Le Thé de Chine à l'Orange

Une minute de lecture

Assise sur mon vieux canapé acheté la veille à Saint-Girons à un vieil hippie qui parlait à peine, je savourais une tasse de thé de Chine à l’orange. La vieille cheminée crépitait dans un coin sombre de cette cabane de l'Ariège. La nuit de décembre écrasait d'un tombeau de neige la petite église de Boutou-Boussenac. Le bruit des brindilles était parfois couvert par les aboiements de Brutus, mon chien qui campait à l'extérieur. Pourtant, ce soir, il était étrangement silencieux.

Soudain, trois coups résonnèrent à ma porte. Un frisson me parcourut l’échine. Qui pouvait bien frapper à une heure pareille ? Et pourquoi Brutus n'avait-il pas donné l'alerte ?
Je me levai, hésitante, et ouvris la porte. Ce que je vis me laissa pantoise. Là, devant moi, emmitouflée dans une petite doudoune fripée, se tenait… moi.
— Comment, tu ne me laisses pas entrer ?

Dans un songe, je m’écartai pour lui faire place. Elle s’installa sur le canapé, balayant la pièce du regard avec émerveillement.

— Waouh ! C’est chez nous, ça ? Tu as beaucoup de goût, dis-doncc.

Je souris amusée. Comment réagir face à soi-même.

— Pourquoi es-tu là, demandais-je enfin.
Elle haussa les épaules.

— Pour répondre à tes questions. Tu en as forcément plein, non ?

Un vertige me prit. Tant de choses que j’aurais voulu savoir plus jeune, tant d’erreurs que j’aurais aimé éviter… Mais l’enfant devant moi ne semblait pas venu pour recevoir des leçons.Elle était là pour m’écouter. J'ajoutais :

— Suis-je devenu celui que tu voulais être ?
Elle me regarda longuement, comme si elle analysait chaque détail de mon visage.

— Ça dépend… Est-ce que tu es heureuse ?

Je restai muette. La vraie question était là. Mon moi d’enfant n’attendait pas de grandes réussites ni de succès éclatants. Il voulait juste savoir si, en grandissant, j’avais trouvé ce que nous cherchions tous les deux : le bonheur.

Un sourire naquit sur mes lèvres. Ce soir-là, dans cette étrange conversation entre mon passé et mon présent, je compris quelque chose d’essentiel : il ne fallait pas abuser du thé à l'orange de Chine.

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