Chapitre 9 : Monstre.

7 minutes de lecture

Du bout de son doigt, Kimi récoltait la goutte fraîche qui coulait le long de son verre d’Ice Tea et la récupéra au bout de ses lèvres. En face, Mike l’admirait, sirotant son coca. Malgré sa visite surprise, elle semblait parfaitement à l’aise. La joue dans sa paume, elle lui offrait ses plus beaux sourires. Elle était si belle, les rayons du soleil de dix-sept heures tombant dans ses yeux nuages. Quel garçon chanceux de pouvoir compter Kimi Dan’s dans ses amis. Il avait l’impression de la connaitre depuis toujours, mais il n’en était rien. Ils avaient dix ans lors de leur première rencontre, quand Dossan l’inscrivit à la partie primaire de l’école Gordon. C’est d’ailleurs à partir de cet instant que Mike commença à vivre. Elle représentait beaucoup de premières fois : une amie, un béguin, une petite copine et une rupture aussi. Après leur séparation, il s’était toujours demandé avec quel genre de garçon elle sortirait ensuite. Visiblement, il devrait encore attendre pour avoir sa réponse.


  • Je suis content d’avoir rencontré tes potes. Ils m’ont l’air plutôt sympa, lui avoua Mike d’un ton sincère.
  • Ouaip, ils sont cool… répondit-elle évasivement en aspirant quelques gorgées avec sa paille.

Il se moqua gentiment quand elle regarda ailleurs.

  • Qu’est-ce que t’as ? s’irrita-t-elle immédiatement.
  • Rien, rien.

Elle n’était tout simplement pas honnête avec elle-même. Ce ne serait pas demain la veille qu’il lui ferait avouer son affection pour quelqu’un. Mademoiselle appréciait faire parler les autres, mais ne déposait que rarement ses sentiments. Il n’était de toute façon pas là pour ça. Comment aborder un sujet sensible avec Kimi ? Il redoutait un peu sa réaction. L’atmosphère changea autour de la blonde quand leurs regards se croisèrent une énième fois. Des frissons coururent sur les avant-bras de Mike et vinrent se réfugier jusqu’à sa nuque. Il tressaillit devant ses yeux devenus glace.


  • Dis-moi pourquoi tu es vraiment venu ?
  • Je voulais tout de même te voir, mais on ne te cache rien, rit-il affectueusement.

Par réflexe, Kimi observa les alentours, puis s’appuya à la table.


  • Je sais que tu as fait diversion quand tu as parlé de tes sentiments.
  • Je le pensais quand même, répondit-il en maintenant son regard. Mais c’est vrai que je voulais te parler de quelque chose d’important. En fait, il y a eu un petit souci, continua-t-il en la découvrant intéressée. Donc on en à pas mal discuté entre nous… et le groupe ne voulait pas te le dire…
  • Alors pourquoi tu veux m’en parler ? demanda-t-elle en levant un sourcil.

Mike resta la bouche entrouverte quelques secondes, désarmé. Sans même savoir ce qu’il dirait, elle protégeait le groupe. Elle préférait se conformer à la décision générale de ses amis du lycée de Gordon plutôt que d’entendre la vérité. Sans doute parce que son instinct la mettait en garde.


  • Parce que… Quelqu’un est entré par effraction dans l’école…
  • Encore ? Le nombre de fois que ça a pu arriver, lâcha-t-elle en faisant tournoyer les glaçons au fond de son verre.
  • La personne est rentrée au quatrième…
  • Oh, pas mal, fit-elle en haussant les épaules.
  • Et à laisser un message, continua-t-il malgré ses sourcils froncés et ses yeux baissés.

La poigne de Kimi se resserant autour de son verre ne le rassurait pas. Les fissures n’étaient pas encore visibles.


  • Quelqu’un cherche à débusquer le diable blanc…

"Crac"

Mike protégea se protégea par automatisme et le bruit de vaisselle qui s’entrechoque attira l’attention des quelques personnes autour. Le tambour dans la poitrine de Kimi ne fit que s’accentuer à la vue du sang sur sa main. Elle la garda bien ouverte, l’observant de haut de ses yeux exorbités. Il n’émanait plus que terreur de son visage.


  • Ta main, s’inquiéta Mike.
  • Qui ? gronda-t-elle comme un volcan prêt à exploser.

L’espace d’un instant, elle l’envoya six pieds sous terre en un regard. C’était comme si l’atmosphère entière s’écrasait sur ses épaules et qu’elle tendait à briser ses jambes résistantes. De manière incontrôlée, l’arête de son nez se contractait violemment. Elle balaya la question d’un geste compulsif, se forçant à ne pas regarder les petits points de sang qui jaillissaient de sous les cristaux.


  • Non. Je ne veux pas savoir.
  • Nous… ne savons pas de toute manière…
  • C’est pas important.
  • Si ça l’est ! Et ta main, Kimi…
  • Je m’en fous de ma main. Et quand je dis que je ne veux rien savoir, c’est parce que je ne veux plus… J’ai pas besoin de me justifier. Tu le sais, merde ! J’ai été clair pourtant, après…

Des souvenirs ressurgissaient dans sa mémoire. Elle avait l’impression d’étouffer. Pour s’en éloigner, elle secoua la tête.


  • Je sais, nous avions dit que c’était fini. Mais maintenant que quelqu’un vient avec ce genre de message, c’est différent. Et si cette personne découvrait…
  • Qu’est-ce que tu veux qu’il découvre ? Comment veux-tu qu’il trouve quelqu’un qui n’existe plus ? Dis-moi, hein ?
  • Tu sais que c’est faux…
  • Nan, j’ai raison. Si personne n’en parle, tout ira bien. Alors stoppez ça tout de suite, parce que ça ne me concerne plus.
  • J’avais d’autre chose à…
  • En fait, tu veux un ordre, c’est ça ? le dévisagea-t-elle.
  • Excuse-moi, j’arrête.
  • Aide-moi avec ma main maintenant. S'il te plait. fit-elle en lui tendant, toujours sans la regarder.

Il s’attela à la tâche de retirer les petits morceaux de verre, gardant les yeux rivés sur sa paume. Il avait honte. Par sa faute, Kimi souffrait. Mike voulait insister, lui dire plus, mais elle l’avait clairement mis en garde. Peut-être ne valait-il mieux pas lui dire de se méfier du journaliste de Saint-Clair ? Il avait un peu trop tournoyer autour de l’école ces derniers temps. Non. Après réflexion, il se rendit compte que ça ne ferait que la mettre dans l’embarras. Habilement, il s’occupait de nettoyer les taches de sang. Kimi soupira. Il comprit qu’elle se sentait déjà mieux. Soulager. Elle avait reconstruit ses murs et le regarda avec compassion.


  • Je ne voulais pas te crier dessus, dit-elle en se mordant légèrement l’intérieur de la lèvre.
  • Non c'est moi… Je n'aurais pas dû franchir la limite, répondit-il d'une moue triste.
  • Tu as un don pour les franchir, pouffa-t-elle presque.
  • Ça ! C’est parce que j’ai toujours été spéciale, dit-il en gonflant son buste fièrement.
  • Miiiike…
  • Mais quoi ? Je ne peux même pas me vanter d’être sorti avec toi ? Nous savons tous les deux que c’est un exploit !
  • Tu es vraiment sans gêne, ahah !

La glace avait fondu. Mike la regarda avec bienveillance, puis s'endurcit quelque peu. Elle baissa légèrement les yeux, sentant qu'il s'apprêtait à lui poser des questions plus intimes.


  • Est-ce que… tu ressens toujours la même chose pour moi ? demanda-t-il doucement.
  • O… oui…
  • Tu sais que je t’aime encore ?
  • Oui, je le sais.
  • Aaaah, si cruel ! fit-il en amenant ses deux mains contre sa poitrine de manière exagérée.
  • Je suis désolée, mais c’est parce que je tiens à toi que je préfère être honnête ! Tu mérites mieux qu’une fille qui ne t’aime pas vraiment. Pour ça, je… je m’excuse encore. Être sorti avec toi sans connaître mes vrais sentiments…
  • Eh, j’ai vécu de supers moments, ok ? la rassura-t-il en attrapant précautionneusement sa main blessée.
  • Je me sens coupable quand même…
  • Kimi, soupira-t-il. Tu sais pourquoi je te répète à chaque fois que je t’aime ?
  • Non… ? hésita-t-elle.
  • Parce que ça fait de moins en moins mal, lui sourit-il gentiment d’un air gêné. En fait, je suis presque sûr qu’il y aura toujours une petite place pour toi dans mon cœur, mais récemment… Est-ce que je peux te l’avouer ? marqua-t-il un temps pour faire durer le suspens.
  • Oui ! Bien sûr que oui ! la regarda-t-elle avec des yeux brillants.
  • Nadeije, hum, rougit-il.
  • Nadeije ? Sérieusement ? Mais ! Tu l’aimes ?
  • Je crois, mais ça semble à sens unique… donc j’y vais doucement. C’est aussi pour ça que je suis venu te le dire encore une fois. J’ai l’impression de pouvoir passer à autre chose. Vraiment, insista-t-il en lui offrant cette fois un regard doux.

Kimi n’en revenait pas. Deux de ses meilleurs amis… Ensemble ? Mike et Nadeije formerait un super couple. Ils le méritaient. Elle espérait de tout son cœur que ça fonctionne, admirative.


  • Waw… ça doit être tellement bien, avoua-t-elle d’un air rêveur.
  • Toi aussi tu trouveras quelqu’un un de ces quatre…
  • Non, le coupa-t-elle brutalement en retirant sa main de la sienne. Non, ahah. Ce n’est pas possible, ajouta-t-elle d’un visage blessé.
  • C’est ce que tu dis, mais j’y crois. Tout le monde t’aim…
  • Je m’en fiche, ce n’est pas possible.
  • Pourquoi tu penses ça ? fronça-t-il les sourcils.
  • Je ne suis pas capable d’aimer…
  • Bien sûr que si, enfin Kimi.
  • Je te dis que non !
  • Ne te braque pas…
  • Je ne me braque pas ! C’est juste de la logique ! Qui voudrait d’un monstre comme moi ?!

Il la regarda tristement et laissa ses épaules s’affaisser sous le coup de l’émotion. C’est ce qu’elle disait toujours. Un monstre ? Il avait envie de rire. Si Kimi en était un, alors qu’est-ce qu’il pouvait bien être ?

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 1 versions.

Vous aimez lire Redlyone. ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0