Un jour, peut-être
Un jour il comprendrait enfin, peut-être.
Tout était passé trop vite. Cela s'emballait même désormais, comme le courant trop fort d'un fleuve en crue.
Qui pouvait-il ?
Il vieillissait. On n'arrêtait pas de le lui dire. Ses arrière-petits-enfants surtout.
"Papy, tu nous fatigues avec ta nostalgie".
Il secouait la tête, désolé. Ses souvenirs, de la nostalgie ? Qui connaissaient-ils après tout ? Eux, ils n'avaient pas cent ans passés.
De toute manière, ils ne venaient plus. Depuis longtemps. Comme les autres avant eux.
En restait-il ? Il en doutait.
Il regarda dehors. Les arbres du parc s'étaient parés de leurs atours d'automne, devenant d'élégantes sculptures rouillées.
La pluie fouettait la vitre de sa petite chambre. Il contempla les gouttes rouler sans but, comme les perles affolées d'un collier brisé.
Combien de temps encore ? Combien d'années et de saisons ? pensa-t-il.
Quand la mort ne veut pas vous prendre, il vous reste l'ennui.
Il attrapa le roman sans âge sur sa table de chevet, une édition originale. La couverture au titre effacé tenait encore par magie.
Il connaissait le livre par coeur, tant il l'avait lu. Chloé, Colin, le nénuphar et le pianocktail. L'écume des jours.
Sur son avant-bras une chaleur délicate et une symphonie olfactive. Céline était là.
Le réveillait-elle ? Sans aucun doute. Mais il ne lui en voulait pas. Bien au contraire, comme à chaque fois.
- Les journalistes sont là Monsieur.
- Pourquoi moi ? soupira-t-il.
Un jour il comprendrait enfin, peut-être.

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