Chapitre 1

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 Devant la porte close, Violette savourait les dernières secondes de ce silence qui la rassurait. Les paupières fermées, elle laissait les doux flocons d'un hiver passé saupoudrer ses souvenirs enneigés. Seule la musique étouffée qui pulsait derrière le bois de l'appartement la maintenait encore dans la réalité. Un pas. Il ne lui restait qu'un seul pas à faire. En avant ou en arrière.

Le bruit de l’ascenseur la tira de ses rêveries. Son cœur s'emballa. Elle n'avait plus aucune échappatoire. Un homme s'approcha d'elle. Il était jeune, grand, il était... Sa vue se brouilla. Elle referma les paupières, elle voulait revoir la neige mais la pluie avait tout emporté.

  • Tu vas chez Mylène ? lui demanda l'inconnu qui s'était déjà posté devant la porte d'entrée.

Son sourire creusa deux petites fossettes sur chacune de ses joues et étira ses yeux bleus en deux fentes d'eau claire. Intimidée, la jeune femme reporta son regard sur la bouteille de vin entourée de bolduc rouge qu'elle tenait entre ses mains et acquiesça tandis que son compagnon de couloir appuyait sur la sonnette.

Une belle brunette, tout en rondeur, les yeux rieurs et les lèvres carmin ouvrit la porte :

  • Fred !

Violette fut instantanément happée par l'accent chantant de la jeune femme. Elle la détailla tandis que celle-ci enlaçait affectueusement l'homme qui lui faisait face. Une aura de tendresse rayonnait autour d'elle. Ses yeux flamboyants et son large sourire corroboraient la description que Pauline avait fait de cette passionnée de cuisine qui, en collègue généreuse et bienveillante, était toujours à l'écoute des autres, dégainant toutes sortes de pâtisseries pour redonner du moral aux troupes.

  • Tu es venu accompagné ? demanda t-elle enjouée.
  • Je suis Violette, la...
  • La copine de Pauline !

Son humeur joviale était communicative si bien que Violette sentit le poids sur son cœur diminuer sous le regard chaleureux de la jolie brune qui l'invita à entrer et lui désigna un canapé au bout du salon.

  • Pauline est installée là-bas, dans le fond. Je t'apporte un verre. Sangria, ça te va ?

Tandis que Mylène s'éclipsait en cuisine, Violette se dirigea lentement vers son amie. La musique était bien dosée, les convives semblaient s'amuser de façon posée ce qui la détendit davantage. Heureuse de la retrouver, Pauline se précipita vers elle et entama les présentations. À son grand soulagement, elle ne resta pas longtemps au centre de l'attention car déjà Mylène revenait avec un verre qu'elle lui tendit. Cette dernière resta un petit moment auprès de ses collègues pour s'informer de leur ressenti sur la soirée. Olivia lui répondit d'un air enjoué, Marilyne leva son pouce tout en portant son verre à ses lèvres et Samson la complimenta sur sa sangria qu'il jugeait « à tomber ». Seul Fred resta silencieux, les yeux rivés sur la nouvelle venue, avec une indiscrétion à peine dissimulée.

Rassurée, l'hôte repartit s'occuper d'un autre petit groupe d'invités et, Samson, visiblement à cours de breuvage, se leva pour aller chercher un nouveau verre de sangria, invitant Violette à prendre sa place.

  • Alors, c'est toi la boxeuse ? dit Maryline.

L'intéressée porta son regard vers la jolie blonde à l'allure sophistiquée qui l'interpellait. Des cheveux bouclés encadraient son visage parfaitement maquillé. Une grosse chaine en or, garnie de trois rangées de mailles cubaines, entourait son long cou et retombait sur un caraco blanc qui faisait ressortir sa peau bronzée.

  • Je ne t'imaginais pas du tout comme ça. T'es canon ! Pas vrai, Fred ? reprit-elle tout en adressant un clin d' œil à son collègue qui semblait complètement subjugué par la jeune femme.

Celui-ci ne releva pas mais détourna le regard pour se concentrer sur Olivia qui, heureusement, recentrait la conversation.

  • Pauline nous a beaucoup parlé de toi.
  • De vous aussi.
  • Ah oui ? Et qu'a t-elle dit, cette mauvaise ? rétorqua Maryline.
  • De toi, elle m'a dit que tu adorais faire la fête. Que tu avais des idées toujours très originales et que ton humour était un puissant remède contre n'importe quel « coup de mou ».

Marilyne croisa le regard malicieux de Pauline qui rit du double-sens de cette expression.

  • Impossible de parler sérieusement avec ses deux là ! pouffa Olivia. À moi maintenant ! Quel portrait de moi t'a dépeint notre chère Pauline ? demanda-t-elle avec une curiosité amusée.

Violette sourit à Olivia. Plus discrète, plus classique, un brin sévère, cette jolie brune correspondait parfaitement à l'image qu'elle se faisait de cette amie sérieuse et fidèle dont lui avait parlé Pauline.

  • Je sais que tu es la plus raisonnable du groupe et que ton savoir comme ton savoir-faire les a tirés un nombre incalculable de fois de la mouise.
  • Parfaitement ! répondit Olivia avec fierté.
  • Pauline m'a aussi dit que tu avais le cœur sur la main et que tu étais toujours là pour tout le monde.

Maryline regarda Olivia, qui les yeux brillants, adressa un regard ému à Pauline.

  • Moooooh, se moqua t-elle gentiment.
  • Et de Fred, continua Violette qui s'amusait de ce petit jeu des portraits, Pauline m'a dit que....

La jolie boxeuse laissa volontairement sa phrase en suspens, et se délecta des quatre paires d'yeux suspendus à ses lèvres.

  • ...que c'était un véritable Dom Juan ! termina Violette.

L'intéressé fusilla Pauline du regard, qui lui répondit d'un haussement d'épaules, tandis que les deux autres s'esclaffaient devant la mine dépitée de leur compère. Après les avoir laissés un moment rire à ses dépens, il se leva.

  • Où tu vas ? demanda Marilyne.
  • Draguer ! Où veux-tu que j'aille ?

Violette se sentit soudainement mal à l'aise mais Fred lui adressa un sourire au passage.

  • J'aurai dû éviter cette remarque idiote, murmura t-elle en se rapprochant de Pauline.
  • T'en fais pas, ça lui passera.
  • Oh j'adore cette musique ! hurla Maryline. On va danser ?

Olivia se leva à son tour pour la rejoindre sur la piste de danse improvisée au milieu du salon.

  • Tu viens ? lança Pauline à son amie.
  • Oui, après, promit-elle.

Samson revint les mains chargées de verres de sangria et en proposa un à la jeune femme restée seule sur le sofa.

  • Alors c'est toi notre boxeuse ? Je ne t'imaginais pas comme ça.
  • Mais que vous a t-elle dit à mon sujet ? Que j'étais Brahim Asloum version féminine ?
  • Non je t'imaginais bien plus grande que lui.

Violette éclata de rire à cette nouvelle remarque.

  • Non, Pauline nous a simplement dit qu'on ferait moins les marioles devant tes crochets... Alors ouais, j'sais pas je t'imaginais plus comme la fille de Mike Tison que de Lara Croft.

La jeune femme rougit de la comparaison. Ils poursuivirent leur discussion dans la bonne humeur. Violette se surprit à apprécier cette ambiance légère et taquine qui régnait dans ce groupe d'amis. Il y avait bien longtemps qu'elle n'avait pas profité d'une soirée comme celle-ci. Personne ne la questionnait sur sa vie, sur son passé ou ses projets. Elle pouvait se laisser aller en toute insouciance et savourer le présent sans avoir à replonger amèrement dans le passé ou s'inquiéter de son futur.

Elle porta son attention vers le milieu du salon. La boule à facettes tourbillonnait, envoyant une palette de couleurs psychédéliques de part et d'autre de la pièce. Hypnotisée par cette joie multicolore qui déteignait sur son cœur, Violette se laissa doucement porter par la soirée, heureuse du pas intérieur qu'elle était en train de franchir.

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