Chapitre 11

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Devant son écran d'ordinateur, Violette luttait. Contre le sommeil qui lui tendait les bras. Contre l'ivresse de cette nuit passée sous les draps. Elle sentait encore le souffle tiède de Fred dans sa nuque, le goût de ses baisers sucrés sur ses lèvres. Il avait effleuré sa peau du bout des doigts comme il effleurait les cordes de sa guitare, jouant des accords mélodieux dont l'écho tintait encore au creux de son cœur. Il avait déversé l'eau claire de ses yeux sur elle et coloré son monde de cet océan bleu-bonheur qui avait noyé ses peurs.

  • Violette !

La voix de Bertrand la tira de ses rêveries.

  • T'as mon bilan ?

Plus tôt dans la matinée, son collègue lui avait demandé de le lui préparer mais, l'esprit emporté par les vagues de souvenirs de sa nuit passée, elle l'avait complètement oublié. Elle se pinça les lèvres et se leva pour aller le chercher dans l'armoire métallique grise qui occupait le fond de son bureau.

Après lui avoir remis le dossier, Violette consulta son téléphone. Elle hésitait à envoyer un message à Fred. Ils s'étaient quittés au petit matin, contraints de mettre fin à cette nuit magique pour se rendre au travail alors qu'elle aurait tant aimé continuer à voguer paisiblement sur cette mer de douceur. Elle ferma les yeux, laissant l'eau bleutée de ses rêves couler le long de son corps.

  • Violette ?

Allan se tenait sur le seuil de son bureau et se tortillait. Après un raclement de gorge, il reprit :

  • M. Pavard t'attend pour la vérification du dossier.
  • D'accord.

Chaque baiser de Fred était comme ces petites gouttes d'eau qui perlent sur notre peau un jour d'été. Elle ne pensait qu'à ses lèvres qui...

Nouveau raclement de gorge. Violette releva la tête. Allan desserra le nœud de sa cravate. Elle repensa à la grève de train, à son teint blême, à la gifle de Nathalie.

  • Tout va bien Allan ?

Il roula des yeux et lorgna sa montre.

  • J'y vais Allan ! J'y vais !

Son collègue avait eu le don de couper court à ses pensées érotiques. Et la perspective d'un tête à tête avec son patron avait refroidi chaque parcelle de peau qui frémissait de désir quelques minutes auparavant.

Assise face à M. Pavard, Violette attendait qu'il ait terminé de contrôler son dossier. Tandis que les yeux globuleux de son chef allaient et venaient d'une feuille à l'autre, elle laissa les siens vagabonder à travers la pièce feutrée. Tout était gris-vert ici. Les rideaux ? Gris-vert. La moquette ? Gris-vert. La tapisserie ? Gris-vert. La veste de M. Pavard ? Gris-vert. Elle n'en pouvait plus de cette couleur. Depuis qu'elle avait vu l'océan miroiter à travers les yeux de Fred, Violette rêvait de château de sable et de ciel bleu.

  • Mademoiselle Delambre ?
  • Hmm, oui ? Vous êtes là ?

Violette se redressa sur son siège.

  • Euh oui, bien sûr Monsieur Pavard. Un problème avec le dossier ?
  • Non, aucun. J'étais justement en train de vous dire que votre professionnalisme méritait une révision de votre poste. Mais peut-être devrions-nous attendre que vous soyez...
  • Non, non. Je suis là, je vous écoute.
  • Bien. Vous n'êtes pas sans savoir que Muriel sera bientôt en retraite. Je souhaiterais que vous repreniez son poste d' auditrice. Vous en avez toutes les compétences. Votre rigueur et votre esprit d'observation et d'analyse sont des atouts indéniables. Mais prenez le temps de la réflexion, nous en reparlerons après vos congés.

Après avoir balbutié quelques mots de remerciements à son patron, Violette regagna son bureau. Elle resta quelques instants, les mains posées de part et d'autre de son ordinateur, sous le choc de cette annonce. Puis l'euphorie la submergea. La vie reprenait enfin son cours.

Le reste de la journée fila. L'annonce de sa future promotion avait redynamisé Violette qui termina de vérifier ses derniers dossiers avec attention. Elle leva le nez vers 17h50 et observa Allan empiler ses feuillets, signe de son départ imminent. À 17h55, il quitta le cabinet, mallette sous le bras. Amusée à l'idée de voir Edouard rejouer la même scène qu'Allan, Violette déporta son regard vers son bureau. Edouard rassembla les feuilles qu'il tassa sur son bureau dans un petit bruit sec puis les rangea dans son porte-documents. Elle rit et vérifia son téléphone avant de partir. Aucun message. Une pointe de déception lui piqua le cœur. Elle s'était attendue à ce que Fred lui envoie quelques mots. La mine défaite, elle fourra son portable dans son sac, salua ses derniers collègues et quitta l'agence à son tour.

En sortant du cabinet, elle tomba sur Fred, qui l'attendait, un bouquet à la main.

  • Des lys rose ! Symbole de l'affection et de la tendresse.

Violette avait parlé à voix haute. C'était sortit tout seul. Une vieille habitude.

  • Tu t'y connais en fleurs ? demanda-t-il.

Elle se pinça les lèvres. Devant le regard curieux de son ami, elle haussa les épaules.

  • Ma mère était fleuriste.
  • Était ?

Violette ne répondit pas et se mit à marcher.

  • Tu ne me parles pas beaucoup de toi.
  • Il n'y a pas grand chose à dire.
  • Je suis sûr que si.

Le jeune homme observa la jeune femme mais elle restait muette, le regard rivé droit devant elle et le sourire effacé.

  • Ok ! Alors, été ou hiver ? demanda-t-il.

La boxeuse se tourna vers lui, perplexe.        

  • Apprenons à nous connaître tout doucement, lui dit-il dans un tendre sourire.

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