Chapitre 7 : Un agréable imprévu.

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La journée commençait mal et s’annonçait pleine d’imprévus. Alors que Nice et Selim partageaient un banc durant la première heure de cours, Faye s’était isolée.

Seul à son bureau, Alex n’arrêtait pas de la regarder. Son attention se porta ensuite sur son professeur. Ce dernier regardait le garçon en face de lui avec de grands yeux ronds :


  • Qui es-tu, toi ? lui demande celui-ci.
  • Steve Matveïev.
  • Oh, tu es cet élève, répondit-il en prenant sa liste pour la parcourir. Comment se fait-il que je n’ai pas été prévenu de ton retour ?
  • Je vais mieux, donc me revoilà.
  • Je… vois… Bon retour parmi nous. Je t’en prie, prends place.

Sans hésiter, le grand gars aux cheveux noirs s’avança jusqu’à la chaise libre à côté d’Alex. Il ne lui demanda pas son avis et ne se présenta pas. Rien. Voilà que son nouveau voisin de classe était aussi peu loquace que lui. Son nom lui disait vaguement quelque chose. Il l’analysa discrètement et le surpris à faire la même chose de ses longs yeux bridés.


  • Je parie que tu ne te souviens pas de moi ? Pas étonnant, j’étais un petit obèse avant, rit-il froidement.

Effectivement, il avait raison et il avait du mal à l’imaginer plus charnu vu son poids plume. Il n’y prêta pas longuement attention, se plongeant dans la lecture de son cours.

Depuis leur coin, Selim et Nice chuchotaient :


  • Il me dit vaguement un truc l’asiat’, lâcha Selim.
  • Je pensais que tu l’avais reconnu, dit la petite. Il était dans notre classe en première, un doubleur. Ça m’est arrivé de faire des travaux avec lui…
  • Quand ça ?! Je ne t’aurais pas laissé seule...
  • Tu devais faire équipe avec Faye et sans doute qu’Alex avait trouvé quelqu’un d’autre que moi. Je n’étais pas proche de lui à ce moment-là. Mais pour revenir à Steve, il a beaucoup changé.
  • Ah ouais ? s’étonna-t-il.

L’ancien gros revint à la charge et continua de le parcourir. Son regard persistant le mettait plus mal à l’aise qu’il ne voulait le faire croire.


  • Oui ? s’impatienta-t-il.
  • J’imagine que tu ne te rappelles pas non plus avoir couché avec la fille que j’aimais à l’époque ?
  • Ah. C’est possible.

Il n’en avait aucun souvenir et vu le ton qu’il prenait, il en avait aussi rien à faire. Alex n’était pas du genre à vivre dans le passé. Il n’avait qu’une préoccupation pour le moment et Steve mis exactement le doigt dessus.


  • Si ça peut te rassurer, je ne t’en veux pas. Comment aurais-tu pu savoir ? répondit-il en l’attrapant par l’arrière de son cou. Maintenant, par expérience j’ai un bon conseil à te donner. C’est toi qui me l’auras appris, ahah. Tu ferais mieux de lui avouer tes sentiments avant qu’un autre ne te la prenne, fit-il en montrant Faye d’un mouvement de tête.
  • Mais t’es qui toi au juste ? souffla Alex avec dédain.
  • T’inquiètes pas va, on va bien s’entendre, pouffa-t-il en tapotant cette fois dans son dos.
  • Steve, Alex ! C’est très bien que vous fassiez connaissance, mais un peu de silence !

Plutôt satisfait, le trouble-fête croisa les jambes et se mit à fredonner pour embêter le professeur ou bien Alex qui n’arrivait plus à se concentrer. Ce dernier sentait qu’il n’aurait pas la paix avant un moment.


***

Vint le moment tant redouter pour Faye. Elle avait gardé la tête haute toute la journée entre les mots “attentionnés” de ses professeurs bien trop curieux et ses autres camarades qui la plaignait. Maintenant, elle devait faire face à ses amis et à Alex qui tirait encore plus la gueule que durant la matinée. À force de le côtoyer, il devenait facile de lire en lui ou alors il était devenu plus expressif ? Elle en tout cas n’arrivait pas à feindre un sourire. Elle écoutait d’une oreille seulement les aventures de Laure et Loyd au gala de sa mère :


  • Donc, j’ai fait mes petites recherches sur le clan Kuraga. Ils se donnent l’image d’une entreprise familiale, mais ils ont été impliqués dans de nombreux business douteux, dont le trafic d’armes. Mon père n’a jamais voulu négocier avec eux, car ils font parti de la mafia et j’imagine bien pour quelles autres raisons.
  • Kyle est fils de mafieux, alors ? Difficile à croire ! s’exclama Selim.
  • C’est pas tellement l’important, intervint Loyd. Sa famille est japonaise et pas besoin de vous en dire plus pour que vous compreniez qu’il est adopté. Je pense que ça peut être sympa de faire quelques recherches complémentaires…
  • Du coup ? Tu as envie de jouer là-dessus ? le coupa Sky.
  • Tout à fait !
  • Vous voulez dire que vous comptez lui faire du chantage ? s'inquiéta Nice.
  • Pas du chantage, rectifia Laure. Non, juste obtenir les bonnes informations pour le recadrer.
  • Il prend beaucoup trop ses aises cette année.
  • Mais il nous aide malgré tout, dit Nice.
  • En nous humiliant ? Au gala, il était prêt à cracher le morceau sur nous et devant le père de Laure.
  • C'est vrai, il lui a proposé des informations sur moi pour pouvoir négocier…

Nice semblait vraiment embêtée. Elle serrait ses petites mains en dessous de la table. C’est vrai que Kyle prenait plaisir à les embêter, mais il les avait aussi sortis de nombreuses situations. Selim voyait bien à ses yeux brûlants qu’elle avait quelque chose à dire. Elle n’osait simplement pas, car Laure et Loyd semblaient décidés et ils faisaient partie de la team “têtu”.

  • Si tu n’es pas d’accord, tu peux t’exprimer Nice, lui dit alors Laure.

Ce n’est pas parce qu’elle avait une idée en tête qu’elle forcerait tout le monde à y adhérer. La jeune Ibiss tenait à avoir l’avis de chacun. Selim l’encouragea en lui faisant un sourire.


  • C'est vra… que je ne suis pas d’accord avec cette idée. C’est… Kyle, donna-t-elle comme argument. Si on lui fait la misère, il nous rendra la pareille. Je ne sais pas comment il s’y prend pour obtenir toujours toutes les informations qu’il lui faut, mais je ne veux pas prendre ce risque. Surtout que… il n’aurait rien de plus facile pour lui que de vendre la mèche à nos parents. Je ne veux pas qu’il ait l’occasion de briser mon couple…
  • Ma belle, souffla Selim en venant lui attraper la main. Je pense pareil, fit celui-ci.

Loyd se réinstalla dans sa chaise et croisa les bras. Il était bien placé pour comprendre. Si seulement son amour pouvait être partagé, il ne voudrait pas courir ce risque non plus. Mais il avait soif de vengeance. Laure voulait tout simplement remettre les points sur les “i”.


  • Je crois qu’on peut tout simplement lui faire comprendre que nous possédons des informations sur lui et exiger en échange qu’il se calme, expliqua Laure tandis qu’elle jouait nerveusement avec son bic. C’est aussi dans le but de nous préserver. J’imagine que l’adoption doit être un sujet sensible pour lui. Assez pour qu’il cache son nom de tous en tout ça.
  • Laure et moi, nous nous proposons pour chercher ce qu’il faut. Ça ne veut pas dire qu’on va le menacer directement, loin de là. Qu’est-ce que vous en dites ?

Personne ne semblait convaincu et encore moins Kimi. Elle ruminait dans son coin depuis le début. Elle fit un signe pour montrer qu’elle prenait la parole.


  • Je suis contre. Je ne pense pas que c’est en lui faisant mal qu’il se calmera.
  • Alors même qu’il ne s’est pas gêné de révéler que tu es toi-même adoptée ? lâcha Sky de manière désinvolte.
  • C’est vrai ! Il t’a forcé à cracher le morceau tout de même ! ajouta Laure, révoltée.
  • Oui et ça m’a fait du mal. Donc, je ne vois pas pourquoi je lui ferais la même chose.

Cette réponse étonna l’ensemble de la table, même Alex et Faye qui restaient silencieux depuis le début. Surtout Selim et Nice qui avaient simplement peur d’être découverts. Loyd sourit malgré lui.


  • Tu… es pas croyable, pouffa Laure.
  • Pour une fois, je suis d’accord avec la petite blonde, fit Sky en la montrant du pouce. Je ne préfère pas provoquer Kyle. Il est toujours le premier à avoir toutes les cartes en main.
  • Alors c’est en majorité non ? Faye ? Alex ?

Chacun gardait sa main baissée à part les deux investigateurs. Aucun n’était prêt à se lancer dans une telle guerre. La réunion allait continuer. Selim se mordit les lèvres un instant, puis tapa de la main sur la table. Tout le monde sursauta et lui lança des regards apeurés.


  • Pardon… J'ai pas jaugé ma force, déglutit-il.
  • Espèce de dingue, souffla Alex qui gardait sa main sur son cœur.
  • Je ne savais pas si je devais le garder pour moi… Mais je crois que je devrais vous le dire…
  • Viens-en aux faits, ordonna Laure, sachant pertinemment qu’il lui fallait un coup de pouce pour oser parler.
  • Alors euh… avec maman nous avions décidé d’aller au gala…

Comme un petit chat apeuré, Selim leur raconta la réaction de sa mère face à celle de Faye. Cette dernière se tendit sur son siège. Il avait peur du regard de sa meilleure amie. Il expliqua tout de même qu’elle avait pleuré, mais aussi ce qu’elle lui avait avoué.


  • Nos mères étaient amies ? Et donc ? demanda-t-elle froidement.
  • Ben je… je pensais que je devais vous le dire…
  • Tu as bien fait, le rassura Laure, et tant qu’eux ne sont pas au courant de nos relations, tout ira bien.
  • Oui, ça n’a pas d’incidence directe sur nos familles, mais merci de nous avoir prévenu, le remercia Loyd.
  • Ah je… Oui, sourit-il maladroitement. J’ai pensé que c’était aussi une manière d’embrayer sûr…

Lui qui généralement s'en fichait de mettre les pieds dans le plat n'arrivait pas à continuer. Ils lui en voudraient à mort d’avoir partagé une partie de leur secret avec sa mère. Malgré toute la colère de Faye, il profita de la situation pour dévier la conversation.


  • Peut-être que nous devrions te donner la parole, fit-il en regardant la rousse.
  • Et pour parler de quoi, hein ? se braqua-t-elle immédiatement.
  • Faye… Je crois que…
  • Je n’ai pas besoin que tu prennes des pincettes, Nice !

La toute petite sentit une vague d'injustice la traverser :

  • Alors parle-nous !
  • Vous savez déjà tout ! Pas besoin d’en dire plus !
  • Mais pourquoi ?! explosa-t-elle. Je savais que quelque chose n’allait pas ces derniers temps !
  • Euh les filles, tenta Selim de calmer le jeu.
  • Mais tu t’es renfermée sur toi-même. Tu n’as rien dit ! Et j’aurais voulu que tu m’en parles, mais tu ne l’as pas fait. Très bien ! Il faut respecter ton choix. Sauf que maintenant nous savons !
  • Et je ne veux pas que vous me regardiez comme ça !
  • Comment ? intervint Laure.
  • Avec… pitié et…

Les eaux montaient. Elle secoua la tête pour s'empêcher de pleurer.


  • Je n’ai pas envie que ça se passe comme ça… Que maintenant vous soyez aux aguets parce que…
  • Pfff.

Alex fit des yeux ronds en se rendant compte de son propre soufflement.


  • Qu’est-ce que tu as encore toi ?! T’es le premier à avoir changé de comportement en sachant !
  • Je t’ai déjà dit que j’ai agi seulement comme je le voulais.
  • Oh, les amoureux on se calme, les interrompus Sky.

Ils réagirent tous les deux très mal.

  • Dis-nous simplement à quel point c’est grave pour ta mère. Tu n'en as peut-être pas envie, mais nous voulons savoir. C’est… Dis-nous, c’est tout.

Kimi pensa que c’était une bien malhonnête manière de lui faire comprendre qu’il était inquiet.


  • C’est… Mes parents… me mettent un peu à l’écart, mais je les entends et…

En voyant la peine dans ses yeux et à sa voix tremblante, ils lui laissèrent le temps de formuler ses mots :

  • Je sais que les médecins n’ont aucun espoir, dit-elle difficilement. Et qu’elle va… Je… n’arrive pas…

Elle suffoquait. Alex criait à l’intérieur. Il avait tellement envie de la prendre dans ses bras et elle n’arrivait plus à maintenir ses pleurs. Kimi avait l’impression qu’un diable s’amusait à retourner ses entrailles.


  • Ne t’inquiète pas, on comprend que tu…
  • Comment est-ce que vous pourriez comprendre ?! s’énerva-t-elle.
  • Faye ! s’écria Laure.

Elle se rendit compte de son manque de tact, mais malgré tout, elle jugeait que c’était différent.


  • Pardon, je… c’est juste que...
  • Elle a raison.
  • Mais Kimi !
  • C’est vrai ! Nous ne pouvons pas comprendre. C’est moi qui m’excuse. J’ai perdu ma mère d’une manière très différente. J’imagine juste que ce que tu vis est difficile…

La rousse hocha frénétiquement de la tête en continuant de retenir ses sanglots. Elle montrait enfin un peu d’honnêteté.


  • Tu sais, notre but ce n’est pas de te prendre en pitié, juste de te montrer qu’on est là pour toi, expliqua Laure.
  • Tu peux compter sur nous ! s’exclama Nice en venant se blottir contre son épaule.
  • O… ok… balbutia-t-elle en baissant la tête.
  • J’espère que t’as bien compris, dit sèchement Alex.

Un petit sourire vint enfin gagner l’assemblée. Sous la table, une des jambes du blond n’arrêtait pas de sautiller nerveusement. Qu’est-ce qu’il pouvait être lourd ces derniers temps. Alex se maudit d’être aussi taciturne. Il n’arrivait jamais à s’exprimer correctement. S’il en était capable qu’est-ce qu’il lui dirait ? Il pensa que ça importait peu. Sans vraiment s’en rendre compte, il la fixait. Faye le remarqua et se pinça les lèvres. Elle était gênée de pleurer. Lui avait envie d’essuyer ses grands yeux verts perlés par les larmes. Il voulait aussi embrasser ses lèvres qui avaient viré au rouge. Son désir grandissait de jour en jour. Était-ce normal d’avoir tant envie de monopoliser une personne ? Non.

Mais alors pourquoi ? Son cœur battait fort tandis qu’il cherchait la réponse et ses joues s’enflammèrent quand Faye le dévisagea à nouveau. Même son visage en colère lui plaisait. Tout. Chaque partie de son corps et de sa personnalité…

Il s’arrêta un instant de penser et l’observa à nouveau. Une chaleur le parcouru. Il pensa alors : “Ah, c’est donc ça”.

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