Chapitre 5

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Violette avait beaucoup repensé au discours de Gaston ces derniers jours. Si elle voulait offrir ce qu'il y a de mieux à cet enfant qu'elle portait, il lui fallait d'abord faire le tri dans ses sentiments. Cette grossesse remettait tout en question. Elle devait penser au bien-être de son bébé mais avant toute chose à son bien être personnel. Son enfant méritait d'avoir une mère qui savait prendre les bonnes décisions. Toute à ses réflexions, elle entra dans le cabinet de Sandrine Levasseur.

— Comment allez-vous aujourd'hui ?

— Un peu perdue pour tout vous avouer.

— Perdue ?

— Dans mes sentiments.

— Je vous écoute.

— Et bien mon ex compagnon est revenu dans ma vie au bout de trois ans alors que je venais de rencontrer quelqu'un. Un quelqu'un avec lequel j'ai rompu depuis...

— Le premier événement explique t-il le deuxième ?

— Pas directement. Disons qu'il a peut-être provoqué plus rapidement quelque chose qui aurait de toute évidence eu lieu malgré tout.

— Pourquoi donc ?

— Et bien Fred, mon nouvel ami m'a surpris à discuter avec Antoine, cet ex compagnon dont je ne lui avais pas parlé...

— Et il s'est montré suspicieux... ?

— Oui.

— Avait-il des raisons de l'être ?

Violette hésita quelques instants.

— Non. Je ne souhaitais juste pas évoquer ma vie passée... Je vivais le moment présent et je ne voulais pas que ce passé interfère dans mon futur.

— Fred n'a pas compris ?

— Non. Il m'a expliqué qu'il avait besoin de me connaître entièrement, de savoir qu'il n'y avait pas de secrets entre nous...

— Comment avez-vous réagi ?

— Je ne demandais rien d'autre que de garder pour moi une partie qui ne le concernait pas. Je lui ai laissé le choix de s'en aller...et il est parti.

— Notre passé influence forcément notre avenir. Peut-être que votre ami avait simplement besoin de savoir ce qui avait fait de vous la femme que vous êtes aujourd'hui.

— Sans doute. Mais chacun a le droit de cultiver son jardin secret.

— Bien entendu. Il vous appartient de partager ou non vos pensées.

— Suis-je égoïste de penser ainsi ?

— Vous avez vécu des drames dont il n'est pas aisé de parler. Je comprends votre réticence à vous livrer. Peut-être qu'un jour vous vous sentirez assez en confiance pour avoir envie de partager avec quelqu'un ce pan de votre vie.

— Je ne sais pas. Les gens n'aiment pas la tristesse. Ça les met mal à l'aise. Ils vous font penser qu'ils comprennent mais ce n'est pas le cas alors ils vous ignorent ou vous abandonnent.

— En effet de nombreuses personnes ne savent pas comment réagir devant le chagrin d'autrui. Parlez-moi d'Antoine...

— Antoine fait partie de ces gens !

— Il vous a quittée ?

— Oui.

— Après la perte de votre bébé ? risqua Sandrine.

Violette détourna la tête. Revivre cette période serait à jamais douloureuse pour elle. Elle reprit la parole au bout de quelques minutes. Sandrine patientait, sans la brusquer. Affronter cette partie du passé constituait une étape importante dans le processus d'acceptation de Violette.

— Il avait été si présent à la mort de mon frère. Il a toujours été là pour moi en fait ! Je me sentais capable de tout surmonter auprès de lui. Jusqu'à la perte de notre enfant... Il a essayé je le sais. Mais je pouvais plus être sauvée cette fois-ci.

— Pourquoi donc ?

— Parce que rien de pire ne peut arriver. Parce qu'on peut survire à la mort d'un proche mais pas à la mort de son propre enfant...

— Vous y êtes pourtant parvenue.

— Oui je me demande encore comment mais je survis...seule.

— Ne pensez-vous pas que s'il n'a pas été en mesure de vous soutenir de la même manière que les autres fois, c'est parce que cette fois il était aussi directement impacté ?

— Certainement.

— Il n'est pas rare que lorsque ce genre de drame survient, les couples se séparent. C'est une tragédie terrible qui met à l'épreuve le couple. Chacun vit la chose de son point de vue. Certains ont besoin d'en parler, d'autres de le garder pour soi. Chacun vit des émotions différentes bien que l'événement soit commun aux deux. Certains entament le processus de deuil plus vite que d'autres. Cela crée des déséquilibres et des incompréhensions. L'un reproche à l'autre d'oublier ou de passer à autre chose quand l'autre s'efforce d'avancer du mieux qu'il le peut...

— Pourtant certains y parviennent.

— En effet certains couples résistent et cette épreuve les renforce...

Violette détourna une nouvelle fois la tête, les yeux remplis de larmes.

— Avez-vous pu échanger avec Antoine sur ce sujet depuis son retour ?

— Oui... Il m'a dit qu'il s'excusait, qu'il avait fait un choix égoïste mais que devant mon attitude il s'était senti tiré vers le fond. C'était lui ou moi...

— C'était donc une question de survie pour lui. Vous n'en étiez pas au même stade du processus de deuil et il lui a semblé plus pertinent d'avancer seul.

— C'est ça « seul plutôt que mal accompagné ».

Sandrine tiqua.

— Son attitude ne remet pas en question votre identité.

— Mais ça confirme que je ne suis pas quelqu'un d'exceptionnel, quelqu'un pour qui on a envie de se battre. Ça a toujours été comme ça.

— La « fuite » d'Antoine n'a absolument rien à voir avec votre personnalité. Il a d'ailleurs été lucide sur son comportement en vous avouant qu'il avait fait un choix « égoïste ». Je dirai plutôt personnel d'ailleurs. Il a en fait mis à l'écart votre couple dans lequel il se sentait perdu pour retrouver celui qu'il était. Vous a t-il dit où il en était à présent ?

— Il m'a dit qu'il regrettait. Je pense qu'il attend qu'on reprenne là où on en était restés...

— Et vous que pensez-vous ?

— Je lui en veux toujours de m'avoir laissée.

— Il vous faudra un peu de temps encore pour pardonner.

— Ses explications m'aident à mieux le comprendre. Vous m'excuserez, le mot est fort mais je ne le hais plus.

— L'amour est complexe. C'est un sentiment tellement intense qu'en cas de déception ou de trahison ce sentiment peut-être altéré par des émotions plus négatives comme la « haine » par exemple qui paraît contradictoire avec l'amour et qui, pourtant, puise sa force dans la même essence. Le contraire de l'Amour n'est d'ailleurs pas la haine : « Ne pas aimer ne signifie pas haïr » !

— Savoir qu'il éprouve toujours des sentiments à mon égard et qu'il exprime des regrets modifie ce sentiment négatif à son encontre. Je ne peux m'empêcher de me dire que son retour est peut-être l'occasion de repartir de zéro. Je pense que d'une certaine façon je l'aimerai toujours.

— Ressentir ces émotions ambivalentes est somme toute légitime. Mais gardez à l'esprit que vous n'effacerez jamais le passé. Il vous faudra être certaine de l'avoir accepté pour être en mesure d'avancer, que ce soit avec Antoine, Fred ou qui que ce soit d'autre.

Sandrine laissa le temps à Violette d'intégrer cette dernière partie.

— Je propose qu'on en reste là pour aujourd'hui afin que vous puissiez digérer tout ceci et faire le tri dans les sentiments que nous avons abordés. Vous avancez vite Violette, n'ayez pas peur de la suite, quoique vous décidiez, qui que vous choisissiez, écoutez votre cœur, il est le meilleur guide qui soit.

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