Paradoxalement, les multivers peuvent sauver la morale kantienne du devoir.

Sa formulation, l’impératif catégorique, est incroyablement abstraite : « Agis comme si la maxime de ton action devait être érigée par ta volonté en loi universelle de la nature. »

Tout change, si nous raisonnons dans le cadre des multivers.

Dans notre univers local, mon action ne concerne que moi, pour dépasser mon égoïsme, pour s’élever à l’universel, la fiction d’une possible législation de la Nature est pertinente.

Je m’apprête à mentir, mais que se passerait-il si le mensonge devenait la loi de la Nature ?

Certes c’est intéressant, mais qui est vraiment concerné par une perspective si abstraite et générale ?

Le multivers cosmologique est différent, chacune de mes actions engage la responsabilité de milliards d’autres moi.

Ils devront tous subir les conséquences de mon action et les milliards de milliards d’hommes qui les entourent aussi.

Nous ne sommes pas dans l’universel, mais nous ne sommes plus du tout dans le singulier.

Ce n’est plus du tout ma petite vie qui est modifiée par mon mensonge mais des milliards de vies : mon choix d’action touche à l’universel.

« Agis comme si la maxime de ton action devait être érigée par ta volonté en règle de vie pour des milliards de moi »

Cette reformulation est bien plus accessible, plus réaliste, plus humaine, aussi.

Si nous reprenons l’exemple de la jeune fille victime d’un viol incestueux, la question de l’avortement est différente : « Vais-je imposer l’horreur de cette grossesse forcée à des milliards de moi ? »

Ici tout change.

Je reconnais, cependant, que cette perspective est discutable.