à peine de se relever qu’il allait devoir le retrouver à nouveau, affronter son jugement et peut-être même lui parler.

– On va essayer de l’éviter, continua Martin. J’pense que c’est la meilleure chose à faire pour l’instant, ok ?

– Oui, soupira Antoine. T’as sûrement raison.

– Et j’pense que lui non plus a pas trop envie de te parler.

Antoine tourna brusquement la tête vers son ami.

– Comment ça ?

Martin se racla la gorge, visiblement gêné.

– Il… il s’est mis en couple. Avec une fille.

Ce fut comme un nouveau coup de poignard dans son cœur. Mais étrangement, celui-ci ne le fit même pas broncher. La douleur était bien là, elle était réelle, mais rien n’avait changé en lui, il gardait la tête haute. C’était comme s’il était devenu insensible, à force d’encaisser les coups.

– T’étais pas obligé de me préciser que c’était “avec une fille”, je le savais déjà, qu’il était pas de mon bord.

– Oui, désolé…

– Bon, on se le fait, ce beer-pong ? Ça va me changer les idées.

Martin acquiesça, et ils pénétrèrent tous les deux à l’intérieur.


Mais quand ils arrivèrent dans le salon, Antoine aperçut Tom, un verre dans la main droite, le bras gauche enlaçant une fille, un immense sourire aux lèvres, comme il n’en avait jamais vu sur son visage auparavant.


Il y avait trop de bruit autour de lui, ça n’était plus qu’un mélange de sons insupportables, ses oreilles se mirent à vibrer. Ses jambes fléchirent, ses yeux ne voyaient plus net et il avait cette horrible impression de manquer d’oxygène. Il trouva en catastrophe une chaise, pendant que Martin avait une main sur son épaule en lui criant à plusieurs reprises “Ça va ?”, l’air fou d’inquiétude, mais il n’entendait plus rien, et il ne voyait plus rien à part Tom, au milieu du salon.

Tom lui, se sentait bien, enfin c’était ce qu’il se répétait depuis le début de soirée. Lucie était belle, attentionnée et drôle : c’était la fille parfaite pour lui, il ne pouvait pas rêver de mieux ! Alors il ne comprenait pas pourquoi il avait toujours cette impression de manque qui ne voulait pas le quitter.

“Ça va bien finir par passer”, pensa-t-il alors qu’il affichait toujours ce grand sourire à la foule. Alors, sous les encouragements et les applaudissements des gens qui les entouraient, il se tourna vers elle et l’embrassa durant de longues secondes.


Et quand leurs lèvres se détachèrent, elle leva ses yeux amoureux pour les plonger avec passion dans les siens. Mais lui ne la regardait pas, non. Toute son attention était portée vers ce coin de salle où se trouvait Antoine, et ses yeux étaient écarquillés comme s’il avait un fantôme en face de lui.

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