Cher Édouard,

Tu dois être surpris de recevoir cette lettre, puisque, selon toi du moins, tu es parfait. Mais voyons les choses de face: tu es loin de l'être. En fait, personne ne te supporte. Désolée de t'assener ça comme ça, mais c'est la stricte vérité. Tu ne vois toujours pas? Laisse moi te ramener en arrière, en janvier 2020.

Oui, c'était avant la covid. Tu occupais le casier voisin de ma meilleure amie. Elle te trouvait rassurant, parce que quand tu étais là, ça voulait dire qu'elle n'était pas seule avec le gars con à quelques casiers d'elle. Elle aimait ta présence. Enfin, jusqu'à Ce jour. Oui, tu n'avais pas beaucoup d'amis. Tu en as toujours aussi peu, d'ailleurs. Tu te sentais probablement en manque d'affection, ce jour là. Mais peux-tu bien me dire ce qui t'es passé par la tête quand tu t'es invité avec elle pour diner? En fait, on le sait tous. Tu étais sous son charme. Tu l'aimais, la belle Alexandra! Dommage pour toi, elle était déjà prise...

Il faudra que tu te le fasses dire un jour: on ne peut pas s'incruster comme ça dans un groupe d'amis. Tu es donc arrivé, tu t'es assis avec nous. On était tous malaisés. Pas toi. Tu nous a probablement parlé de trucs super palpitants, mais je ne m'en rapelles plus. Heureusement, tu devais aller à une pratique de clarinette, donc tu nous a laissé tranquilles au bout de 20 minutes. On se disait que c'était exceptionnel, que tu n'allais pas recommencer.

Malheureusement, on se trompait. Tu es venu manger avec nous le jour d'après, puis le suivant, puis encore le suivant. C'est simple: tu étais toujours là. Rapidement, on s'est sentis prisoniers de cette supposée amitié que tu t'étais inventée. Tu n'avais qu'un seul sujet de conversation: toi. Non seulement, c'était inintéressant et barbant, mais en plus, tu ne t'en rendais même pas compte. On cherchait tout le temps à t'éviter, le matin, le midi, le soir. Car oui, bientôt, empoisonner nos diners ne t'a plus suffis. Il fallait que tu sois tout le temps avec nous. Ou enfin, avec Alexandra. Tu te foutais pas mal du reste de ses amis. Tu n'as jamais fait l'effort de retenir mon nom, alors qu'on mangeait et qu'on faisait un bout de trajet ensemble (toujours avec Alexandra, évidemment) TOUS LES JOURS. On t'a menti sur notre trajet du retour, pour écourter la route à faire ensemble le plus possible.

Ça a duré des semaines, jusqu'à la semaine de relâche. Tu lui as laissé ton numéro de téléphone, pour que vous fassiez quequelque chose pendant la semaine. Évidemment, elle ne voulait pas. Alors, elle t'a écrit par texto qu'elle faisait déjà quelque chose. Mais elle a envoyé ce texto du téléphone d'une de nos amies, parce qu'elle ne voulait pas que tu aies son numéro. S'est alors ensuivi un long échange ou on t'a dit qu'elle sortait déjà avec quelqu'un (ce qui était vrai) pour que tu la lâches. Pourtant, ça ne t'a pas découragé.

Ensuite, on est revenus de la relâche. Petit rappel: après la relâche, on a été quatre jours à l'école, puis on a été confinés le vendredi. Le jeudi, donc, on t'évitait le plus possible. Mais tu es tout de même rentré avec nous. Pour que tu partes enfin, on a du prendre l'autobus (alors qu'on prenait le métro, mais qu'on ne te l'avait pas dit parce que tu le prenais aussi) pour quelques arrêts. C'est là qu'on a prit la décision de te "flusher" le lendemain. Avant, on ne voulait pas te faire de peine, mais on trouvait que tu étais allé trop loin.

Et évidemment, le lendemain, confinement pour plusieurs mois. On ne s'est revu qu'en septembre, et heureusement, j'ignore pourquoi, mais l'éloignement t'avait fait oublier notre existence, et tu nous a donc laissés tranquilles.

J'espère qu'un jour, quelqu'un osera te dire tout cela de face, pour que tu comprennes.

Voilà voilà, cette histoire est vraie, mais les noms ont été changés pour des raisons de confidentialité! Ce n'est pas exactement une "trahison", donc désolée si ça ne correspond pas tout à fait au défi!