Le Départ (Partie 2)

3 minutes de lecture

Les mois s’écoulèrent, et les frimas de l’hiver se retirèrent de la forêt de Cyseam. La faune revint habiter les lieux aux portes du printemps, alors que la verdure renaissante enterrait les atrocités du passé. Des cerfs et des sangliers peuplèrent à nouveau le taillis et l’on aperçut même des animaux plus sauvages encore, curieux de redécouvrir cette nature renouvelée.

Le chantier de la cité de Reamwen allait toujours bon train. Descendus des Montagnes des Précieuses, des Undurs d’Hasholdord vinrent prêter main-forte aux Valwyns. Les prisonniers de l’Empire furent marqués au fer puis bannis des bois.

Ædemor se confectionna un autre symbole divin. Il décida de le façonner dans une écorce de Reamwen. Les armes et armures prêtées par son dieu avaient disparu, évanouies après la bataille, et il dut se procurer un nouvel équipement auprès des Valwyns. Une modeste chapelle fut bâtie, dédiée à Tyasimar, où il put consacrer son pendentif. Devant elle, les artisans s’attelèrent à ériger une statue à la mémoire de Galanodel. Ædemor et Grum conseillèrent eux-mêmes les sculpteurs par rapport aux détails à apporter à leur œuvre.

Les trois compagnons survivants se rejoignirent aux pieds de l’Arbre Soleil. Nul ne pouvait nier que le parfum du départ flottait déjà dans l’air.

— Je retourne à Ferziliath, annonça finalement Ædemor pour briser le silence gêné. Je dois retrouver Thorcil et Dame Shandranor, leur raconter Marchwavald, le Dracosire… leur parler de nous quatre et de nos aventures. Et discuter de l’Ordre à rebâtir.

— Tu passeras le bonjour à Thorcil, hein ! Je sais qu’elle m’a à la bonne, répondit Grum.

Le ton se voulait plaisantin, mais trahissait une émotion poignante. Grum avait les yeux humides.

— Je vais t’accompagner, Ædemor. Il y a là-bas des navires qui repartent pour Karshai, dit Yukihina.

— Tu retournes chez toi ? reprit Grum.

— Kan… Mon maître pourra peut-être guérir auprès de nos sages. Je dois essayer. J’y finirai mon initiation.

— Mais… tu comptes revenir, pas vrai ?

— Oui, mon ami. Je sens que mon destin n’est pas de rester au loin. Et puis… je te manquerais.

Grum leva un œil devant la tentative de blague de la Talwene. Elle bondit finalement dans ses bras en gloussant, affichant une attitude qu’elle ne laissait jamais transparaître en temps normal. Le semi-Gor l’étreignit en souriant, plissant le visage sous l’émotion.

— Ed, débarrasse-moi de ça, elle va m’faire chialer ! râla-t-il.

— Ah, non, je ne veux sûrement pas rater cela ! rit Ædemor.

Les larmes étaient proches, brillant aux coins des yeux des trois amis.

— Je reste ici. C’est un peu chez moi, dit Grum en regardant la forme arrondie lovée dans les racines de l’Arbre. Et puis… je dois veiller dessus, maintenant.

Aux pieds de Reamwen, devant le portail désormais clos, une autre découverte avait été faite : un œuf argenté, haut comme un enfant et lourd comme une malle pleine. Contrairement aux Valwyns, Grum fut convaincu du lien entre la présence de l’œuf et l’ascendance draconique de Galanodel, tel un marché conclu entre la Valwyne et Reamwen.

— Grum est ici chez lui, ne vous en faites pas. Les Valwyns sont honorés d’avoir la possibilité de se racheter auprès de lui, lança Eliogas au loin alors qu’il se rapprochait d’eux.

— Et puis… belle-maman dragon sera toujours là s’il y a besoin ! ajouta Grum.

— Chremata reste parmi vous ? demanda Ædemor.

— Elle est partie faire le ménage chez elle, elle m’a dit. Elle a promis de revenir souvent prendre des nouvelles de Gal… ou de qui que ce soit à l’intérieur.

Ils se séparèrent à l’orée de Cyseam, non loin du lieu où Ædemor et Grum y avaient pénétré la toute première fois. La brise marine fouetta leur visage et l’horizon dégagé annonça une journée radieuse.

Une dernière étreinte, sans le besoin d’un mot échangé. Chacun avait dans le regard tous les discours d’au revoir, tout l’amour qui avait grandi entre eux, toutes les blessures qui y étaient nées et qui s’y étaient soignées.

Grum attendit que la silhouette de ses amis disparût au loin, dans les brumes maritimes du soleil couchant. Sentant une petite vibration entre ses mains, son visage se baissa sur l’œuf argenté qu’il portait. Il avait tenu à l’emporter, comme un souvenir de Galanodel, pour qu’elle soit avec eux jusqu’au bout. Il lui parla tout bas, avec le ton d’un parent consolant.

— T’en fais pas, c’est normal d’être triste. Ils reviendront. J’suis sûr qu’ils reviendront. Allez, viens, on rentre. On va être en retard pour manger.

Annotations

Vous aimez lire Thibaud Lemaire ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0