L'Empire (Partie 3)

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Grum reprit lentement conscience et hocha la tête. Du sang coagulé souillait son crâne et lui avait englué un œil. Ædemor et Yukihina répondirent du même signe.

La Valwyne entreprit de réitérer son exploit. Au prix d’un effort extraordinaire, celle-ci finit par rompre au milieu, un maillon ayant été rongé prématurément par la rouille. Galanodel attendit. Les bruits de pas se rapprochaient régulièrement.

Elle vint devant l’entrée de sa cellule et saisit un barreau dans chaque main. Les muscles contractés de ses bras et de son cou saillirent sous la traction qu’elle exerça pour les écarter. Grum crut halluciner lorsqu’elle y parvint. Galanodel se hissa à travers la porte et enroula les moignons de chaînes qui pendaient encore à ses poignets. Elle scruta le couloir puis y disparut sous le regard ahuri du semi-Gor.

Un bruit de lutte résonna alors, suivi d’un coup sourd. Galanodel revint à toute allure, délivrée de ses fers et portant un trousseau de clés. Elle déverrouilla la serrure et les menottes de Grum et de Yukihina et s’affaira enfin à libérer Ædemor.

— T’es balèze, Gal ! Comment t’as fait ça ? s’étonna Grum.

— On en parlera plus tard ! Ça va aller, Grum ? demanda la Valwyne.

Elle paraissait sincèrement soucieuse de son état. Le colosse s’aspergea la tête de l’eau contenue dans son broc et se débarbouilla rudimentairement.

— Ah, les salauds ! Ouais, ça va. J’suis déjà pas super beau, ça va pas s’arranger, regretta-t-il.

Il tâta à l’emplacement de son oreille, réprimant une grimace alliant douleur et dégoût. Yukihina les rejoint.

— Bon sang, Grum, je suis désolé qu’il t’ait mutilé de la sorte… bredouilla Ædemor.

— Ça ira, grogna le colosse. Ça pique un peu, j’te cache pas. Faudra que j’en distribue des pains pour m’défouler. Et autant t’dire qu’j’ai beaucoup besoin d’me défouler.

— Et nos armes ? s’enquit le jeune homme.

— Je ne sais pas, ajouta Galanodel. Il faut qu’on s’enfuie d’ici le plus vite possible. Allons par-là !

Elle désigna le côté par lequel ils étaient arrivés et ils s’y dirigèrent discrètement. Soudain, Yukihina s’élança dans l’obscurité, prit appui sur un mur puis rebondit sur le deuxième. Elle prit au dépourvu un garde qu’elle seule avait aperçu. Avant même que celui-ci ne réalise, la Talwene lui entrava les bras et lui asséna un brusque coup de genou dans la gorge. Elle plaqua sa main sur sa bouche et y étouffa son cri. La disciple fit un bref signe à Galanodel et ils continuèrent leur avancée.

Alors qu’Ædemor constatait les dégâts qu’avaient occasionnés les séances de tabassage sur ses compagnons, deux autres geôliers vinrent à leur rencontre. Yukihina bondit la première et faucha les jambes du plus proche. Galanodel se rua sur le second qui avait dégainé son arme. D’une prise ferme, Grum l’arrêta dans son attaque, tandis que la Valwyne l’assomma d’un puissant coup de poing à la tête. Ædemor suivait en clopinant, maudissant son inutilité.

Les efforts menés pour chaque combat coûtèrent beaucoup à la Talwene et au semi-Gor, qui souffraient de la fatigue et de la douleur. Galanodel sembla moins affectée par ses mauvais traitements, même si elle en portait des stigmates évidents sur son visage.

Ouvrant les herses grâce au trousseau dérobé par la Valwyne, ils montèrent à l’assaut de l’escalier vers la sortie. Grum pointa alors du doigt une porte s’entrebâillant, qui dévoila une petite pièce de laquelle s’échappèrent quatre gardes. Fronçant les sourcils, Yukihina envoya au tapis le premier d’une série de coups de poing massifs au poitrail, avant même qu’il puisse poser la main à son épée. Grum chargea d’un puissant coup d’épaule le deuxième, dont la tête percuta le mur opposé. Galanodel se battit à mains nues contre le troisième garde. Elle esquiva son assaut et se jeta à sa gorge, la serrant jusqu’à entendre son cou se rompre. Le dernier gardien s’était faufilé à travers la mêlée, et profita de l’inattention d’Ædemor pour lui pointer la dague sous sa jugulaire.

— Plus un geste, ou je le tue ! s’écria-t-il.

Yukihina et Grum se retournèrent vers lui, levant les mains en signe de reddition. Quand Galanodel se tourna vers le soldat, son visage était transfiguré. Les écailles qui ornaient son cou et sa nuque se hérissèrent, ses yeux violets irradièrent d’une rage algide, ses traits se figèrent en un rictus dur et glacial et tout autour d’elle l’air se refroidit et se condensa. Le garde s’arrêta dans son geste, puis laissa tomber la dague. Une terreur l’étreint et il devint complètement pétrifié, incapable de réagir. Galanodel vint doucement à lui, passant entre les corps à terre. Elle ramassa une pierre au sol et l’écrasa sur sa tête casquée.

La Valwyne pénétra dans la pièce d’où étaient sortis les soldats. Quelques affaires, des vivres et un râtelier d’armes. Elle y récupéra un arc, un carquois rempli d’une vingtaine de flèches et quelques victuailles.

— Grum, pas la hallebarde ! Prend une épée, ce sera plus facile dans les allées étroites ! conseilla Ædemor.

— Allez ! J’suis sûr que ça peut marcher ! râla le colosse.

— En voilà d’autres ! coupa Yukihina. Ils sont alertés, il faut partir, vite !

Le semi-Gor et le chevalier se munirent finalement tous les deux de lames de mauvaise facture et empruntèrent des escaliers au bout d’un long couloir. Ædemor ramassa au passage une rondache de bois cerclée d’acier qu’un garde avait suspendue au mur près de la sortie. Le lourd portail de fer était clos, mais une fois encore les clés du surveillant allaient leur être d’un grand secours. Ils firent irruption au rez-de-chaussée de la tour carcérale, face à une dizaine de soldats en armes.

— Bon sang ! Gal, ferme ça tout de suite ! hurla Grum.

Avant que les gardes en faction n’aient aperçu l’effraction, Galanodel claqua la sortie et condamna la serrure en brisant la clé à l’intérieur.

— On est fait comme des rats ! gémit Ædemor.

— Le palais est proche, il y a peut-être une issue par l’autre côté de la prison ! s’empressa Yukihina.

Le jeune homme regarda la Talwene, incapable de prendre une décision. La fatigue et les mauvais traitements altéraient son jugement.

— On va crever comme des idiots ! se plaignit Grum.

— Comment est-ce qu’on va s’échapper d’ici ? ajouta Ædemor. Même si on arrive au palais, que pourra-t-on faire face à la garde impériale ?

— Reprenez-vous tous les deux ! De toute façon, ça ne peut pas être pire ! Rebroussons chemin ! trancha Galanodel.

De l’autre côté de la sortie, les clameurs se firent grandissantes. Des heurts violents résonnèrent, faisant grincer les gonds.

— Ils enfoncent la porte ! On décampe ! beugla Grum.

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