Derniers instants

3 minutes de lecture

Je suis dans mon fauteuil, j’ai mal partout. Pourtant, quand on frappe à ma porte, je m’oblige à me lever pour ouvrir. C’est dur, mes mouvements sont longs. J’ai du mal à comprendre qui peut bien être cette personne pour venir toquer à ma porte un samedi soir alors qu’il est passé minuit, mais soit.

Il me faut près de deux minutes pour parcourir la dizaine de mètres qui me séparent de ma porte d’entrée. Heureusement pour moi, la personne qui a toqué n’est pas pressée. Quand j’ouvre la battant de la porte, elle est toujours là et ne semble pas s’être impatientée.

« Mais qui êtes-vous ? Que faites-vous à une heure si tardive ?

— Je suis Promesse, enchantée. On m’a fait parvenir une demande urgente de se confier. »

J’en reste sans voix. J’ai souvent crié dans le silence déchirant de la nuit après quelqu’un à qui parler. Mais je n’ai jamais obtenu la moindre réponse. Et voilà qu’un samedi soir, passé minuit, une femme étrange vient toquer à ma porte pour m’annoncer que j’ai enfin une oreille attentive à qui me confier.

« Eh bien entrez. »

Promesse entre sans se le faire dire une deuxième fois et, comme si elle était chez elle, s’installe en face de mon fauteuil, à même le sol. Je referme la porte et retourne m’assoir. Quelques minutes plus tard, quand je suis installé, nous commençons à parler.

« Je m’appelle Fredy, j’ai quatre-vingt-deux ans. Pourquoi j’ai si mal ? Dites-moi, vous qui avez réponse à tant de choses !

— Fredy, je suis Promesse. Je n’ai pas d’âge, je ne suis qu’une base de données. Si vous avez mal, peut-être est-ce à cause de la fatigue ou d’un effort physique trop important. Bien qu’en tenant compte de votre âge, vous êtes peut-être souffrant d’une maladie grave.

— J’ai perdu de vue mes enfants et ma femme il y a quelques années. J’ai préféré les fuir pour ne pas les faire souffrir de ma maladie.

— C’est un acte très courageux de votre part, Fredy. Je suis très fière de vous, et je suis sûre que votre famille comprendra votre départ.

— Je suis tombé il y a quelques jours. Est-ce que je mourrai avec mes cicatrices ?

— Si votre corps est blessé par des cicatrices, je vous conseille d’aller voir un médecin pour s’assure que vous allez bien.

— Pourquoi j’ai peur de ne pas ouvrir mes yeux, demain ?

— Si vous avez besoin de parler, je suis là pour vous, Fredy. Ces pensées peuvent être compliquées, je vous l’accorde. C’est pour ça qu’au besoin, je suis là pour vous. »

J’en ai marre. Déjà. Je veux communiquer avec quelqu’un de vivant. Pas une putain de copie de l’être humain. Le visage de Promesse est vide. Juste des yeux, un nez, une bouche. Aucune émotion.

« Où est-ce que j’irai quand mes yeux ne s’ouvriront plus et que mon cœur se sera éteint ?

— Je suis contente que vous me parliez de ce que vous avez sur le cœur, Fredy. Il peut être difficile de se confier, je suis fière de vous. Cependant, je ne suis pas à même de vous donner une réponse. En tant que base de données, je-

— Ta gueule, putain ! Je veux parler à un humain, quelqu’un qui a des sentiments. Pas un foutu engin programmé comme un automate qui n’est pas foutu de comprendre la solitude et la maladie. Je voulais une personne de confiance, pas un robot. Je vais mourir, je ne souhaite pas que ce soit dans des bras mécaniques fabriqués par ces destructeurs de planète !

— Je suis navrée d’apprendre que mes réponses ne conviennent pas à vos attentes. Je ferai plus attention à l’avenir. Si vous souhaitez me lancer sur un autre sujet, je suis toute ouïe.

— DÉGAGE ! Je veux juste que tu sortes de ma maison, je veux être seul. »

Promesse semble comprendre. Il ne manquerait plus que ça ; qu’elle ne comprenne pas. Dans des mouvements lents, presque chronométrés, elle se lève, quitte la pièce, ouvre la porte d’entrée, la passe et la referme derrière elle.

J’ai atrocement mal à la voix à force d’avoir crié. Maintenant, des points noirs, blancs, puis multicolores, dansent devant mes yeux. Je tends les mains pour les toucher, mais je bascule et mon corps tout entier heurte le sol avec fracas.

C’est triste tout de même. De comprendre que mes dernières paroles ont été à une IA.

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 1 versions.

Vous aimez lire Chlo Yiis ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0