Un cœur qui souffre
- N'as-tu pas autre chose à dire ?
Nous sommes sur un banc lézardé par des fleurs blanches et des feuilles lumineuses. Éclairés par des faisceaux dorés, nous sommes assis confortablement près de la grande et sinistre porte d'entrée, alors que le monde extérieur patauge dans l'abîme. L'atmosphère à l'air poétique et enchanteresse.
- Pourquoi aurais-je autre chose à dire ? J'ai tout dit.
Un espace perceptible nous sépare. Gênée, j'esquisse un petit sourire nerveux.
- Tu sais... Je t'ai cramée.. .je savais depuis le début.
Mon cœur se lâche. Tous les souvenirs de l'année passée refont subitement surface et me frappent de plein fouet. La violence est telle que ma respiration se coupe nette. Le soir d'hiver où j'ai pris conscience de mes sentiments pour toi, nous deux près d'une fointaine éclairée, les rires joyeux et sincères, le temps suspendu à tes côtés : une scène imprégnée de féerie. Nos câlins passionés, nos délirs, nos promesses...Tous les moments avec toi, je les ai chéri et je les porte encore dans mon âme : que ce soit lorsque tu étais le soleil de mes journées ou l'orage de mes songes. Oui, tu as métamorphosé les saisons de ma vie en un printemps de cerisiers en fleur aux arômes délicieux, celui des pivoines coquettes qui de leur beauté généreuse subjugue les astres, ou encore le printemps des tableaux pittoresques traversés par des fleuves limpides baignés de lumière. Même si tu créais des giboulées, je me précipitais sous la pluie.
- Est-ce que tu penses savoir que tu sais ce que je sais ce que c'est, je bredouille en détresse.
Je remue.
- Tu sais... tu peux me le dire. Ça restera entre nous, je te le promets.
Je cache mon visage et je me mets à rire. Un rire sincère qui cache une blessure profonde, cette blessure est vive et me consumme toute entière, je rigole pour dissimuler ma peine et pour paraître forte ; je ne veux pas te montrer que j'ai mal. Mais j'ai si mal. Je veux pleurer toutes les larmes de mon corps, pourtant je ne peux tout simplement pas. Car j'ai déjà trop pleuré pour toi, j'ai trop souffert en t'aimant. Et maintenant te voilà, avec ton charme irresistible, en train de me dire de t'avouer les sentiments que j'ai pour toi depuis un an, ceux que je garde ancrés au plus profond de moi, ceux que j'ai essayé de câcher, mais en vain. Cette douleur aïgue, elle me tranperce les entrailles. Je veux pleurer de rire face à la situation : ton premier amour te ridiculise et tu es obligée de sourire bêtement. Alors que tu veux hurler, te tortiller dans ton lit dans tous les sens, en donnant des coups de pieds contre le mur ; t'emmitouffler sous ta plus épaisse couverture et crier contre ton coussin avant de le fracasser contre le mur, afin de libérer tout ce qu'il y a d'enfoui dans ton cœur brisé, jusqu'à ce que la rage, la honte et la tristesse s'éclipsent, te laissant dans une transe mélancolique.
Consciente que je ris toute seule depuis un bon moment, je rougis de honte. Bientôt, mon cœur se met à battre plus violemment que jamais, chaque coup sauvage venant taper sur mon plexus cœliaque. Hors d'haleine, je toussote.
- Je vais pêter mon crâne, je crie à pleins poumons tout en frappant le creux de ma poitrine pour pouvoir respirer
Tu t'approches de moi, brisant l'espace terriblement pesant qui nous isolait. Tu sembles inquiet et solennel ; je me retrouve à te contempler longuement, d'abord tes beaux iris bruns dont l'éclat reflète ta bienveillance, puis ta chevelure soyeuse qui tombe en ondulations sur tes épaules larges. Soudain, tu déposes ta main sur ma poitrine, à l'endroit que je tapais. Le contact soudain fait flamboyer mon cœur.
- Arrête de te frapper.
Je repousse ta main avec brutalité. Je lève les yeux au ciel, reprenant mon humeur habituelle. Je te fixe droit dans les yeux. Après quelques secondes, je décide d'ouvrir la bouche.
- Imbécile. Sale fou va.
Annotations
Versions