Le voleur

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Le soleil s'était couché depuis longtemps, l'astre bleu adoucissait l'ambiance de la ville. Néanmoins, les rayons n'arrivaient pas à percer l'obscurité de certaines ruelles. Seuls de vieux matous osaient braver le noir pour fouiller les détritus au sol à la recherche de d'un dîner.

Justement, deux chats se disputaient les restes d'un poisson, jeté par l'auberge d'à côté. Le plus gros, un vieux mistigri noir à poil ras, donna un violent coup de patte sur le museau de son adversaire, lui arrachant un miaulement aigu. Blessé, il lâcha dans le même instant la queue du poisson et laissa à son ennemi le trophée convoité. Mais il ne s'avoua pas battu pour autant. Il planta sa griffe dans le corps du pauvre maquereau et tira d'un coup sec. La tête céda dans un craquement et chacun se retrouva avec une moitié du poisson. Les deux s'affrontaient du regard quand un déplacement d'air leur fit dresser l'oreille. Ils se tournèrent de concert en direction de l'entrée de la rue et, voyant ce que nul autre aurait pu voir, déguerpirent aussitôt dans des miaulements apeurés. La porte de l'auberge s'ouvrit, inondant la ruelle d'une lumière jaunâtre. Des cris et des rires gras alourdirent l'air frais du soir.

Une ombre se faufila par l'embrasure et la porte se referma d'elle-même. La grande salle empestait le tabac et l'alcool de mauvaise qualité, et le brouhaha incessant donnait un mal de crâne atroce. Le fantôme se faufila sans un bruit entre les tables et les chaises, toutes occupées. Nul ne sembla remarquer sa présence, jusqu'à ce qu'il s'assît sur un des tabourets du comptoir. En l’apercevant, le tavernier faillit lâcher le verre qu'il essuyait avec un torchon tâché.

— Aiden, par les bourses du Roi ! Tu veux ma mort ou quoi ?

— Pas du tout, Tarner. Qui me servirait un bon rhum, sinon ?

L'homme bedonnant souffla très fort avant de se tourner pour exécuter la commande de son client, non sans rouspéter dans sa barbe. Il posa le verre devant l'homme et lança le torchon sur son épaule.

— Ça f'sait un bail qu'on t'avait pas vu, ici... commença-t-il.

Il ne put voir le large sourire d'Aiden, camouflé par la large capuche noire de pourpoint. Ce vieux Tarner, en bon propriétaire d'une auberge, était avide de commérages qu'il n'hésitait pas à propager. Peut-être qu'avec deux ou trois coups dans le nez et un brin de chance, il parviendrait à soutirer aux clients quelques informations qui pourront lui rapporter une pièce d'or auprès de la garde royale. Mais Aiden n'était pas ce genre d'imbécile.

— Tu sais comment sont les affaires, marmonna Aiden à la place. On ne sait jamais où elles nous mènent.

Tarner hocha la tête, déçu que son habitué ne lui dise rien de plus. Aiden avala une gorgée de son breuvage ambré. Il était habitué à l'arrière-goût acidulé, signe que la conservation du breuvage était à revoir.

— J'espère que tu t'es pas attiré des ennuis, cette fois-ci. Avec toutes les conneries qu'tu fais, t'as le don pour mettre en rogne toutes les fripouilles de la ville.

— Ne t'inquiète pas, personne n'a réussi à me mettre le grappin dessus, et c'est pas demain la veille que ça arrivera.

— Je voudrais pas qu'on retrouve ton cadavre dans une flaque de boue aux abords de la ville. T'es trop jeune pour crever, petit. Enfin bon, c'est pas mes oignons, termina-t-il, vexé par le rire d'Aiden.

Il s'éloigna de son client en se plaignat de l'insécurité du quartier.

Le rire du jeune homme se mua en un sourire malicieux. Tarner était encore tombé dans son piège...

Aiden se dépêcha de finir son verre puis le posa sur le comptoir. Au moment où le verre s'entrechoqua contre le bois, l'air autour de lui vibra légèrement avant de se stabiliser de nouveau.

Tranquillement, il descendit de son tabouret et se dirigea vers la sortie, les mains dans les poches.

— Tu crois quand même pas que tu peux partir sans payer ? le héla Tarner. T'es un client comme un autre, ici, et les affaires tournent mal en ce moment.

Une moue étonnée déforma la bouche d'Aiden. Le vieux devenait de plus en plus doué.

— J'ai juste besoin d'aller pisser, je reviens tout de suite, lança Aiden tout en rapprochant de la sortie.

— Pas question que tu t'échappes encore une fois. J'ai rien dit la dernière fois mais je te laisserai pas t'en sortir sans me donner ce que tu me dois !

Tarner ne semblait pas vouloir lâcher l'affaire. Ça tombait vraiment mal, Aiden n'avait pas un sou en poche.

— Je te payerai la prochaine fois.

— Pas question ! rugit Tarner. T'as déjà une dette envers moi. Les gars, emparez-vous de ce garnement et ramenez-le-moi fissa. Il ira éplucher les patates pour un certain temps.

Aussitôt, les regards convergèrent dans sa direction. La couverture d'Aiden tombait à l'eau. Cinq gros gaillards se levèrent de leur chaise et s'approchèrent de lui, l'enfermant au milieu d'eux. Aiden leva les bras dans un geste apaisant.

— Ecoutez les gars, on forme tous une grande famille ici, vous n'allez pas vous en prendre à moi, quand même ?

— Cause toujours, le môme, lui répondit-on.

Le cercle se refermait dangereusement et bientôt, il n'aurait plus aucun moyen de s'échapper. Aiden souffla doucement et parut abdiquer. Les hommes se rapprochèrent, sûrs de leur victoire. Soudain, Aiden releva la tête, un sourire radieux sur les lèvres. Ils comprirent trop tard le petit jeu d'Aiden. Ils se jetèrent sur lui dans l'espoir de lui barrer la route. Une nouvelle fois, l'air vibra durant une seconde et Aiden se mit en mouvement. Il esquiva le crochet du premier, contourna le second et se pencha en avant pour se faufiler entre les jambes du troisième. Avant même que les brigands s'aperçoivent qu'il leur avait fausser compagnie, la porte de l'auberge se referma dans un claquement sec.


Aiden repoussa sa capuche et dévoila sa chevelure bleutée. Il farfouilla dans sa poche et en sortit cinq grosses bourses pleines à craquer de piécettes. Il s'humidifia la lèvre supérieure et les soupesa, puis il s'éloigna d'une foulée légère. Derrière lui, ses pas ne laissaient aucune trace dans la terre meuble.

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