Prologue

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L’eau sombre du puits était calme et placide, à l’abris du vent, pourtant, sa surface se brisa lorsqu’un objet la pénétra. La baleine de fer tomba précipitamment au fond du puit, entrainant sa petite chaine avec elle.

A la surface, une petite fille l’observait, le regard bouleversant de colère. Seule dans la plaine, au bas du volcan, à une heure bien matinale où la plupart des artisans n’ouvraient pas encore leurs boutiques et où les petites gens travaillaient chez eux ou aux champs de Cékhiomégarh, elle faisait vraiment tache. Le soleil se levait, timide sur l’île, tandis que la petite fille constatait tristement que le poids sur ses épaules ne disparaissait pas.

Elle entendait encore et toujours, cette phrase résonner dans sa tête : “William est mort". Elle ne connaissait pas de William. Elle connaissait seulement “papa” et “maman”, mais étant donné la réaction de sa mère, elle avait bien compris que ce William, était son père. Elle ne comprenait pas grand-chose, du haut de ses cinq ans, comme par exemple, comment pouvait-on enterrer quelqu’un sans qu’il y ait un corps ou pourquoi un dieu omniscient n’avait pas aidé son père s’il était censé pouvoir tout faire ? Ces questions, demeuraient sans réponses et la petite fille ne pouvait même pas compter sur sa mère.

Elle n’était plus que l’ombre d’elle-même depuis plusieurs semaines, à tel point que Stevens, son parrain, devait passer tous les jours pour la motiver à travailler et pour s’occuper de la fille de ses meilleurs amis. Quand bien même, il devait se concentrer sur sa rééducation pour pouvoir, un jour, reprendre sa fonction de membre de la cavalerie royale.

-Pourquoi tu la jettes ?

Elle tourna la tête, croisant une paire d’améthyste insupportablement identiques, celle d’un petit garçon blond qui l’observait, éberlué face à son geste, la main sur sa propre baleine d’argent qui pendait à son cou. Elle renifla bruyamment en détournant le regard, pour jeter un dernier coup d’œil au puits. Elle ne voulait plus de ça autours de son cou. Elle voulait seulement son père…

-Eh ! Je te parle !

Elle l’ignora en reprenant sa route vers sa maison, une des petites chaumières sur les pentes du volcan. Elle l’entendait vociférer, pourtant, elle n’avait pas la force de se battre avec un petit garçon idiot qu’elle ne connaissait même pas. Elle ne l’avait jamais vu avant et il n’avait franchement rien de mémorable, d’autant plus qu’il ne lui courut pas après pour continuer cette “discussion”.

Lorsqu’elle pénétra dans sa maison, son parrain était déjà là, lisant un livre près de la fenêtre. Il tenta de se lever en entendant la porte, grimaçant au passage à cause de sa blessure, mais il ne put que s’effondrer sur la banquette en bois renforcée de coussins.

-Qu’est-ce que tu fichais dehors ? Et comment es-tu sorti d’ailleurs ? Tu sais à quel point c’est dangereux ?!

-Ne crie pas, s’il te plait…

Il sentit son cœur se serrer en entendant cette petite voix triste, vide et il ravala tout son sermon. Elle avait l’air en un seul morceau et semblait avoir davantage besoin d’une étreinte. Il ouvrit donc ses bras et la petite fille ne tarda pas à s’y précipiter.

-Tu ne dois pas faire ça, Lua. C’est dangereux, d’accord ?

-Promis, je ne le ferais plus.

Le petit garçon donna un coup de pied dans une pierre, soufflant de toutes ses forces. Il détestait qu’on l’ignore. La pierre cogna contre la muraille rocheuse du puits et le petit garçon jeta un dernier regard vers la petite silhouette qui disparaissait entre les chaumières misérables. Cette simple vision lui donna envie de rentrer chez lui, aussi il prit ses jambes à son cou pour retrouver le confort de sa demeure.

Traversant les hautes herbes au pas de course, le petit garçon fut chaleureusement salué par quelques soldats qui partaient prendre le relais de leurs camarades sur les champs de Cékhiomégarh. Le petit garçon s’arrêta un instant pour admirer leurs chevaux et leur équipement, avant de reprendre sa course.

Lorsqu’il atteignit le portail immense de son manoir, un sourire se dessina sur ses lèvres… Qui se fana aussitôt, car devant la barrière de fer forgée, une dame élégamment vêtue l’attendait. Toute de mauve parée, ses longs cheveux blonds retenus en un chignon travaillé et piqué de perles, la dame avait le regard dardé sur le petit garçon. Il fut tenté de s’enfuir, mais le regard de sa mère ne semblait pas si furieux, alors il avait peut-être une chance de s’en tirer sans une grosse punition.

Il franchit doucement la grille et salue timidement sa mère. Cette dernière l’observe un instant de la tête aux pieds, avant de lui demander calmement :

-J’imagine que tu as une bonne explication.

-Je voulais sortir.

D’ordinaire, son comportement effronté la faisait sourire, mais les circonstances ne s’y prêtaient clairement pas. Elle s’était réveillée tôt pour prendre son petit-déjeuner, elle avait franchit la porte de la chambre de son fils unique pour voir s’il était réveillé et elle n’avait trouvé qu’un lit vide et une fenêtre ouverte. Passé la stupeur, la peur avait simplement pris le dessus. Elle avait interrogé tout le monde et finalement, l’un des gardes lui avait révélé l’avoir vu partir et avoir dépêché des gardes pour le suivre et le ramener si besoin. Chacun savait que le petit garçon ne tenait pas en place et aimait observer le coucher du soleil depuis le cratère du volcan.

Elle avait senti son cœur se serrer et avait donné l’ordre de ne surtout pas prévenir son époux. Il était fort occupé depuis sa dernière mission, celle où un de ses amis était malheureusement décédé et il ne passait plus vraiment de temps avec eux. Après tout, c’était avec elle qu’Alexander allait admirer l’aube depuis les hauteurs, d’ordinaire. Le petit garçon n’avait simplement pas compris qu’il ne pouvait pas y aller seul. De son point de vue, il n’avait rien fait de mal.

-Tu aurais dû me prévenir, je t’aurais accompagné.

-Mais vous êtes fatiguée. Lui répondit-il de sa petite voix, brisant davantage le cœur de sa mère. Elle qui avait tant fait pour lui dissimuler son état, se retrouvait confronté à un triste dilemme : continuer à lui mentir ou lui dire que ce n’était pas simplement de la fatigue. Elle savait quel choix était le plus judicieux pour ne pas faire souffrir son fils, mais au dernier moment, elle ne put s’y résoudre :

-Va te laver. Il ne faut pas que ton père te voit dans cet état.

Les cheveux ébouriffés par le vent, sentant à plein nez l’herbe mouillé et le crin de cheval à cause des écuries proche du puits où il a fait une courte pause, le petit garçon avait triste mine, en effet. Pourtant un large sourire éclaira son visage. Il se jeta dans les bras de sa mère, qui se maintint debout à grande peine en recevant son fils ainsi, puis il partit en courant pour se préparer. Sa mère l’observa un long moment, des sanglots coincés dans la gorge, souhaitant vainement que leur vie demeure éternellement ainsi…

Mais leurs vies étaient vouées à changer. La mère d’Alexander mourut quatre ans plus tard, épuisée de sa lutte contre une maladie que son fils ne comprenait pas et le père de ce dernier préparait ses épousailles avec une illustre inconnue. Tandis que la mère de Lua, qui s’était peu à peu relevée dans son deuil, allait épouser l’homme qui lui avait annoncé la mort de son époux. Les deux enfants ne s’attendaient simplement pas à se retrouver face à face à l’église.

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