Chapitre 14 : Le gouffre

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Depuis combien de temps cherchait-elle ?

Ezékiel était parti, refermant une parenthèse que la jeune femme avait beaucoup apprécié. Mais il était temps de se remettre au travail. Fini les amourettes et autres pertes de temps, Kira n’était plus une petite fermière en quête d’amour. Elle était chevalier du dragon et avait un but.

Elle savait que le château regorgeait de pièces secrètes, elle en avait découvert quelques-unes. C’était ainsi qu’elle avait trouvé la princesse zalénienne.

Profitant, comme tous les jours, que ce ne soit pas son tour de surveiller la forteresse, la brune se baladait innocemment dans les couloirs de pierre. Elle était revenue plus d’une fois dans la salle aux tableaux, la moquette était encore tâchée de sang par endroit, rappelant à tous les événements qui s’y étaient déroulés.

Ezékiel lui avait dit pour la mort d’Orestt.

Tournant et retournant un petit objet dans sa main, elle soupira. Les souvenirs refaisaient toujours surface au mauvais moment.

“— Tiens, un cadeau pour te remercier de ton aide, disait le brun en lui tendant un anneau d’argent.

— Qu’est-ce que c’est ?

— Quelque chose qui pourrait t’être bien utile. Tu cherches des informations, si j’ai bien compris.

— Oui. Mais en quoi un anneau pourrait m’être utile ? Pour demander l’un des Sharaka en mariage ?

Son rire résonna dans la pièce durant quelques instants avant qu’il ne daigne s’expliquer :

— Bien sûr que non. Il est spécial, tu sais.

Il l'enfila et disparut

— Orestt ?

— Je suis toujours là, mais si je reste immobile, l’anneau me rend invisible, expliqua-t-il.

Sa voix semblait un peu étouffée. Il fit quelques pas, le faisant réapparaître. Lorsqu’il s’arrêta, il disparut de nouveau. Le jeune homme retira finalement le bijou, mettant fin à sa démonstration, avant de lui tendre l’objet.

— Je ne peux pas accepter, tu en auras surement besoin toi aussi.

— Non, ne t’en fais pas. J’ai plus d’un tour dans ma manche, tu sais, dit le brun avec un clin d’oeil.”

L’anneau ne la quittait plus depuis.

Et aujourd’hui, il pourrait bien lui servir. On aurait pu croire qu’après des mois à arpenter cette forteresse, elle n’aurait plus aucun secret pour Kira. Pourtant, elle venait de découvrir un couloir qu’elle n’avait jamais emprunté et dont elle était sûre de ne jamais l’avoir vu.

Situé dans une partie très peu fréquentée, dans le sous-sol de la partie la plus au nord, il descendait en pente douce bien plus bas que le niveau des cachots. Les pierres semblaient plus sombres, à moins que ce ne soit la quasi absence de lumière. Il y avait bien, de temps en temps, un chandelier ou un flambeau, mais ils étaient extrêmement espacés. C’était évidemment un avantage pour la jeune femme. Si quelqu’un approchait, elle ne serait pas repéré tout de suite. Mais elle ne verrait pas non plus immédiatement un potentiel ennemi.

Par précaution, Kira enfila l’anneau. Ainsi, elle n’aurait seulement qu’à s’immobiliser si quelqu’un arrivait.

Le couloir finit par s’arrêter de descendre. La brune avait tellement marché vers le nord qu’il lui semblait qu’elle ne se trouvait plus sous le château. Était-elle ne serait-ce qu’encore dans l’enceinte des remparts du château ?

Il lui sembla tout à coup entendre des voix. Ralentissant le pas, elle tendit l’oreille. La Wesi était encore trop loin. Il fallait qu’elle se rapproche discrètement.

Deux personnes parlaient, Kira reconnut alors les voix. Elle pouvait être sur qu’il y avait une troisième, muette mais attentive.

Les Sharaka en personne.

— … toujours aucuns résultats ! s’exclama l’un d’entre eux, probablement Maeko. Nous aurions dû l’interroger comme il faut.

— Il nous a déjà dit tout ce qu’il savait. Une sorcière lui a éveillé les sens. Aucune formule. Aucun rituel, lui répondit l’autre, sûrement Niamor.

— Nous aurions pu faire des tests sur lui. Ou l’obliger à nous dire où trouver cette sorcière.

— Il est bien plus utile au front, et tu le sais. Ezékiel est jusque-là notre meilleure création. Je pensais que tout était perdu lorsqu’il est revenu aveugle. Mais il a trouvé lui-même comment arranger les choses.

— Oui, mais il en a aussi profité pour se rapprocher de Kira.

— Ce n’est pas grave.

— Certes, mais ils ne doivent plus se voir. Sinon tout risque de tomber à l’eau et tu le sais.

Il y eut un silence, laissant le temps à la jeune femme se digérer ce qu’elle avait entendu. Qu’avaient-ils fait à Ezékiel ? Et pourquoi ne devait-elle pas entrer en contact avec lui ?

Toujours aucunes réponses mais bien plus de questionnement.

Plongé dans ses pensées, Kira ne remarqua pas tout de suite que des pas approchaient. Rapide comme l’éclair, elle se plaqua contre le mur et retint sa respiration. Si elle se faisait prendre maintenant…

Le trio passa sans la voir, pourtant, Irtimir s’arrêta quelques instants, humant l’air.

— Irtimir, nous avons des choses à faire, cria Maeko sans se retourner.

L’autre grogna, renifla de nouveau puis suivit ses frères avec réticence. CeSharaka ressemblait bien plus à un animal qu’à un homme.

Lorsqu’ils furent assez loin, Kira put enfin respirer normalement. Il s’en était fallu de peu.

Ils avaient dû arriver au bout du couloir lorsque des éclats de voix parvinrent jusqu’à elle.

— … mécanisme… cassé…

— … réparer plus tard… sort… dissimulation…

C’était vraiment son jour de chance. Si elle avait bien compris, le mécanisme de fermeture du couloir était cassé. Kira ne risquait donc pas de se faire piéger à l’intérieur.

Un peu rassurée, la brune décida de continuer à avancer.

Elle arriva rapidement près d’une salle illuminée par un puits de lumière. En son centre, en opposition de la lumière, se trouvait un puits sombre d’où sortaient des gémissements faibles et plaintifs. La jeune femme allait passer l’entrée de la salle, lorsqu’elle remarqua la couleur étrange du linteau. D’un rouge sombre tirant sur le brun, il comportait aussi de nombreux symboles inconnus de la chevalier.

Elle ne pouvait entrer et risquer d’activer un piège ou, pire, d’alerter les Sharaka. Si seulement elle savait utiliser la magie.

“Je ne peux pas rester là éternellement.” pensa-t-elle.

Elle décida donc d'observer en restant dans le couloir.

Entre elle et le puit sombre, il n’y avait que quelques pas. De l’autre côté, se trouvait une porte noire. De chaque côté, se dressait deux grands “x” munies de sangles. A gauche, contre le mur de la salle ronde, se trouvait un établi en pierre encombré de matériels étranges.

C’était sûrement ici que les triplés faisaient leurs expériences.

A droite, se tenaient plusieurs portes en bois. L’une d’entre elles était entre-ouverte, laissant voir une partie de ce qui ressemblait à une table, elle aussi munie de sangles.

Tendue au maximum pour apercevoir plus de l’intérieur de la pièce, Kira manqua de tomber et lâcha un juron qui résonna sur les murs courbes. La jeune femme se figea. Tout était trop silencieux. Les gémissements c’étaient tu. La Wesi attendait quelques instants, sur le qui vive. Ainsi immobile, elle se savait invisible grâce à l’anneau d’Orestt.

Un cri retentit alors, puis un autre et enfin une centaine. Tous venaient du gouffre, demandant désespérément de l’aide.

C’était les Wesi qui avaient enfreint des règles. Des rebels aux yeux des Sharaka.

Kira réalisa alors que si elle se faisait attraper, elle finirait elle aussi dans ce trou à gémir.

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