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Les femmes sont insupportables en même temps qu’indispensables. C’est une triste fatalité et c’est pourquoi je me considère comme un pénitent. Ma vie est faite de souffrances et je ne suis sur cette terre que pour endurer.

C’est ainsi. J’en vois déjà s’indigner et me lancer l’anathème stupide du Caliméro. Non, je ne me plains pas ! Je suis l’archétype du stoïcien ! Je souffre en silence, je cache ma joie et ma douleur, même si j’en ai gros au sujet des femmes. Et j’ai des raisons. Non, je ne suis pas en train de...

Il y a quelques jours mon amie Béa me téléphona. C’est une femme qui a arrêté de vieillir à 40 ans depuis bientôt dix ans au moins. Plus rien chez elle n’est naturel c’est une femme qui passe sa vie à s’occuper d’elle. Est-elle belle ? Cela se dit d’une femme de son âge ? Je sais qu’elle est affreusement riche et cela me convient. Son caractère est odieux, ses manières sont… pénibles par leur manque de naturel. Elle veut tout contrôler et finalement laisse tout tomber par lassitude. Divorcée, elle est incapable de vivre seule.

Non, je ne suis pas un gigolo ! Je rends service ! Je suis un opportuniste, où est le mal ?

Donc, Béa me sonnait. Je bossais comme d’habitude, enfin j’envisageais de le faire, je m’y préparais avec application, mentalement. Et voilà qu’on me dérangeait sans vergogne !

Cette femme se fiche d’être importune, c’est le sans-gêne incarné, elle paye pour ça aussi, alors elle a le droit. Elle se moque de ce que les autres ressentent, le monde tourne autour d’elle.

— Laurent, je me suis suicidée par ta faute !

Non pas par ma faute ! Je suis innocent ! Et d’ailleurs ses suicides sont des simulacres. Elle se pare de dessous sexy, se maquille, se pomponne et avale une vodka-Martini avec un Lexomil. Quand elle est contrariée, elle fait sa crise. En général c’est parce que je l’ai envoyé… sur les roses.

— Encore ? fis-je, laconique.

— C’est tout ce que tu trouves à dire, espèce de monstre ?!

— Tu m’as viré en me disant qu’on ne pouvait sortir de sa condition, et tu m’as aussi traité de voleur…

— Tu es un voleur ! Je n’ignore rien de tes turpitudes ! Tu me voles ! Tu as un problème avec le fric ! Espèce de Français ! J’ai les yeux partout, mais tu sais abuser de mon amour… Je te hais !

— C’est pure calomnie, complètement parano. D’ailleurs, je suis Belge présentement.

En réalité pas tout à fait… Mais je brûle un cierge à Sainte Frédégonde, la patronne des exilés fiscaux.

— Et en plus, tu as osé laisser une pauvre femme, seule, dans ce pays de cocagne, plein de mécréants, de violeurs, sans justice !

— Tu parles de la France, la lumière du monde ?

— Tu sais pourtant à quel point être riche en ce pays de voyous est risqué ! Mais tu t’en fous ! Tu es un égoïste comme tous les hommes !

Je restai silencieux attendant qu’elle me dise ce qu’elle attendait de moi en réalité. Il y a des femmes qui ne sont pas faites pour le divorce mais qui oublient de réfléchir aux conséquences de leurs actes.

Oui, je sais une femme qui réfléchit n’est pas dans l’ordre des choses… Hein ? C’est odieusement sexiste ? Je dois prendre un avocat ?

Et pourtant son mari était parfait pour elle. Con mais avec de bonnes manières avec la bonne, vieille France, fin de race. Un seul défaut, le jeu. Il avait englouti sa petite fortune au casino et espérait bien dilapider celle de sa moitié. Mais il ne faut pas sous-estimer les femmes en ce qui concerne l’argent. Jamais.

— Et à part ça, ça va ? fis-je, benoîtement.

— Laurent, j’ai besoin de toi !

— Trouve quelqu’un d’autre. Non, j’en ai marre. Au surplus, je n’aime pas les gens qui persistent dans l’échec. J’aime les gagnants. Tes suicides ratés… Ça craint, comme aurait dit le Général !

— Je te paierai, bordel ! s’exclama Béa, visiblement excédée qui se laissa aller à la grossièreté.

— Alors c’est cool ! Et coucher ?

— Tu sais que je ne coucherai avec toi que si tu as des sentiments sincères !

— Mais tu sais combien je t’aime !

— J’ai dit sincère, racaille !

— Pourtant on a déjà…

— Des moments de faiblesse d’une femme ignoblement abusée… et lâchement abandonnée !

— Ah… d’accord. Quand tu me dis « baise-moi, connard ! » c’est…

— Laurent !

Un silence se fit. Je la sentais bouillir. Elle finit par rompre le silence.

— Il faut que je me rende au château de… je t’expliquerai. C’est très classe, comme tu aimes avec tes goûts de parvenu. Ton histoire de marmelade au citron à Londres, je l’ai encore là !

Peut-on honnêtement reprocher à un homme de goût des toasts à la marmelade de citron à Londres quand on loge à Kensington Road ? Je l’avoue, parfois j’ai des caprices, je ne suis pas dénué de défauts. Voilà !

— Je sens que je vais m’y emmerder à mourir… fis-je sans enthousiasme.

— Laurent ! Cette vulgarité… Tu es un rustre !

— I know... I know… C’est ce qu’une femme comme toi recherche, non ?

— Salaud !

Elle raccrocha. Que pouvais-je faire ? La laisser à la merci des révolutionnaires français, régicides et communistes ?

Avec le prix de l’électricité, je décidai qu’il était préférable d’aller passer l’hiver au chaud avec les riches. Parfois ils chauffent trop et ça me donne le rhume des foins. Je ferai avec. Comme je dis toujours, il vaut mieux être du côté du manche.

Je fis mon bagage, pris mes clubs de golf et mon échiquier portatif. J’ai besoin de peu, je suis un homme simple.

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