L'Empire (Partie 2)

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Une douleur violente traversait le crâne d’Ædemor. Un filet de sang ruisselait de sa lèvre inférieure et d’une arcade fendue, gouttant jusqu’au sol. Il constata que ses voisins n’avaient pas non plus été épargnés. Yukihina était à genoux et dodelinait de la tête, suspendue par les bras à des chaînes trop courtes pour sa petite taille. Grum et Galanodel n’étaient guère plus vaillants, leur visage couvert d’ecchymoses.

Ils étaient prisonniers de l’Empire, probablement la pire chose qui aurait pu se produire. Ædemor n’osait imaginer le sort qui allait leur être réservé. Les rumeurs sur ce qu’il advenait des captifs de l’Empire inspiraient une terreur indicible. Seuls les fous et les menteurs prétendaient en être sortis vivants.

Le jeune homme essaya de trouver un moyen de s’échapper, mais les épais barreaux étaient solidement ancrés au sol et au plafond et la lourde chaîne qui le retenait attaché était bien trop robuste pour qu’il escomptât l’arracher. Il lui était impossible de communiquer avec ses partenaires sans attirer l’attention du geôlier et pouvait à peine atteindre la porte de sa cellule du bout du pied.

Il cherchait désespérément une inspiration de son dieu lorsque les gardes effectuèrent leur retour dans la prison. Sans mot dire, ils rouvrirent les cachots, et recommencèrent à passer à tabac chacun de ses occupants. La brutalité avec laquelle le soldat le frappa lui fit perdre l’équilibre et il tomba sur le côté. Son bourreau lui asséna de violents coups de pied au ventre et dans les jambes. Le jeune homme se protégea du mieux qu’il put, mais il sentait la douleur irradier son corps, les os de ses membres menacer de rompre.

C’est dans une semi-conscience qu’il observa les gardes partir comme ils étaient arrivés. Du fond de la salle, une voix s’éleva :

— Je vous suggère de reconsidérer les propos que vous rapporterez à l’Empereur, car il est bien moins patient que moi.

Ædemor s’évanouit avant de voir l’Exécutrice refermer elle-même les cellules. Ses dernières pensées se dirigèrent vers Tyasimar, qu’il exhortait à l’aider et à le soutenir.

Un seau d’eau sur le visage le tira de l’inconscience. Il ouvrit les yeux sur une rangée de soldats. Zenyassa mit le genou à terre devant la silhouette massive qui s’avança. Haute de plus de deux mètres, rehaussée par son armure de plaques rouge sang, sa stature surpassait toutes celles présentes. Le crâne rasé, tatoué de symboles étranges et menaçants, il avait le regard de ceux qui convoitent et qui obtiennent, quels que soient les moyens employés.

— Empereur Gorgamos, voici les prisonniers, susurra l’Exécutrice.

— Ont-ils parlé ?

Le ton était dur et empli d’une malice qui fit trembler Ædemor.

— Non, seigneur. Nous n’avons pas encore eu le temps de les travailler afin d’en tirer quelque chose.

— Vos méthodes donnent autant de résultats que vos recherches des Perles, maudit reptile ! tonna-t-il. Faut-il que je fasse tout moi-même ?

Ædemor soupira. Ils n’ont pas encore trouvé toutes les Perles de Sang… pensa-t-il.

— Mes méthodes sont tout à fait louables, seigneur, répliqua Zenyassa. Il me faut juste un peu plus de…

— Je suis déjà bien assez généreux avec vous et vos expériences ratées ! Ce ne sont pas de simples paysans à terroriser, il faut les briser pour les faire parler !

Il s’approcha de Grum d’un pas excédé, le prit sans effort par le col et le plaqua dos au mur.

— Toi, là. Tu vas tout me raconter. Tout de suite.

L’Empereur lui saisit une oreille à pleine main, un sourire carnassier sur le visage qui s’agrandit alors qu’il tirait lentement sur les cartilages. Grum poussa un hurlement de douleur qui se répercuta comme mille aiguilles dans le cœur d’Ædemor. La peau s’étira, et finit par céder sous la traction, et d’un coup sec, Gorgamos arracha le reste du pavillon ensanglanté.

Alors que le semi-Gor continuait de s’égosiller, son tortionnaire lui asséna un coup de genou dans l’estomac, lui coupant le souffle. Grum tomba à terre et peina à faire affluer l’air dans ses poumons. Il fut à nouveau plaqué contre le mur, une main de fer appuyée contre sa gorge.

— Je ne perdrai pas de temps. Je n’ai qu’une seule et unique question. Qu’y avait-il dans ce tombeau ?

— J’ai rien vu du tout, réussit à articuler Grum. En plus, t’as une tête aussi horrible que ton haleine…

La colère de l’Empereur explosa tandis que son gantelet se referma sur le cou du semi-Gor. Il serra tant et si bien que le colosse perdit conscience, devenant flasque tel un poisson sans arêtes.

— Puis-je savoir ce que vous faites, seigneur ? Si j’avais voulu le tuer, je l’aurais lâché dans le lac de lave à notre arrivée dans la ci…

— Briser la volonté d’un homme prend du temps, Draconienne, coupa Gorgamos. Ce n’est que le commencement. Je te laisse continuer quand il se sera réveillé.

L’Exécutrice se raidit et salua l’Empereur à son départ. Ædemor jetait un œil anxieux à son compagnon alors que les soldats suivaient l’Exécutrice vers la sortie.

Quelques instants plus tard, le geôlier s’attela à la distribution du repas. Ou du moins ce qui s’y apparentait, tant cette pitance peu ragoûtante inspirait confiance.

Ils souhaitent donc nous maintenir en vie pour prolonger la torture, pensa Ædemor amèrement.

Du pain sec et de l’eau tiède accompagnaient le tout dans des écuelles souillées. Malgré sa mauvaise condition, le jeune homme mangea en silence et observa ses compagnons. Galanodel et Yukihina comprirent que toute nourriture était bonne à prendre. Ils n’avaient aucun moyen de partir et ne savaient pas combien de temps leur enfermement allait durer. Le flot de sang qui s’était écoulé sur le côté du crâne de Grum s’était finalement tari. Il resta un long moment inconscient. Était-ce par ruse, pour retarder la prochaine punition, ou parce qu’il était réellement agonisant ? se demanda Ædemor. Le geôlier, aidé d’un soldat, bâillonna à nouveau les captifs l’un après l’autre, et ils s’en allèrent faire une inspection dans les salles attenantes.

Le silence s’était abattu entre les parois de la pièce quand Grum reprit connaissance. Seuls les pas lointains du surveillant résonnaient dans l’obscurité, au milieu des cris, des plaintes et des pleurs, trame sonore insupportable de la prison. Galanodel se releva tant bien que mal.

Elle entoura la chaîne autour de l’un de ses bras. Prenant appui sur la cloison, elle tira sur les maillons de toutes ses forces. Ædemor la regarda incrédule, voyant ses fers travailler sous l’effort. Elle banda ses muscles, au point que les traits de son visage furent déformés par le labeur. La sueur perla à son front, alors que la fixation murale de ses entraves fut sur le point de se desceller. Elle s’arquebouta d’une ultime poussée sur ses jambes, puis l’acier se désolidarisa de la paroi et l’entraîna lourdement dans sa chute.

Elle attendit un instant au sol, reprenant son souffle, attentive aux pas du surveillant. Ceux-ci résonnaient toujours au loin, le bruit de chaîne tombée à terre était passé inaperçu. Galanodel enleva alors son bâillon et chuchota aux autres :

— Grum, Ed, Yuki, vous allez bien ?

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