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Avachi sur le lit de torture, je méditais les évènements récents. D’abord je mesurais à quel point les femmes sont ignorantes de la sexualité masculine. S’imaginer qu’on peut mourir de baiser ? Pfff ! Relisez Celine mesdames, « Mort à crédit » et vous entendrez parler de la branlette à blanc. Mais qui lit encore ? Qui, sauf une racaille comme moi ?

Étais-je perturbé par le fait que j’avais donné le code du serveur à Lisbeth ? Pas vraiment. C’était un piège tombant sur un code-bomb : accès direct à un malware pernicieux lançant du cryptage de crypto jusqu’à saturer le processeur et faire planter l’ordi de l’attaquant. Dans la vie comme aux échecs, toujours avoir plusieurs coups d’avance, protéger toutes ses pièces et punir l’imprudent qui s’aventure trop loin. Lisbeth allait probablement me maudire, c’était réconfortant.

Je préférais ne pas la rejoindre, je n’avais pas faim, seulement un besoin impérieux d’une douche tant j’étais imprégné de son odeur ; c’est comme si elle était entrée en moi, en chacun de mes pores, qu’elle avait pris possession de mon corps. Je portais sa marque et cela me dérangeait pour d’obscures raisons. Aussi, je me savonnais frénétiquement et me rinçais abondamment dans cette salle de bain digne du palais d’un roi.

Un sentiment subliminal me dérangea : ma famille me manquait. C’était un sentiment nouveau pour moi. J’avais aussi très envie de rentrer en Belgique ma patrie ; une mutation subtile me rendait chaque jour, un peu plus Belge. C’était inexplicable, comme de sortir d’un tunnel d’obscurantisme socialiste pétrit de paternalisme SPF, avec ses cohortes de cellules de soutien psychologique et d’ONG de mendicité organisée, ses arrêts maladies solution à tous les problèmes et par-dessus tout, ses burn-out, objet de toutes les attentions après l’écologie. Le travail nouveau fléau des temps modernes (avant la toxicomanie et la délinquance ordinaire) parce qu’il n’est pas source d’épanouissement personnel, de joie permanente et de bonheur partagé. La France, seul pays où le travail ne doit pas être un effort mais un plaisir. Être payé pour jouir et pas pour souffrir, telle était la nouvelle révolution Française, ce grand pays d’idées. C’était de plus en plus évident pour moi, je n’étais pas assez intelligent pour être Français.

Point de regrets, de toute façon, la France n’est pas un pays sûr pour un mec ayant des velléités de baise hétéro, les poursuites pénales le guettent. Pays où toute femme en couple se considère comme la prostituée de son homme et finit par porter plainte pour viol trente ans après les faits. D’ailleurs le nouveau plan de SPF, c’est la castration chimique de tous les mâles, en préventif avec le vax ARN ZEROTESTO des labos Pfffzer.

Oui, Belge un jour, Belge toujours. Point d’autre salut.

Étais-je perturbé par un sentiment de culpabilité ? Sûrement non. Je venais d’échapper à un double attentat ; par balle et par sexe ! Je n’avais donc pas réellement trahi Liliane. Au contraire, en restant vivant, les filles et elle, auraient leur homme pour les fêtes. Cadeau bonus. Si ce n’est pas de la conscience ça, alors qu’est-ce ?

D’autant qu’une femme qui se donne à un homme ne doit pas être rejetée, si ? C’est possible ? C’est envisageable ? La réponse est non. D’abord, c’est malpoli, ensuite c’est contre-nature. En France, ne disait-on pas « quand tu vois un trou, tu rentres ! » ? What else ? Alors évidemment, certains vous diront des balivernes pour cacher le fait qu’ils bandent mou. Hypocrites ou vax. Choisis.

Tout beau, sentant bon, je bondissais dans les couloirs immaculés dus au travail acharné de femmes de ménages immigrées et sous payées. Il faut bien comprendre que tout le monde ne mérite pas de vivre dans le luxe, il faut obligatoirement une certaine noirceur de l’âme pour écraser les autres et sourire aux étoiles du ciel. Ce n’est en réalité pas un mal, parce que c’est génétique et le résultat de l’évolution. Des idiots ont trouvé bon d’y coller de la morale et de s’émouvoir de la barbarie de la vie. Pensées simplistes.

Au moment d’arriver dans l’entrée monumentale, Frédéric descendant l’escalier, vêtu d’un sarouel ridicule (ce mec est vraiment bizarre question fringues), m’interpella.

— Lorenzo, vous nous quittez ?

— Je rentre en Belgique. Ma famille m’attend. J’ai trop traîné ici.

— Mon ami, allez-vous m’aider ?

— J’aurais bien voulu… Mais je suis un pro. Ta femme m’a payé et j’honore toujours mes contrats. C’est une question de réputation. Tu peux le comprendre.

— Je paye le double !

— Tu as embauché cette psychopathe de Lisbeth… Il faut savoir perdre avec panache. D’ailleurs, tu ne devrais pas la laisser filer, ta femme… Il vaut mieux l’avoir avec soi que contre soi… C’est une diablesse.

— Mais… Lorenzo ! Attendez ! Ne partez pas...

Je ne lui laissais pas le temps d’argumenter, je sortis, et, dédaignant l’ascenseur maudit, je me précipitais dans la cage d’escalier que je dévalais par grands bonds avec délectation. J’aime sauter et m’enfuir, sans doute des réminiscences de cavalcades avec la Police aux fesses. Enfance heureuse.

Arrivé au parking souterrain, je m’engouffrais dans la BM. L’odeur du cuir me fit du bien ; le luxe devrait être obligatoire. Je démarrais en trombe et l’espace d’une seconde, la moto de Lisbeth apparut dans le faisceau des phares. Non, décidément, je ne ressentais rien pour cette fille, c’était une malade.

De toute façon, j’avais à faire : chercher mon fric chez la mère Chiffon et rentrer en Belgique passer les fêtes de fin d’année.

Arrivé avec Aurore au trône d’or à l’entreprise de vente de chiffons de madame Chiffon (sic), je trouvais tout éteint, le parking vide. Personne. Je téléphonai à la patronne.

— Lorenzo ? Mais… Quoi ? Les congés de fin d’année, tu ne connais pas ? De quelle planète tu viens ?

— J’ai bossé toute la nuit pour toi ! On a voulu me faire la peau… Je veux mon fric ! Je rentre chez moi !

— De quoi tu parles ? Je t’ai donné ta prime de fin d’année en nature, hier soir, non ?

— Hein ? Je veux mon fric, bordel !

— Tu parles toujours d’argent… Tu es vulgaire Lorenzo ! En France, on ne parle pas d’argent !

— Je suis Belge !

— C’est vrai… Mon pauvre.

— Je peux facilement défaire ce que j’ai fait… Ça ne me prendrait…

— OK... OK… tu me prends par les sentiments… Si tu venais me rejoindre chez moi… Je suis avec des amis…

— Fais un virement ou je file voir ton mari dans son baisodrome en ville !

— Espèce de… gronda Caroline. D’où est-ce que tu connais son…

— Et la bombasse atomique qui le suce, tu veux que je te raconte ?

— Bordel, Lorenzo, s’indigna madame Chiffon, scandalisée.

Un silence tendu se prolongea. Elle respirait fort. Les Français et l’argent, c’est une plaie. Tu peux bosser mais pour te payer, on ne veut pas le savoir. C’est inconvenant, comme de chier en public.

— Tu es allé chez lui ? finit-elle par demander d’une voix blanche.

— Oui. On m’a même tiré dessus !

— Putain ! Qui ? Frédéric ?

— C’est une longue histoire. Mon fric. Je me casse.

— Tu ne vas pas m’abandonner dans cette situation ? Viens chez moi !

— Paye, bordel !

— Mais ce mec ! Tu me tues !

Nouveau silence gêné et lourd de sous-entendus.

— Elle est toujours avec lui ? fit Caroline.

— Babababa… Quelle femme, mais quelle femme… On peut mourir pour une meuf pareille.

— Tais-toi ! Tais-toi ! Monstre !

— Bah c’est toi qui en parles.

— Tu ne sais pas ce qu’est la délicatesse ? Je suis une femme blessée ! Je souffre !

— Nan. J’ai affaire qu’à des racailles de voleurs qui m’exploitent, alors la délicatesse, je m’assois dessus.

— Tu as baisé cette salope, j’espère…

— J’ai pas ce qu’il faut pour elle.

— Je ne comprends pas. Toi ? Mais tu es une queue !

— Il me manque la maille, la tune, l’oseille, le blé…

— Assez ! J’ai compris. Tu auras ton virement dans la matinée !

— Quand même… T’es constipée du porte-monnaie, toi.

— Elle n’est là que pour son fric, commenta Caroline.

— Si ça te fait plaisir. Enfin, ils s’aiment d’amour tendre… si tu vois ce que je veux dire.

Madame Chiffon raccrocha sèchement. Avec tout ça, je n’avais que la promesse d’une femme aigrie et pleine de rancœur. C’était bien peu de choses.

Je levai les yeux et constatait la présence d’une moto vintage garée en face de moi. Visière relevée, des yeux brillants me fixaient. Lisbeth quitta son destrier et enleva le casque.

— Quel mot tu n’as pas compris dans « il faut qu’on parle » ?

— Pas envie de parler. Bzzz ! Dégage !

— Alors c’est tout ce que tu as à me dire ?

— Ouais. Je rentre chez moi, dans ma famille !

— Je te dis que je t’aime et tu me dis « dégage » ?

— J’ai une femme et des gosses. Suis pas libre !

— Ne me fais pas rire ! C’est quoi ton problème ?

— Toi tu as un problème. Tu n’as pas toutes tes facultés.

Elle éclata de rire. Se penchant à la fenêtre de la voiture, elle ajouta :

— Je pourrais appeler ta femme et lui raconter que tu m’as baisée quatre fois de suite et que j’ai failli en crever.

— C’est toi qui…

— À ton avis quelle histoire croira-t-elle ? La mienne ou celle d’une femme qui nique un mec pour le faire crever de baise ? Ton avis ?

— Nan, mais dit comme ça, évidemment que…

— Parce que tu peux trouver une manière de lui faire gober ?

— Attends, je réfléchis.

Elle pouffa de rire, puis soudain, redevenant sérieuse.

— Tu as parlé de moi à madame Chiffon ?

— Non. J’ai pas été payé !

— Tu vas le faire ?

— Non.

— Pourquoi ?

— Parce que tu vas rien dire à ma femme. On se comprend ?

Elle acquiesça.

— Mon pauvre Lorenzo.

— Quoi ?

— Rien… Tu aimes ta femme ?

— Mais pourquoi tout le monde me pose cette question ? Qu’est-ce que ça peut faire ?

— Bah, c’est essentiel. Il n’y a que toi qui ne le comprends pas.

— Pfff ! Comme si l’amour avait la moindre importance dans la vie. Une femme peut-elle aimer un homme ? Pas une vilaine désespérée, mais une belle comme la Sophie…

Elle haussa les épaules, s’éloigna et remonta sur sa bécane.

— On reste en contact… fit-elle. Tu m’amuses trop.

— Dans tes rêves !

— J’ai de nouveau piraté le site. Il est down !

— M’en fous ! J’ai pas été payé. Je me tirailleur !

Je démarrai en trombe et quittai le parking. En route pour la Belgique. La France m’étouffait et Lisbeth m’agaçait.

Bzzz !

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