Eva

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Maximilien fut accueilli par le même homme souriant que la fois précédente. Il osa à peine lui adresser un regard, terrifié à l’idée de ce qu’il lui annoncerait.

— Bonjour monsieur Clair ! Asseyez-vous, je vous en prie. Vous paressez tendu… Rassurez-vous, je ne vais pas vous faire mariner.

Il laissa néanmoins un bref silence avant de s’exclamer :

— Votre demande a été validée !

La mâchoire de Maximilien se décrocha pendant que son cœur se livrait à un exercice de haute voltige. Le bonheur le gagna comme une douce brise caresse un corps. Il ne trouva pas les mots pour exprimer ses pensées bouillonnantes, opta donc pour le silence jusqu’à être en mesure de parler de nouveau.

— C’est formidable, dit-il enfin, et croyez-moi, c’est le plus beau des euphémismes.

— Je n’en doute pas. Voilà le projet, annonça son hôte en lui tendant une tablette. Nous travaillons déjà sur l’androïde qui sera la réplique parfaite d’Eva. Nous avons pris en compte tout ce dont vous m’avez fait part il y a quinze jours, ainsi que de toutes les informations supplémentaires dont nous disposons. Je vous laisse regarder plus en détails et signer en bas du document.

Une androïde… Bien sûr, l’Agence ne savait pas ressusciter les morts, mais entendre ce mot l’obligeait à se confronter à la réalité. Ce ne serait pas Eva…

— Vous savez, ajoute son interlocuteur en voyant sa déception, de nos jours les robots sont plus que de simples machines. Je peux vous assurer que vous ne serez pas déçu.

En effet, les croquis que Maximilien aperçut sur le document paraissaient plus vrais que nature. Il soupira.

— Quand sera-t-elle… finie ? demanda Maximilien en rendant la tablette à son propriétaire.

— D’ici deux semaines vous devriez la recevoir. Nous vous enverrons un message en amont pour vous informer de la date précise. Et si vous n’avez pas d’autres questions, notre entretien est terminé.

Les deux hommes se serrèrent la main chaleureusement, puis Maximilien rentra à son appartement en songeant que bientôt, il n’y serait plus seul.


Quand une dizaine de jours plus tard on sonna à sa porte, Maximilien bondit. Il se précipita dans l’entrée et lorsqu’il ouvrit la porte, c’était comme si elle était revenue.

— Eva !

— Coucou toi, lança gaiment cette dernière.

C’était sa voix, ses intonations. Et ce sourire radieux, c’était le sien aussi. Les mêmes yeux marrons tirant sur le vert qui, posés sur Maximilien, pétillaient d’un bonheur partagé. Eva s’approcha et l’enlaça timidement. Maximilien retrouva immédiatement la familiarité de ce contact.

À mesure que la journée avançait, il reconnaissait toujours plus Eva dans l’androïde qu’il avait en face de lui.

— Tu as l’air si humaine… Tu lui ressembles tellement, lui confia-t-il.

— Je suis là pour ça, répondit-elle tendrement. Pour que tu oublies que je ne suis qu’une androïde.

Alors il oublia. Les semaines passèrent, les plus belles de sa vie. Il avait retrouvé Eva et sa douceur, Eva et ses maladresses et sa joie de vivre, Eva et sa passion pour les histoires. Il avait retrouvé ses piles de livres parfaitement alignés, ses crayons, ses pastels et ses pinceaux. Il s’était réconcilié avec leurs photos désormais affichées un peu partout dans l’appartement, avec les chansons qu’ils avaient écouté tant de fois tous les deux. Il goûtait de nouveau à leurs balades du samedi dans le parc voisin, à ces moments qu’ils passaient à la terrasse de leur café préféré.


Pourtant un matin, une épine éclata la bulle de bonheur dans laquelle il vivait depuis plusieurs mois. Eva ne se réveilla pas. Il attendit toute la journée, rongé par l’inquiétude, sans aucune évolution. Il se décida alors à appeler l’Agence pour lui faire part du problème.

— Il ne s’agit pas d’un dysfonctionnement, monsieur Clair. Je vous invite à relire le contrat que vous avez signé ; il était précisé dans les détails du projet que cette androïde a été programmée pour être définitivement désactivée au bout de six mois. Ils sont arrivés à leur terme aujourd’hui.

Maximilien ne put articuler un mot. Il avait la sensation que son cœur était de plomb et qu’il dégringolait au fond d’un gouffre qui n’en avait pas. Les yeux dans le vide, il n’eut même pas la force de verser des larmes. Incapable du moindre mouvement, il resta assis des heures durant, devenu tout aussi immobile qu’Eva.

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