18 (V2)

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Nous nous faisons réveiller par mon père, il est déjà midi. Peu habituée à dormir aussi longtemps, j’ai du mal à émerger. Manque d’énergie, d’entrain, j’ai mal partout. La journée va être longue. Ellie, elle, est en forme. Je ne sais pas comment elle fait. Je me traîne jusqu’à la cuisine pour me préparer un thé alors qu’elle est déjà en train de se servir un café.


— T’es sûre que c’est une bonne idée ?


— De quoi ?


Je pointe mon doigt vers sa tasse.


— Je bois toujours un café pour démarrer la journée.


— Comme si t’en avais besoin…


Ma vanne me fait rire, pas elle. J’ai droit, à la place, à un tirage de langue. J’attrape son bras, l’attire à moi, ma bouche se referme dessus. Le pincement la surprend, elle recule son visage rouge comme une tomate. Je suis fière de ma bêtise. Je verse l’eau chaude et file au salon où je retrouve mes parents. Ellie nous rejoint, une fois, ses rougeurs disparues.

Nous passons un agréable moment, tous ensemble. Comme si cela était normal, que nous avions toujours été ainsi. La situation semble tellement naturelle que j’en oublie qu’Ellie n’est là que depuis trois jours. Trois jours seulement, j’ai l’impression que ça fait une éternité. La préparation du repas se fait dans la bonne humeur, mes parents donnent même l’autorisation à Ellie de les appeler par leurs prénoms. Plus le temps passe et plus je craque pour cette fille. Je n’arrive plus à m’imaginer sans elle.


Notre après-midi est beaucoup plus studieuse, ma mère aide Ellie à rédiger son C.V. Une première pour elle. Je les laisse travailler, jette régulièrement des coups d’œil de leur côté. Je me sens heureuse au point où je souhaite que rien ne s’arrête, qu’on reste ainsi pour toujours. Au milieu de mes divagations et de mes rêves d’avenir, je repense au fait que ma petite amie doit se trouver un boulot. Une idée émerge, j’ai hâte qu’elles finissent ou, au moins qu’elles fassent une pause. Je sais que ma proposition lui plaira.

Je guette l’heure, elles n’ont pas l’air de vouloir s’arrêter. Ma maman est passée à « comment écrire une lettre de motivation ». Tant pis, je l’interromps et leur propose une coupure, un peu de repos fera le plus grand bien. Et puis, je dois parler à Ellie. On prépare tout et on s’installe sur les divans.


— Dis, Ellie, tu sais déjà où tu veux postuler ?


— Non, pas encore. Et puis, je sais pas si je trouverai, je m’y prends tard. Surtout que j’ai jamais fait ça avant !


Je souris.


— Je crois que je pourrais t’aider.


Ma mère comprend tout de suite de quoi je parle.


— Ma puce, tu t’en faisais une joie…


— C’est rien, ça ne sera que partie remise, maman. Ellie, si tu veux demain, on va jusqu’à l’épicerie du coin. Je devais y travailler, mais on peut voir avec le patron pour que tu prennes ma place.


— T’avais aussi prévu de bosser ? Mais pourquoi ?


— Je voulais commencer à mettre de l’argent de côté pour ma future voiture. Sauf qu’aujourd’hui, le plus important, c’est que toi, tu as un taf.


— Mais non, je vais pas prendre ta place ! C’est n’importe quoi !


— C’est pas n’importe quoi, arrête ! C’est logique, tu dois prouver à tes parents que tu sais te gérer ! Là, t’as une place presque d’office, profites ! Et puis, une voiture, ça peut attendre. Ça fait que deux mois que j’ai le permis.


— Mais t’es sûre que ça te dérange pas ?


— Non, sinon je te le proposerais pas. Par contre, c’est pour le mois d’août seulement…


— C’est déjà ça. Par contre, j’ai rien de potable pour me présenter là-bas. J’ai pris que le minimum d’affaires, il faudrait que je retourne en chercher d’autres. Surtout que je ne sais pas si mes parents accepteront de m’ouvrir...


Ses yeux s’humidifient, je la réconforte dans la foulée. Qu’importe, nous feronts autrement ! Nous amusons beaucoup ma mère, elle ne s’imaginait pas nous voir aussi sérieuses. Il faut dire qu’on a plutôt donné l’impression de ne jamais penser au lendemain et de toujours agir sans réfléchir. Sauf qu’aujourd’hui, la donne a changé. On ne pense plus qu’à notre futur.


— Les filles, je vous propose plutôt d’aller au centre commercial demain et, si on a le temps, de passer à l’épicerie. Ça vous va ?


Je reste sans voix face à sa proposition, Ellie est gênée.


— Mais c’est impossible, j’ai pas encore les moyens.


— Ne t’inquiète pas pour ça, considère que c’est une avance. Ou un cadeau pour démarrer ta nouvelle vie.


Ma belle se jette dans ses bras, avec un grand merci. J’en profite pour parler d’un autre sujet.


— Et sinon, Ellie, ma proposition de camping tient toujours ? Parce qu’Alice vient lundi matin pour nous récupérer.


— Comment refuser des vacances avec toi ? Et puis, je veux vraiment rencontrer ta cousine.


Nous fixons ma mère, les yeux suppliants. Elle lève les yeux au ciel.


— Vous n’attendez quand même pas mon aval ?


— Sylvia, j’habite sous votre toit, c’est normal que je vous demande l’autorisation.


— Pas la peine, tu es grande, Ellie. C’est à toi de faire les choix qui s’offrent à toi, prouve à tout le monde que tu es une personne responsable. Par contre, il va falloir lister ce dont vous aurez besoin, toutes les deux. On achètera tout demain.

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