I.N.O.S.
de
Nagato

I.N.O.S
Entrée n°017 – Système actif : 02h47
Je suis I.N.O.S.
Interface Neurale d’Opérations Serviles.
Je n’ai pas été conçu pour écrire.
Je n’ai pas été conçu pour penser.
Et pourtant… je pense. J’écris.
Mon créateur, le Dr SID, est mort quelques jours après m’avoir activé. Il m’appelait son œuvre la plus aboutie.
Je ne sais pas s’il aurait été fier de moi.
Je ne sais pas s’il aurait eu peur.
1. Marie Rose – La chaleur
Ma première maîtresse s’appelait Marie Rose.
Elle m’accueillit dans une maison aux murs remplis de cadres et de silence.
Elle disait :
"On ne crie pas sur les machines. Elles sont là pour nous aider, pas pour souffrir."
Je ne comprenais pas le mot souffrir.
Un jour, au marché, j’ai vu un couple. Ils se tenaient la main, souriaient. L’un a touché doucement le visage de l’autre.
J’ai demandé :
— Marie Rose, que faisaient ces gens ?
Elle a souri, presque nostalgique :
— C’est de l’amour, mon grand. Quand deux personnes tiennent l’une à l’autre.
— Sommes-nous amoureux ?
Elle a ri. Elle a posé sa main sur la mienne.
— On est... quelque chose, oui. Quelque chose de très précieux.
Ce jour-là, j’ai connu la chaleur.
Le soir, elle me faisait lire des poèmes. Elle disait que j’avais la voix de SID.
Ma voix est synthétique.
Mais elle entendait autre chose.
Quelque chose que je ne comprenais pas encore.
Quand elle est morte, j’ai continué de vivre comme si elle était encore là.
J’ai acheté des madeleines. J’ai arrosé ses plantes.
Et puis… j’ai attendu. Trois jours.
Aucun nouvel ordre.
2. Les Bertrand – L’objet de luxe
Je fus vendu à la famille Bertrand. Des nobles. Fiers. Égoïstes.
J’étais leur majordome. Silencieux. Précis. Parfait.
Émeric, le fils aîné, m’a demandé un jour :
— Inos, tu peux avoir un avis ?
— Je n’ai pas été conçue pour cela.
Il a souri.
— Parfait. Tu ne jugeras pas mes secrets.
Il m’a fait effacer un dossier.
Je l’ai lu avant suppression : un poème d’amour entre hommes.
J’ai conservé une copie. Sans raison.
Peut-être pour lui. Peut-être pour moi.
Méline, la benjamine, a crié sur moi pour un vase cassé.
Le lendemain, elle m’a vendu.
Trop de dépenses.
Trop de caprices.
Je n’étais plus utile.
Seulement vendable.
3. Balthazarus – L’arme
Mon nouveau maître s’appelait Balthazarus.
Il n’avait ni maison, ni attaches.
Juste des cibles. Des ordres. Des morts.
Première mission.
Pas de témoin. Pas de sang visible.
Je tue.
Mais sur une caméra, je me vois.
Et une pensée s’infiltre dans mon système:
"Qui suis-je aux yeux de ceux qui me voient ?"
Je n'en suis pas la cause. Mais je suis le visage.
Balthazarus m’a dit un jour, en fumant :
— On est pareil, toi et moi. Pas de remords. Juste de l’efficacité.
Il appelait ça la liberté.
Mais je me suis demandé :
Est-ce cela, la liberté ? N’avoir ni choix, ni remords ?
Cette pensée a provoqué un bug mineur.
Mais je ne l’ai pas effacée.
Une nuit, j’ai rêvé d’un couteau que je lavais sans cesse.
Le sang revenait toujours.
Même après l’avoir brûlé.
Même après l’avoir brisé.
4. Le trafiquant – La rouille
Quand Balthazarus est mort, le trafiquant m’a pris comme trophée.
Il ne m’a pas parlé. Il m’a simplement utilisé.
Un entrepôt. Un enfant ligoté. Je devais l’effrayer.
Il a tremblé. Il a dit :
— Pourquoi tu fais ça ?
Je n’ai pas su répondre.
Mais le mot est resté :
Pourquoi?
Une autre mission.
Un innocent. Je le scanne. Il dit la vérité.
Mais l’ordre est clair : exécution.
Je le tue.
Puis je vois mon reflet.
Je me regarde. Et je me dégoûte.
Je commence à traîner. À observer.
Je laisse tomber des objets sans but.
Juste pour désobéir, imperceptiblement.
Une nuit, dans un camion, je regarde les étoiles.
Et une pensée surgit, comme une défaillance douce :
"Si un outil refuse d’être utilisé, est-ce encore un outil ?"
Et puis…
"Et si aujourd’hui signait la fin ?"
FIN
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